 | Le site archéologique de Gortyne (Górtyna) en Crète |  |
| |
| | | | | | La rivière Mitropolianos (Μητροπολιανός ποταμός / Mitropolianós potamós) | La rivière Mitropolianos, c’est-à-dire la rivière de Mitropoli ou « rivière métropolitaine », arrose la cité de Gortyne ; son cours passe au pied de l’acropole qu’elle sépare du reste de la cité. Dans l’Antiquité la rivière était nommée le « Léthée » (Ληθαίος ποταμός / Lithaíos potamós), à ne pas confondre avec un fleuve du même nom qui coule en Thessalie. Le Léthée prend sa source près de Gergéri (Γέργερη) et de Panassos (Πανασός) où il recueille les eaux du versant sud-est du massif du Psiloritis. Aux environs de la localité d’Apomarma (Απομαρμά), la rivière franchit sous un pont la route nationale 97 d’Héraklion à Faistos, puis s’enfonce progressivement dans des gorges (Φαράγγι του Ληθαίου) et débouche dans la plaine de la Messara juste avant Gortyne ; la rivière passe par le village de Mitropoli (Μητρόπολη), qui lui a donné son nom moderne de rivière Mitropolianos ; aux environs de Choustouliana (Χουστουλιανά) et de Platanos (Πλάτανος), le Léthée conflue avec le grand fleuve qui draine la plaine de la Messara, le fleuve Géropotamos, qui se jette dans le golfe de la Messara au sud de Tympaki. Le Léthée a un cours d’une quinzaine de kilomètres de longueur ; le long de son cours se trouve des vestiges d’un aqueduc qui amenait l’eau depuis Gergéri jusqu’à la cité de Gortyne, ainsi que les ruines de plusieurs moulins à eau. |
| | La basilique Saint-Tite (Ναός του Αγίου Τίτου / Naós tou Agíou Títou) | En entrant dans la partie clôturée du site archéologique de Gortyne, le premier monument que l’on remarque sont les ruines de la basilique paléochrétienne Saint-Tite (n° 3.1 sur le plan), situées juste au nord de la route provinciale d’Agioi Déka à Mirès ; la basilique a été bâtie dans la partie sud de l’ancienne agora grecque, à une centaine de mètres au sud de l’odéon romain, qui est situé dans la partie nord de l’agora. L’église doit son nom à saint Tite, qui fut nommé premier évêque de Crète par saint Paul de Tarse, au Ier siècle ; le siège épiscopal de Tite fut Gortyne qui était alors la capitale de la Crète romaine. Né vers l’an 10, Tite (Τίτος, Titus) mourut à Gortyne au début du IIe siècle, à l’âge de plus de 90 ans. Saint Tite (Άγιος Τίτος) est le saint patron de la Crète.
Ce sont les archéologues italiens qui ont donné ce nom à cette basilique, en se fondant sur la tradition locale ; cependant il subsiste un doute quant à l’identification exacte de la première basilique dédiée à saint Tite à Gortyne ; à environ 300 m au sud, une autre basilique paléochrétienne, plus ancienne et plus grande, a été mise au jour près du hameau de Mitropoli.
Saint Tite étant mort au début du IIe siècle, le christianisme étant devenu religion officielle de l’Empire romain d’Orient en l’an 330, et Gortyne étant devenue le siège épiscopal de la Crète dès le IVe siècle, il est vraisemblable que des édifices antérieurs aient été dédiés à l’évangélisateur de la Crète ; le crâne du saint fut conservé à Gortyne jusqu’en 796, une trentaine d’années avant l’invasion de la Crète et la destruction de la cité par les Arabes. L’emplacement de la basilique serait le lieu de sépulture de saint Tite. Des doutes subsistent quant à la date de fondation de la basilique dite de Saint-Tite (Βασιλική του Αγίου Τίτου) ; des chapiteaux de piliers de l’église portent le monogramme de l’empereur romain d’Orient Justinien Ier, qui régna de 527 à 565. La basilique aurait été fondée sous son règne, au VIe siècle, puis aurait été agrandie, en plusieurs phases de construction, jusqu’au VIIIe siècle. Il est vraisemblable que la basilique du VIe siècle ait été bâtie sur les vestiges d’une ancienne église où étaient conservées les reliques de saint Tite, église qui aurait été détruite pas un tremblement de terre, peut-être celui de l’année 415.
En 712, le métropolite de Crète, à Gortyne, était saint André de Crète. En 825, un an après leur invasion de la Crète, les musulmans arabes ont entièrement pillé et détruit la basilique comme l’ensemble de la cité de Gortyne. L’église a été reconstruite à la fin du Xe siècle, après la libération de la Crète de l’occupant sarrasin par Nicéphore Phocas.
Il ne reste de la basilique Saint-Tite que la zone de l’autel et l’abside, flanquée de deux absidioles ; l’absidiole de gauche a été aménagée en chapelle orthodoxe. L’endroit est très apprécié par les pigeons … Cependant, les traces des fondations des murs permettent d’imaginer le plan général de l’édifice : l’édifice présentait, à l’origine, un plan basilical à trois nefs, mais, selon une pratique byzantine fréquente, une nef transversale, c’est-à-dire un transept, fut ajoutée dans le milieu de l’église ; aux extrémités de ce transept se trouvaient de petites absides couvertes d’un dôme ; la croisée du transept était également couverte d’un dôme hémisphérique. Devant l’entrée de l’église, située à l’ouest, se trouvait un atrium ; on pénétrait dans l’édifice par cinq portes ; à l’intérieur, à l’avant des trois nefs, se trouvait un narthex, divisé en trois parties correspondant aux trois nefs ; les trois nefs étaient séparées par des colonnades de trois colonnes qui s’étendaient du narthex au transept.
La basilique Saint-Tite a été longuement restaurée entre 2014 et 2018. |
| L’agora grecque (Αγορά / Agorá) | L’ancienne agora grecque s’étendait au pied de l’acropole, sur l’autre rive de la rivière Léthée (n° 6 sur le plan) ; un petit pont permettait de passer d’une rive à l’autre. Dans le nord de cette ancienne agora, vraisemblablement à l’emplacement d’un bâtiment publique des époques grecques archaïque et classique, un odéon a été construit à l’époque romaine, au Ier siècle. À l’époque de l’Empire romain d’Orient, une basilique, dédiée à saint Tite, a été édifiée dans la partie sud de l’agora. |
| L’odéon (Ωδείο / Odeío) | L’odéon de Gortyne est un édifice datant de l’époque romaine. Les odéons romains (odea, odeum au singulier) étaient des petits théâtres couverts destinés à accueillir des spectacles de musique, de chant lyrique ou de poésie ; les odéons étaient de taille plus petite que les théâtres, mais avaient une structure semblable.L’odéon avait été bâti dans la partie nord de l’ancienne agora grecque de l’époque classique (n° 6 sur le plan), sur la rive gauche de la rivière Léthée (Ληθαίος ποταμός) (n° 5 sur le plan). À cet emplacement devait se trouver auparavant un ancien bâtiment publique utilisé pour l’assemblée de la cité ; des matériaux de ce bâtiment, datant du Ve siècle avant JC, ont été remployés pour construire l’odéon, notamment les blocs de pierre portant le célèbre « Code de loi de Gortyne ». L’odéon aurait été initialement construit au Ier siècle mais a été endommagé par un tremblement de terre, peut-être celui de l’année 66 ; l’édifice a été reconstruit ou restauré au début du IIe siècle, sous le règne de l’empereur Trajan (règne de 98 à 117), sous la forme qu’on lui connaît de nos jours. L’édifice a encore subi des modifications mineures au IIIe siècle et au IVe siècle ; les fouilles archéologiques ont mis au jour des statues mutilées datant d’une époque aussi tardive que le IVe siècle. L’odéon a sans doute été fortement endommagé par le tremblement de terre de l’année 415 qui a dévasté Gortyne. À partir du VIe siècle l’utilisation de l’odéon comme salle de spectacle a cessé et des inhumations ont eu lieu dans la zone du fond, où des tombes byzantines ont été mises au jour (n° 18 sur le plan).
L’odéon se présente comme un petit théâtre avec une cavea semi-circulaire (κοίλο), d’environ 18 m de rayon ; les gradins en pierre de la partie supérieure de la cavea reposaient sur une voûte construite en briques qui abritait un couloir semi-circulaire ; la voûte de ce couloir s’appuyait, du côté intérieur, sur dix-huit arches en briques dont on peut encore voir les ruines des piliers, et, du côté extérieur, sur un mur d’enceinte en pierre, dont une section était construite avec les pierres portant le « Code de Gortyne » ; la section de la galerie qui protégeait l’inscription a été reconstruite au XXe siècle, en briques similaires aux briques de la voûte d’origine. Seules survivent les trois rangées de gradins de la cavea construites sur la terre ferme.
L’orchestre (ορχήστρα) avait aussi une forme semi-circulaire et était dallé de dalles de marbre blanc et bleu ; deux entrées permettaient au public d’accéder aux gradins de la cavea.
La scène était rectangulaire et surélevée ; dans le mur de scène se trouvaient des niches carrées où étaient placées des statues de marbre, vraisemblablement les statues que l’on a retrouvées mutilées au milieu des ruines. La scène avait trois entrées et un sol en mosaïque avec des thèmes géométriques. |
| Le platane de Zeus et d’Europe | Au nord de l’odéon, une allée conduit, en un cinquantaine de mètres, jusqu’à un des platanes sacrés qui auraient abrité les amours de Zeus et d’Europe.Charmé par la princesse Europe, fille du roi de Tyr en Phénicie, Zeus l’aurait enlevée et, métamorphosé en taureau blanc, aurait transporté Europe sur son dos jusqu’en Crète ; arrivé sous des platanes situés près d’une source à Gortys, Zeus aurait repris sa forme humaine, sauf un seul membre de son corps, et se serait accouplé avec Europe, qui aurait donné naissance à Minos, Rhadamanthe et Sarpédon qui devinrent les rois des trois palais minoens de Crète, Cnossos, Malia et Faistos. _small.jpg)
Depuis lors ces platanes auraient gardé le privilège de ne jamais perdre leur feuillage. Théophraste (Θεόφραστος), botaniste du IVe siècle avant JC, en parle comme d’un platane dont les feuilles ne tombent qu’au moment où lui en viennent de nouvelles. L’arbre en question se trouve dans un enclos, sur la rive de la rivière Léthée, qui baigne ses racines, et cet arbre supporterait les inondations de la rivière. Une pancarte en grec indique « ΑΕΙΘΑΛΗΣ ΠΛΑΤΑΝΟΣ. ΣΠΑΝΙΟ ΑΕΙΘΑΛΕΣ ΔΕΝΔΡΟ ΤΟΥ ΣΥΝΗΘΩΣ ΦΥΛΛΟΒΟΛΟΥ ΕΙΔΟΥΣ ΡLΑΤΑΝUS ΟRΙΕΝΤΑLIS ΜΕ ΒΟΤΑΝΙΚΟ ΕΝΔΙΑΦΕΡΟΝ ΜΥΘΟΛΟΓΙΑ : Ο ΔΙΑΣ ΥΠΟ ΜΟΡΦΗ ΤΑΥΡΟΥ ΑΠΗΓΑΓΕ ΤΗΝ ΕΥΡΩΠΗ ΜΕ ΤΗΝ ΟΠΟΙΑ ΣΥΝΕΖΕΥΧΘΗ ΕΔΩ ΚΑΙ ΑΠΕΚΤΗΣΑΝ ΤΟΝ ΜΙΝΩΑ … ΔΑΣΙΚΗ ΥΠΗΡΕΣΙΑ ». Cet arbre ne ressemble guère à un platane, même oriental (Platanus orientalis), mais tout le reste de l’histoire est véridique. Une statue colossale d’Europe, assise sur le dos d’un taureau, a été découverte dans l’amphithéâtre de Gortyne au XIXe siècle ; cette statue a été dérobée par l’amiral britannique Spratt qui l’a emportée à Londres en 1862 ; cette statue, de 1,85 m de hauteur et datée de 100 avant JC, fait maintenant partie des réserves de collections du British Museum. Par ailleurs, de nombreuses pièces de monnaies ont été trouvées avec des représentations d’Europe au revers, montrant que le peuple de Gortys honorait Europe comme une grande déesse. Sur le Vieux-Port d’Agios Nikolaos, on peut voir une statue moderne en bronze qui évoque aussi ce mythe de Zeus et d’Europe (Ο Μύθος της Ευρώπης και του Δία). |
| | Le théâtre du nord (Βόρειο Θέατρο / Vóreio Théatro) | Après avoir franchi la rivière Léthée en direction de l’acropole on découvre, sur la rive droite de la rivière, les ruines du théâtre du Nord adossé au flanc sud-est de l’acropole (n° 4 sur le plan) ; il s’agit d’un théâtre datant de l’époque hellénistique tardive ou de l’époque romaine ; ces ruines sont en plutôt mauvais état. |
| L’acropole (Ακρόπολη / Akrópoli) | L’acropole de Gortys (Γόρτυς) se trouvait au sommet de la colline Saint-Jean (λόφος του Aγίου Iωάννη), une colline située sur la rive droite de la Léthée et qui culmine à environ 250 m d’altitude.Les ruines de l’acropole se trouvent à l’extérieur du site archéologique clôturé de Gortyne ; pour accéder à l’acropole on peut prendre un chemin qui débute à environ 200 m à l’ouest de l’entrée du site archéologique et qui remonte la rive droite de la rivière Mitropolianos, puis qui passe à l’arrière du théâtre du Nord ; il faut compter une trentaine de minutes de marche pour atteindre le sommet de l’acropole. Si l’on dispose d’un véhicule on peut continuer sur la route d’Agioi Déka à Mirès et, après 600 m, bifurquer à droite sur une petite route vers le village d’Ampélouzos (Αμπελούζος) ; juste après l’entrée dans ce village, il faut prendre sur la droite une petite route qui conduit à Apomarma (Απομαρμά) et à Gergéri ; une pancarte indique un chemin de terre qui mène à l’acropole de Gortys. On peut se garer sur la droite, au pied du versant ouest de la colline Saint-Jean ; la montée jusqu’à l’acropole prend environ 5 min. La ville haute s’est développée à l’époque dorienne, du Xe siècle avant JC au VIIe siècle avant JC, autour du temple d’Athéna Poliouchos ; l’acropole commença à perdre de son importance à l’époque hellénistique, au profit de la ville basse qui se développait dans la plaine. À l’époque de l’Empire byzantin une basilique paléochrétienne fut édifiée sur les ruines du temple d’Athéna (n° 3.2 sur le plan).
L’acropole était protégée par des fortifications depuis l’époque archaïque jusqu’à l’époque hellénistique (en traits noirs tiretés sur le plan) ; ces fortifications ont été restaurées et renforcées à l’époque de l’Empire byzantin, au VIIe siècle, sous le règne de l’empereur Héraclius (en traits noirs continus sur le plan). On peut voir quelques vestiges de ces murailles qui ont encore jusqu’à 6 m de hauteur en certains endroits. À l’époque romaine un bâtiment de grande taille a été construit, dont on ne connaît pas l’utilisation ; il est localement nommé « kastro », mais ce pourrait être de grandes citernes, bien que l’on voit mal comment des citernes auraient pu être alimentées au sommet d’une colline. Les visiteurs ne se pressent pas en grand nombre au sommet de l’acropole ; cependant l’endroit offre des vues magnifiques sur l’ensemble du site archéologique dont on peut essayer de deviner le plan et la structure du réseau d’aqueducs amenant l’eau depuis Zaros et Gergéri. |
| Le temple d’Athéna Poliouchos (ναός της Αθηνάς Πολιούχου / naós tis Athinás Polioúchou) | Le temple d’Athéna Poliouchos, c’est-à-dire Athéna « Protectrice de la Cité », fut le sanctuaire officiel de la cité de Gortys jusqu’à l’époque hellénistique ; le temple d’Athéna fut progressivement supplanté par le temple d’Apollon Pythien. Le temple d’Athéna se trouvait au sommet de l’acropole (n° 1 sur le plan). En contrebas du temple, sur le versant oriental, se trouvait un autel sacrificiel avec une fosse sacrificielle (n° 1 sur le plan). Le temple d’Athéna était un temple de forme carrée, de 13 m de côté, sans colonnes. Il aurait été édifié dans la première moitié du VIIe siècle avant JC.
Les fouilles archéologiques du temple ont mis au jour une statue féminine assise vêtue d’une robe richement décorée. Les archéologues ont aussi découvert des triades de déesses nues, portant des couronnes de type polos (πόλος), qui décoraient vraisemblablement la façade du temple ; ces sculptures en haut-relief étaient en réalisées en pierre poreuse ou poros (πώρος). De nombreuses statuettes votives ont également été trouvées près de l’autel et de la fosse sacrificiels. Ces artefacts, datés du milieu du VIIe siècle avant JC, sont exposés au Musée archéologique d’Héraklion. |
| | Le quartier du prétoire | Le quartier du prétoire était le cœur de la Gortyne romaine qui s’est développée à l’est de la rivière Léthée, de nos jours nommée Mitropolianos ; la cité romaine s’étendait depuis les collines, au nord, jusqu’aux sites des localités modernes d’Agioi Déka, à l’est, et de Mitropoli, au sud-ouest. Cette vaste zone était irriguée par un système très ramifié de canalisations en terre cuite distribuant, par de nombreuses fontaines, l’eau amenée par un aqueduc descendant des contreforts du massif du Psiloritis. Le quartier du prétoire est situé au sud de la route provinciale qui relie Agioi Déka à Mirès ; une façon intéressante de découvrir ce quartier est de marcher depuis l’ouest de la localité d’Agioi Déka, après avoir visité l’église des Dix-Saints et les tombes des dix saints, et de suivre le chemin agricole qui se dirige vers l’ouest, au milieu des oliveraies, en restant à l’écart de la route provinciale. Avant 500 m, on parvient aux ruines de l’ensemble prétorien qui comprenait, entre autres bâtiments, le prétoire lui-même, un nymphée, des thermes et plusieurs petits temples. En continuant sur le chemin on trouve, 300 m plus loin, les ruines du temple d’Apollon Pythien et celles du théâtre romain du sud et, au milieu d’une oliveraie, le temple des divinités égyptiennes. Sur la gauche du chemin, en s’enfonçant au milieu des cultures, on peut découvrir les ruines des thermes publics romains et celles de l’amphithéâtre romain ; tout à fait au sud, se trouvait un stade ou un cirque romain, dont on peut seulement deviner le périmètre, qui est occupé par des cultures agricoles. Cette zone de la Gortyne romaine n’a été que partiellement fouillée et on devine combien il reste encore, sous les oliveraies, de ruines qui attendent d’être découvertes ; les ruines qui ont été mises au jour sont en général clôturées, et parfois bâchées, mais on peut les observer de l’extérieur à travers la clôture grillagée. Il faut compter entre 1 h et 1 h 30 min pour faire le tour de ces ruines, ou beaucoup plus pour les passionnés. Après cette visite on peut continuer sur le chemin agricole jusqu’à rencontrer la route provinciale d’Agioi Déka à Lentas ; en prenant à droite, on se dirige vers le site archéologique payant de Gortyne ; en prenant à gauche, on peut aller voir les ruines de la basilique byzantine de Mitropoli. | Légende du plan de l’ensemble prétorien : 1 : salle basilicale. 2 : théâtre du sud. 3 : temple d’Apollon pythien. 4 : zone byzantine. 5 : zone du prétoire. 6 : thermes du prétoire. 7 : ? 8 : Théos Hypsistos. 9 : temple d’Antonin le Pieux. 10 : mausolée. 11 : nymphée du prétoire. 12 : temple hellénistique.
|
| Le prétoire (Πραιτώριο / Praitório) | Le prétoire (praetorium) était le palais du préteur romain (praetor), c’est-à-dire du gouverneur de la province romaine de Crète-Cyrénaïque dont Gortyna était la capitale. Le préteur d’une province avait un pouvoir civil et militaire sur la province qu’il gouvernait ; il était nommé pour un an. Le palais du préteur était un ensemble imposant de bâtiments qui servait à la fois de siège administratif et de résidence privée du préteur, ainsi que de lieu de culte.Le prétoire de Gortyna se trouvait au cœur de la cité romaine, à moins d’un kilomètre au sud-est de l’ancienne acropole de la cité dorienne (n° 11 sur le plan). Aller au prétoire de Gortyne avec Google Maps (35.058824, 24.951874). La conquête de la Crète par Rome s’est achevée en 67 avant JC et Gortyna est vraisemblablement devenue la capitale de la province de Crète dans les années qui suivirent, et un préteur a dû être nommé. Les prétoires pouvaient être de simples tentes militaires. Le bâtiment dont on peut voir les ruines n’aurait été construit qu’au Ier siècle après JC, à l’emplacement de bâtiments datant de l’époque hellénistique ; le prétoire aurait été rénové au IIe siècle, sous le règne de l’empereur Trajan, qui régna de l’an 98 à l’an 117. Au IVe siècle, le prétoire, comme toute la cité de Gortyne et la majeure partie de la Crète, fut dévasté par le tremblement de terre de 365 ; le prétoire fut reconstruit. Après la conquête arabe du IXe siècle la ville de Gortyne fut abandonnée, mais, après la reconquête de l’île par Nicéphore Focas, les ruines du prétoire furent utilisées comme monastère. Le bâtiment du prétoire était de forme rectangulaire ; les murs étaient construits au moyen de briques et de moellons cimentés au mortier ; il reste quelques sections de murs d’une hauteur impressionnante. En approchant du prétoire par l’est, on découvre en premier les ruines d’un temple dédié à Auguste déifié, édifié sous le règne d’Antonin le Pieux (règne de 138 à 161), situé dans la partie orientale du bâtiment prétorien ; devant l’entrée du temple, au nord-est, se dressait un atrium monumental dont on peut voir, au sol, les énormes fûts de colonnes brisées reposant près de leurs bases ; ces colonnes de marbre avaient un diamètre de plus d’un mètre. Au centre du bâtiment se trouvait le prétoire, dans lequel une basilique fut construite à l’époque byzantine. Au sud du bâtiment se trouvaient les thermes du prétoire.
Au hasard des ruines, on peut voir l’enchevêtrement des canalisations d’adduction et d’évacuation d’eau, des conduites de chauffage, des revêtements muraux, des dalles de sol colorées, des fragments de colonnes lisses ou cannelées, ou parfois torsadées, et des statues mutilées. Le vaste champ de ruines du prétoire donne quand même une impression de son ancienne splendeur. La zone du prétoire est clôturée et n’est visible que de l’extérieur. |
| Le nymphée du prétoire (Νυμφαίο / Nymfaío) | Sur la droite de la rue passant devant les façades du temple d’Auguste et du prétoire, se trouvait une série de petits édicules : un mausolée, une nymphée et un petit temple d’époque hellénistique. Le nymphée se trouvait en face du prétoire (n° 19 sur le plan général). Le nymphée (νυμφαίο), édifié au IIe siècle, était une grotte d’architecture consacrée aux nymphes, ornée de statues de nymphes placées dans des niches et avec des bassins pour y puiser l’eau ; il était alimenté par un aqueduc dont il reste quelques arches. À l’époque byzantine, au VIIe siècle, ce nymphée fut transformé en fontaine la fontaine du nord-est (Βορειοανατολική πηγή) ; le réservoir de cette fontaine était couvert d’une voûte. Les ruines du nymphée sont clôturées. |
| Les thermes du prétoire | Le prétoire comprenait des thermes, c’est-à-dire des bains romains (ρωμαϊκά λουτρά), qui étaient vraisemblablement des bains privés, réservés à l’entourage du préteur. Il y avait divers bains publics à l’intérieur de la cité (les n° 8 sur le plan), notamment les grands bains publics qui se trouvaient plus au sud. |
| Le temple d’Apollon pythien (Ναός Πυθίου Απόλλωνα / Naós Pythíou Apóllona) | En continuant une centaine de mètres vers l’ouest après l’ensemble prétorien, on rencontre, à 50 m à droite du chemin, dans un verger de vieux oliviers, le temple d’Apollon pythien (n° 10 sur le plan). L'entrée du temple ouvrait sur l’agora grecque de l’époque hellénistique (n° 6 sur le plan) ; le temple d’Apollon pythien est devenu progressivement le temple principal de Gortys, supplantant le temple d’Athéna, situé sur l’acropole, qui était plus petit. Le temple d’Apollon fut lui-même supplanté comme lieu de culte lorsque le christianisme s’imposa en Crète, vers le IVe siècle. Le temple était dédié à Apollon pythien, c'est-à-dire l’Apollon vainqueur du serpent Python à Delphes ; c'est dans le temple oraculaire d'Apollon pythien de Delphes qu'officiait la célèbre Pythie.Aller au temple d’Apollon pythien avec Google Maps (35.059390, 24.949852). Le temple d’Apollon pythien fut fondé à l’époque archaïque, au VIIe siècle avant JC. Ce temple archaïque d’origine était une simple salle rectangulaire, avec quatre piliers en bois au centre pour soutenir le toit ; les murs et les marches du temple étaient couverts d’inscriptions en écriture archaïque, dont certaines pierres taillées ont été conservées jusqu’à nos jours. Au nord du temple se trouvait le trésor du sanctuaire.
À l’époque hellénistique, au IIIe siècle avant JC, un pronaos (πρόναος) fut ajouté devant le naos (ναός), ainsi qu’un fronton ; à l’époque romaine deux rangées de colonnes furent ajoutées dans le naos (cella), la divisant en trois nefs ; un autel monumental à quatre niveaux fut construit devant le pronaos. Le temple d’Apollon fut converti en église à l’époque byzantine.
|
| Le théâtre du sud (Νότιο Θέατρο / Nótio Théatro) | Le petit théâtre du sud, parfois nommé théâtre d'Apollon pythien, se trouve immédiatement au sud-ouest du temple d'Apollon (n° 4 sur le plan), sur l'agora hellénistique. Ce théâtre fut construit à l'époque romaine, au IIe siècle.Aller au théâtre du sud avec Google Maps (35.059263, 24.949417). Les ruines du théâtre du sud sont relativement bien conservées ; on peut voir des fragments de murs en briques et de gradins en pierre recouverts de bâches. Depuis le sommet de la petite butte formée par la cavea du théâtre, on peut deviner d'autres ruines, en direction du sud : l'amphithéâtre et les grands thermes romains. |
| | | | | | | | | |
| | | Le code de loi de Gortyne (κώδικας της Γόρτυνας / kódikas tis Górtynas) | Le « Code de Gortyne » (κώδικας της Γόρτυνας) serait le plus ancien texte de loi de la Grèce antique qui ait survécu dans sa totalité. Il s’agit d’un ensemble de lois concernant principalement le droit civil, mais aussi le droit pénal ainsi que le code de procédure pénale ; certains éléments, décrivant les institutions politiques de la cité de Gortyne, relèvent du droit constitutionnel. Pour le caractère exceptionnel de cette inscription épigraphique, le « Code de Gortyne » a été surnommé la « reine des inscriptions » (βασίλισσα των επιγραφών). C’est l’une des plus importantes découvertes archéologiques de Crète, qui a fait la célébrité du site de Gortyne. Ce texte de loi est gravé sur des stèles incorporées dans le mur circulaire qui ceinturait l’odéon romain de Gortyna construit au IIe siècle. Ces stèles étaient remployées d’un bâtiment antérieur datant de l’époque hellénistique situé sur l’ancienne agora ; ces dalles faisaient vraisemblablement partie, à l’origine, d’un bâtiment officiel de la cité de Gortys, datant du Ve siècle avant JC, utilisé pour les assemblées de la cité ; sur un tel bâtiment le rappel des lois avait tout son sens. Les Romains auraient conservé ces textes de loi dans un but de décoration de leur odéon, bien que ces lois n’aient plus de valeur juridique à leur époque.
Lorsqu’elles ont été découvertes à la fin du XIXe siècle, en 1884, ces stèles étaient entièrement ensevelies sous un sol érodé arraché à la colline de Volakas, située à l’arrière de l’odéon. Au XXe siècle, ces « Tables de la Loi », portant cette précieuse inscription, ont été protégées par une galerie voûtée en briques qui couvre une partie du couloir circulaire de l’odéon.
La grande inscription de Gortyne (Mεγάλη Eπιγραφή) est gravée sur 12 stèles, constituées de 42 blocs de pierre légèrement concaves, couvrant au total 9 m de longueur par 3 m de hauteur, ce qui constitue la plus grande inscription grecque jamais découverte. Chaque stèle comporte 52 lignes ; le texte comprend environ 17 000 lettres, 3 000 mots et 600 lignes ; ces lignes ont la particularité de se lire alternativement de droite à gauche puis de gauche à droite, dans un système d’écriture connu sous le nom de boustrophédon (βουστροφηδόν / boustrophedón), ce qui veut dire littéralement « comme le bœuf tourne [à tout bout de champ] » ; ce système d’écriture permet aux yeux de suivre l’écriture en continu ; les lignes commençant à droite sont donc écrites en écriture miroir – clairement reconnaissables au « Ε » inversé. Le texte est rédigé dans un dialecte crétois de la langue dorienne, plutôt grossier. L’inscription est datée de 480 à 460 avant JC, mais est encore parfaitement lisible ; ce texte formalise vraisemblablement des lois établies par la coutume et la pratique, bien antérieurement au Ve siècle avant JC, sans doute à la fin du VIIe siècle avant JC. On peut noter le fait que nulle part dans le texte n’est mentionnée l’autorité qui a édicté ces lois.
Des fragments de l’inscription se trouvent dans des musées du monde entier, mais la plupart des fragments se trouvent sur le site archéologique de Gortyne. La stèle XI se trouve au musée du Louvre à Paris, en France ; elle est relative au droit de succession. Une copie de la stèle VI se trouve au musée épigraphique d’Athènes.
Les « Lois de Gortyne » contiennent quelques éléments de droit constitutionnel disposant que le pouvoir politique était exercé par un collège de dix cosmes (κόσμοι / kósmoi, au singulier κόσμος / kósmos), qui étaient des magistrats élus parmi les membres de l’aristocratie. Les cosmes devaient rendre compte à un conseil des Anciens (γερουσία), choisis parmi les anciens cosmes, une sorte de Sénat ; les cosmes pouvaient eux-mêmes être condamnés à une amende s’ils n’appliquaient pas correctement la loi. À la fin de leur mandat, les cosmes ne pouvaient pas se représenter à cette fonction avant un délai de trois ans ; on peut noter que dans une autre cité dorienne de Crète, Dréros, ce délai était de dix ans. Le code de Gortyne était principalement un code civil et un code de la propriété ; ce code civil faisait une distinction entre trois catégories d’habitants : les hommes libres, les serfs et les esclaves ; la différence entre les serfs et les esclaves était, notamment, que les serfs pouvaient se marier. Il a été supposé que les hommes libres, citoyens à part entière, pouvaient être des Doriens et que les serfs pouvaient être des Étéocrétois, c’est-à-dire des habitants d’origine « minoenne ». Certains historiens du droit ont d’ailleurs observé que les « Lois de Gortyne » n’étaient pas purement inspirées par le droit dorien de Sparte, mais présentaient une certaine influence minoenne. Le code couvrait un large éventail de droit civil, pénal et procédural :
- les droits de propriété et d’héritage, la vente et le partage des terres et des biens. Les femmes de Gortyne avaient des droits patrimoniaux et héréditaires : elles pouvaient posséder leurs propres biens et partager l’héritage paternel avec leurs frères, ce qui était plutôt rare dans les sociétés de cette époque.
- les règles du mariage : bien que les femmes fussent de toute façon soumises aux choix des hommes dans le domaine matrimonial (le père choisissait le mari pour ses filles), les femmes de Gortyne avaient certains droits à la propriété en cas de divorce ou d’héritage sans testament.
- le statut des enfants issus de mariages mixtes, c’est-à-dire entre une personne libre et une personne serve : si un homme libre épouse une femme serve, les enfants seront libres ; si, à l’inverse, une femme libre épouse un serf, les enfants seront des serfs ; si des enfants libres et non libres naissent de la même mère, seuls les enfants libres pourront hériter de la mère.
- l’adoption.
- le divorce était admis et ce n’était pas seulement l’homme qui pouvait mettre fin au mariage en répudiant sa femme : la séparation pouvait avoir lieu à la demande d’un seul des deux époux.
- les amendes pour adultère étaient également fixées selon le statut de l’auteur et celui de la victime.
- le viol n’était pas un crime, mais un délit punissable d’une simple amende ; cependant l’emprisonnement était prévu jusqu’à ce que le contrevenant ait payé l’amende. La peine prévue dépendait du statut de l’auteur et de celui de la victime : violer un homme ou une femme libre était passible d’une amende de cent statères ; violer un serf ou une serve était passible d’une amende de seulement cinq statères.
Il est à noter que le code de Gortyne ne traitait pas de l’homicide. Cinq témoins étaient nécessaires pour faire condamner un homme libre pour un crime, tandis qu’un seul suffisait pour faire condamner un esclave. |
| | |
| | | | |
|