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Le site archéologique et le musée d’Eleutherne, ou Eleutherna (Eléftherna), en Crète

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PrésentationPrésentation

Présentation généralePrésentation générale
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Statère d'argent à l'Apollon de 300 à 270 avant JC au MA de La Canée (auteur ArchaiOptix). Cliquer pour agrandir l'image.Située à la périphérie du massif du Psiloritis, Éleutherne fut l’une des plus importantes cités-États crétoises de l’Antiquité grecque et continua de prospérer dans l’Antiquité romaine et sous l’Empire byzantin ; cependant la cité sombra dans l’oubli après sa destruction par l’invasion arabe du IXe siècle. Depuis 1985 des fouilles archéologiques systématiques par l’Université de Crète sortent peu à peu Éleutherne de cet oubli.

Le nom de la cité antique dériverait du nom d’Éleuthère (Ελευθήρας), l’un des Courètes (Κουρήτες), les démons qui frappèrent leurs boucliers de bronze devant la grotte du mont Ida pour empêcher Cronos d’entendre les cris de Zeus, son fils nouveau-né, et de le dévorer ; le nom d’Éleuthère évoque la liberté (ελευθερία). La cité se serait également nommer « Apollonia » (Απολλωνία), au moins à l’époque classique où la cité frappait des pièces de monnaie à l’effigie d’Apollon. La cité était toujours nommée « Eleuterna » sur la Table de Peutinger (Tabula Peutingeriana), une copie du XIIIe siècle d’une carte des villes et des voies romaines datant de la fin de l’Empire romain, vers le IVe siècle ou le Ve siècle.

SituationSituation

Eleutherna est situé sur les ultimes extensions au nord-ouest du massif du Psiloritis, à environ 380 m d’altitude et à environ 13 km, en ligne droite, du point culminant de la Crète, le mont Ida. Au sud d’Eleutherna s’élève la montagne de Mavrou Koryfi (Μαύρου Κορυφή) (736 m) qui sépare Eleutherna de la vallée d’Amari. La côte nord de l’île est distante d’environ 10 km en ligne droite.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le massif du Psiloritis vu depuis la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le territoire de l’antique Eleutherna comprenait deux promontoires bordés par les vallons de trois ruisseaux : à l’ouest, la colline de Nissi ; à l’est, la colline de Prinès, bordée à l’ouest par le vallon du ruisseau de Chalopota (Ρέμα Χαλοπώτας) et, à l’est par le vallon du ruisseau de Farangitis (Ρέμα Φαραγγίτη) ; ces promontoires formaient des forteresses naturelles facilement défendables. Ces trois ruisseaux confluent au piémont nord du promontoire de l’acropole ; la rivière se dirige ensuite vers Laga (Λαγκά) et Alfa (Αλφά), et vers Angéliana (Αγγελιανά), puis se jette dans le fleuve Géropotamos à seulement 4 km avant son embouchure. À 4 km à l’est de l’embouchure du fleuve se trouve le port naturel de Panormos qui pourrait avoir été le port d’Eleutherna ; l’identification du port d’Eleutherne est plutôt incertaine chez les auteurs anciens et certains pensent que la cité pourrait avoir eu un second port, le port de Pantomatrion (Παντομάτριον), situé à l’embouchure de la rivière d’Arkadi (ποταμός Αρκαδιώτης), qui se jette dans la mer de Crète près du village côtier de Stavroménos, situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Réthymnon, où il prend le nom de ruisseau de Stavroménos (Σταυρωμένος Ρέμα).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon d'Agia Kiriaki vu depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Les vallons d’Eleutherna étaient peuplés d’oliviers, de vignes, de troènes, de caroubiers et d’aliboufiers (Styrax officinalis, αστύρακας) ; à l’est, au nord et à l’ouest de la cité s’étendaient des terres arables et des pâturages, bien irrigués par ces cours d’eau ; au sud, les montagnes fournissaient du bois, du miel, de la cire d’abeille, des plantes aromatiques et des pâturages pour les moutons ; les promontoires rocheux fournissaient de la pierre calcaire de construction de bonne qualité.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon d'Agia Kiriaki vu depuis la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).De nos jours, le territoire de l’antique cité d’Eleutherna occupe le coin sud-est du canton d’Arkadi et du dème de Réthymnon ; ce territoire est limitrophe des localités de Margaritès et d’Alfa dans le dème de Pérama.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Carte du sentier européen E4 - Sections 46-47 d'Arkadi à Eleftherna puis Margarites. Cliquer pour agrandir l'image.Eleutherna se trouve sur la route provinciale d’Angéliana à Eleutherna (Επαρχιακή Οδός Αγγελιανών-Ελεύθερνας), à 4 km après le village de Margaritès. La route provinciale rejoint la route conduisant au monastère d’Arkadi, situé à une dizaine de kilomètres, par la route, au sud-ouest d’Eleutherna. Il existe un itinéraire de randonnée, qui est une section du sentier européen de grande randonnée E4, menant d’Eleutherna au monastère d’Arkadi ; cet itinéraire débute à la sortie ouest du village moderne d’Eleutherna.

VisitesVisites

Village grecLe village d’Eleutherna (Ελεύθερνα / Eléftherna)
Le village d’Eleutherna se trouve à environ 26 km au sud-est de Réthymnon, via Adélé ou via le village côtier de Stavroménos où se trouvait vraisemblablement Pantomatrion (Παντομάτριον), un des deux ports de l’antique Eleutherna. Le village se trouve à environ 370 m d’altitude, au début du promontoire de Nissi. Le village moderne d’Eleutherna est le chef-lieu et l’unique localité de la communauté locale d’Eleutherne (Κοινότητα Ελευθέρνης) du canton d’Arkadi et compte environ 240 habitants.

Le village d’Eleutherna se nommait autrefois Anachourdométocha (Αναχουρδομέτοχα) ; en 1933 le village prit le nom d’Eleutherna, le nom de l’antique cité dorienne d’Éleutherne.

Village grecLe village d’Archaia Eleutherna (Αρχαία Ελεύθερνα / Archaía Eléftherna)
Le village d’Archaia Eleutherna se trouve à seulement 3 km au sud-est du village d’Eleutherna, mais fait partie d’une communauté locale distincte (Κοινότητα Αρχαίας Ελευθέρνης) dont il est l’unique localité. Le village compte une population d’une centaine d’habitants.

Jusqu’en 1987, peu après le début des fouilles archéologiques de la cité antique, le village d’Archéa Éleutherna, c’est-à-dire l’« Antique Éleutherne », était nommé Prinès (Πρινές) mais voulut, lui aussi, se parer du nom de l’antique cité ; l’ancien toponyme Prinès pouvait d’ailleurs être confondu avec celui d’un autre village de la province, situé à 5 km à l’ouest-sud-ouest de Réthymnon. Le village se trouve, à environ 410 m d’altitude, au début du promontoire où se trouvait l’acropole antique, promontoire qui est encore parfois nommé « colline de Prinès ».

Site archéologiqueLe parc archéologique d’Eleftherna (Ελεύθερνα / Eléftherna)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Panneau de direction. Cliquer pour agrandir l'image.Les divers vestiges archéologiques de l’antique Eleftherna sont présentés dans un parc archéologique, dénommé le « Bosquet des Éleutherniens » (Άλσος Ελευθερναίων) qui a été ouvert au public en 2008 ; ce parc archéologique s’étend sur les territoires des communautés locales d’Eleftherna, à l’ouest, et d’Archéa Eleftherna, à l’est. Le parc archéologique a été aménagé avec des routes à revêtement, des ponts modernes, des aires de repos et des panneaux de signalisation des sites à visiter. On peut regretter que la signalisation sur le terrain soit incohérente avec le plan officiel du site, avec des numéros de site différents de ceux de la carte officielle, ainsi que des sites indiqués qui ne sont pas documentés, tels que Lotos, Anémomylos et cetera. La signalisation ne mentionne pas non plus que plusieurs sites ne sont pas, ou plus, ou pas encore, accessibles.

Aller au site archéologique d’Eleftherna avec Google Maps (35.324113, 24.670261).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon de Chalopota et le musée vu depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Si l’on fait la visite du parc archéologique après la visite du Musée archéologique, on peut débuter le circuit par la colline de Nissi (Νησί), au nord du village d’Eleftherna ; les maisons hellénistiques mises au jour à Nissi ont été réensevelies après leur fouille, mais la colline demeure un beau point de vue pour admirer le promontoire de l’acropole. En revenant vers le village d’Eleftherna on peut emprunter la petite route, à gauche, qui descend dans le vallon du Chalopota ; dans ce vallon se trouvent les vestiges les plus intéressants d’Eleftherna qui soient visitables, la nécropole d’Orthi Pétra (νεκρόπολη της Ορθής Πέτρας), qui recèle des sépultures datant de l’époque géométrique, au IXe siècle avant JC. On peut continuer sur la route en direction d’un pont ancien datant de l’époque hellénistique, puis vers les ruines d’un moulin à eau, les vestiges d’une immense carrière de roche calcaire au lieu-dit Péristérès (Περιστερές) (« les Colombes »), les vestiges de bains romains au lieu-dit « Tou Papa o kolymbos ».

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Vue aérienne du site archéologique (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.Pour visiter les ruines se trouvant sur le promontoire de l’acropole d’Eleftherna, il faut remonter jusqu’au village d’Eleftherna, passer devant le musée et se diriger vers le village d’Archéa Eleftherna ; en traversant le village en direction du nord, on arrive à une rue pavée qui passe devant une fontaine puis qui descend sur environ 150 m vers un cul-de-sac où se trouve une aire de stationnement et un belvédère ; on peut continuer à pied sur la colline de Pyrgi (Πυργί), c’est-à-dire le promontoire de l’acropole, et voir la tour de l’acropole, les anciennes citernes, l’ancien aqueduc, les ruines de l’église d’Agia Anna et les ruines de l’acropole.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon d'Agia Kiriaki vu depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Pour visiter la partie orientale du parc archéologique d’Eleftherna, il faut revenir au village d’Archéa Eleftherna et emprunter une petite route qui débute à une soixantaine de mètres à l’est du village et qui descend dans le vallon du ruisseau de Farangitis ; cette route conduit vers des sites qui sont essentiellement d’époque hellénistique, romaine et paléochrétienne : le quartier de Katsivélos et les basiliques de Saint-Michel Archange, de Sainte-Irène et celle du quartier Saint-Marc ; malheureusement ces sites sont, pour l’instant, clôturés et inaccessibles ; le seul édifice dont on peut s’approcher est la petite église byzantine du Christ Sauveur, mais qui ne relève pas de l’Eleftherna antique.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Points d'intérêt du site archéologique d'Eleftherna (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.Dans l’ensemble la visite du parc archéologique d’Eleftherna est plutôt décevante et frustrante, et on pourrait se contenter de visiter le remarquable musée où sont exposées les découvertes, ainsi que la nécropole d’Orthi Pétra.

Le site archéologique d’Éleutherne en Crète. Plan du site archéologique (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.Légende du plan du site archéologique d’Eleftherna :

1 : Tombes taillées dans la roche (λαξευμένοι τάφοι). 2 : Lieu-dit « Tou Papá o kólymbos » (του παπά ο κόλυμπος) (« le Bassin du Pope ») - Bains romains (λουτρό). 3 : Péristérès (Περιστέρης) - Ancienne carrière (αρχαίο λατομείο). 4 : Moulin hydraulique (υδρόμυλος). 5 : Pont antique (αρχαία γέφυρα). 6 : Xéniana (Ξενιάνα). 7 : Orthi Pétra (Ορθή Πέτρα) - Nécropole (νεκρόπολη). 8 : Pyrgi (Πυργί) - Acropole (ακρόπολη). 9 : Katsivélos (Κατσίβελος). 10 : Nissi (Νησί) - Maisons hellénistiques (ελληνιστικές κατοικίες). 11 : Fontaine (βρύση). 12 : Église Sainte-Anne (ναός Αγίας Άννας). 13 : Citernes anciennes (αρχαίες δεξαμενές). 13a : Ancien aqueduc (αρχαίο υδραγωγείο). 14 : Basilique Sainte-Irène (βασιλική της Αγίας Ειρήνης). 15 : Pigaïdaki (Πηγαϊδάκι) - Fontaine. 16 : Église du Christ Sauveur (ναός Σωτήρα Χριστού). 17 : Pyrgi (Πυργί) - Tour de l’acropole (πύργος). 18 : Musée (μουσείο).

ValléeLe vallon du ruisseau de Chalopota
Le vallon du ruisseau de Chalopota (ρέμα Χαλοπώτας), ou torrent du Chalopota (χείμαρρος της Χαλοπότας), borde à l’ouest le promontoire de l’Acropole ; le nom du cours d’eau signifie « eau bonne à boire ». Depuis la sortie orientale du village d’Eleftherna une petite route permet d’accéder à plusieurs sites archéologiques de l’ancienne Eleutherna qui se trouvent dans le vallon du Chalopota ; ce vallon abrite le secteur III des fouilles :
  • Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon de Chalopota vu depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).au premier virage en épingle à cheveux, près du lieu-dit Elléniko et du cimetière du village moderne d’Eleftherna, se trouvent les ruines d’un sanctuaire antique, probablement dédié à une divinité féminine (peut-être Déméter, Perséphone ou Aphrodite), où de nombreuses figurines, vases et lampes en terre cuite et en bronze ont été découverts ;
  • peu après le virage, un chemin permet de traverser le ruisseau et de remonter vers Pigaïdaki et les citernes ;
  • plus loin sur la droite de la petite route, un chemin conduit vers la nécropole d’Orthi Pétra en passant sur un pont qui franchit le Chalopota ;
  • la petite route conduit à Xéniana (Ξενιανά) où ont été découverts des vestiges de murailles du début de l’époque archaïque ;
  • sur la colline située entre le Chalopota et un autre ruisseau plus à l’ouest, se trouve le quartier de Nissi où ont été mises au jour des habitations de l’époque hellénistique ;
  • après Xéniana la petite route atteint le lieu-dit Lotos où ont été découvertes d’autres murailles qui devaient constituer les fortifications nord-ouest de l’Acropole ;
  • à la sortie du vallon, le ruisseau de Chalopota conflue avec le ruisseau de Farangitis (Ρέμα Φαραγγίτη) qui borde le promontoire de l’Acropole sur le côté oriental ;
  • après le confluent des trois ruisseaux, la petite route atteint la zone du pont hellénistique d’Eleftherna.
NécropoleLa nécropole d’Orthi Pétra (Νεκρόπολη Ορθής Πέτρας / Nekrópoli Orthís Pétras)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La nécropole d’Orthi Pétra (Ορθή Πέτρα) est un exemple unique parmi les cimetières du début de l’âge du fer en Crète, en Grèce continentale, dans la mer Égée et dans la Méditerranée en général ; la plupart des cimetières datant des « Âges obscurs », c’est-à-dire de l’époque dorienne s’étendant entre l’époque mycénienne et l’époque grecque classique, du XIe siècle au VIIe siècle avant JC, ont été détruits, pillés ou fouillés de manière inappropriée ; une autre exception est la nécropole de Lefkandí (Λευκαντί) sur l’île d’Eubée.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La nécropole vue depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image.La nécropole d’Orthi Pétra se trouve à peu près à mi-chemin du versant ouest du promontoire de Pyrgi, à une hauteur de 20 m à 40 m au-dessus de la rive orientale du ruisseau Chalopota (n° 7 sur le plan), au pied de l’acropole ; au-dessus de la nécropole passe une piste de terre. Sur la rive occidentale du ruisseau, à Potamida, se trouve un petit parc de stationnement, pour une dizaine d’automobiles, ainsi que le guichet où l’on peut acheter les tickets de visite de la nécropole ; le ticket d’entrée du Musée archéologique comprend la visite de la nécropole.

Aller à la nécropole d’Orthi Pétra avec Google Maps (35.331157, 24.673531).

Un grand nombre de tessons, de fragments de vases en argile et en pierre et d’autres artefacts (par exemple des figurines), trouvés à la surface et à des niveaux plus profonds, attestent de la présence d’êtres humains sur ce site dès l’époque néolithique tardive, du début de l’âge du bronze (IIIe millénaire avant JC) et de l’âge du bronze tardif (XVIe - XIIe siècles avant JC).

Cependant, selon les données disponibles à l’heure actuelle, le site aujourd’hui nommé Orthi Pétra semble avoir été utilisé comme cimetière d’Éleutherne depuis le début du IXe siècle avant JC, vers 880-870 avant JC, jusqu’au premier tiers du VIe siècle avant JC, c’est-à-dire depuis l’époque protogéométrique jusqu’au début de l’époque archaïque. Cette période coïncide avec la création (IXe - VIIIe siècles avant JC) et l’enregistrement (VIIe siècle avant JC) des poèmes homériques, et notamment aux vers gravés sur le célèbre bûcher funéraire de Patrocle (Iliade, Livre XXIII) ; la description du bûcher de Patrocle est confirmée par les découvertes faites sur le grand tumulus du bûcher funéraire LL de la nécropole d’Éleutherne.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.L’utilisation continue du site comme cimetière pendant le reste du VIe siècle avant JC est également confirmée quotidiennement au fur et à mesure que les fouilles progressent. Le site du cimetière et ses environs ont livré des découvertes de l’époque classique (Ve - IVe siècles avant JC), tandis que des traces de structures hellénistiques (IIIe - Ier siècles avant JC), des tessons de poterie et des pièces de monnaie ont également été découverts dans la zone au-dessus du cimetière géométrique-archaïque. L’activité de construction était plus intense à l’époque romaine, de la fin du Ier siècle avant JC au IVe siècle après JC. Ces bâtiments, comme la route pavée, recouvraient des parties du cimetière, laissant (peut-être délibérément) une grande partie de sa zone centrale libre dans l’Antiquité, comme une place parmi les bâtiments ultérieurs.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La nécropole d’Orthi Pétra montre toutes les pratiques funéraires connues de l’époque géométrique et du début de l’archaïque : les crémations, les enterrements dans des jarres et les enterrements ordinaires ou ouverts.

Les crémations des morts étaient pratiquées sur une structure en bois et semblaient avoir été utilisées principalement pour les hommes adultes et plus rarement pour les femmes, vraisemblablement celles qui mouraient en couches. Les crémations étaient pratiquées soit dans une fosse entourée d’un mur (crématorium) dans une succession ininterrompue avec les crémations précédentes, soit directement sur le sol. Les objets offerts aux morts étaient placés autour ou sur le bûcher, tandis que les os du défunt étaient soigneusement recueillis après l’extinction du feu et placés dans une urne cinéraire ou, plus rarement, dans un chaudron en bronze. Les urnes funéraires et certaines des offrandes funéraires (probablement issues des crémations au crématorium) étaient recueillies dans une tombe taillée dans la roche ou près du bord des bûchers funéraires (dans le cas des crémations effectuées directement sur le sol).

La deuxième pratique funéraire attestée dans le cimetière impliquait l’enterrement en jarre, c’est-à-dire l’inhumation d’un ou plus rarement de plusieurs corps dans une poterie, généralement un pithos. Indépendamment du nombre d’offrandes funéraires ou de leur ordre chronologique, les enterrements en jarre semblent avoir été utilisés pour des groupes d’âge et des groupes sociaux spécifiques, généralement des mineurs de moins de 17 - 18 ans, des femmes adultes et peut-être des adultes ayant atteint un âge avancé pour l’époque de plus de 55 - 60 ans. Les enterrements en jarre les plus riches ont souvent une sorte de fausse voûte en pierre (ψευδόλιθος) au-dessus d’eux avec des pilastres et une « porte » (« θυραίο ») à l’embouchure du pithos.

Les enterrements ordinaires étaient effectués sur le sol ou dans des fosses peu profondes, généralement sans cercueil en bois, puisqu’aucune trace de restes de clous en bois ou en métal n’a été trouvée, mais probablement dans un linceul en textile. Celles qui ne sont pas accompagnées d’offrandes - la majorité - ne peuvent pas être datées facilement, car elles sont situées dans des endroits sans stratigraphie claire, à proximité, sur et parmi les crémations, les enterrements dans des jarres et les vestiges architecturaux du cimetière.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Plan de la nécropole d'Orthi Petra (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.Légende du plan de la nécropole d’Orthi Petra :

1 : Crématorium. 2 : Enceinte K. 3 : Tombe A1-K1. 4 : Tombe A1. 5 : Bâtiment L. 6 : Bâtiment M. 7 : Monument A1-K1. 8 : Monument 4A. 9 : Grand pilier.

La tombe A1
Au sud de la tombe A1-K1 et à l’ouest du crématorium A se trouve la tombe A1 (n° 4 sur le plan de la nécropole), une tombe à chambre creusée dans la roche du promontoire de Pyrgi ; il s’agit d’une tombe, vraisemblablement familiale, de cinq individus.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La tombe A1 de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La tombe A1 mesure 2 m de hauteur, est orientée ouest-est et possède une entrée particulièrement bien construite, composée de deux murs robustes en maçonnerie de pierre grossière avec une entrée entre eux. La tombe a été utilisée de la première moitié du IXe siècle avant JC jusqu’au milieu du VIIe siècle avant JC environ, c’est-à-dire à la même époque que la tombe rupestre voisine A1K1 et le crématorium A. La tombe A1 contenait un grand pithos funéraire, qui reposait sur le côté, son embouchure tournée vers l’ouest et scellée par un gros rocher pesant environ 500 kg.

Le pithos contenait les restes des squelettes de quatre individus : un homme âgé de 60 à 70 ans et trois femmes âgées de 18 à 22 ans, environ 30 ans et 35 à 42 ans. Deux des femmes étaient liées entre elles et l’une de ces deux femmes était également liée aux femmes enterrées dans le pithos du secteur 5Ψ et à la femme plus âgée enterrée dans le bâtiment M. À l’extérieur du pithos, en contact direct avec celui-ci, se trouvait une urne funéraire avec les restes d’un guerrier âgé de 29 à 35 ans. L’inhumation d’individus mâles et femelles à l’intérieur du même pithos et la présence à la fois d’une jarre et d’une urne funéraire à l’intérieur de la même tombe sont jusqu’à présent uniques dans le cimetière d’Orthi Pétra.

Les enterrements étaient accompagnés de nombreux cadeaux funéraires opulents. Environ 3 500 fragments de feuilles d’or ont été découverts à l’intérieur du pithos. Unis ou à décor repoussé, découpés et profilés, ces fragments forment des bandes de motifs tressés autrefois cousus sur les vêtements féminins. D’autres découvertes comprennent des bijoux en or et en argent, comme un pendentif en or en forme de femme-abeille, un pendentif en forme d’œil en or et bleu égyptien ; des bijoux en bronze et en fer, tels que des épingles et une fibule avec des traces du textile qu’elle contenait autrefois ; 403 perles de faïence, ambre, roche, cristal, cornaline et sardonyx ; vases en faïence, armes, et cetera.

Des dizaines de vases, au nombre de 113, des amphores (αμφορείς), des hydries (υδρίες), des œnochoés (οινοχόες), des cruches (πρόχοι), des vases tripodes (τριποδικά αγγεία), des petits lécythes (ληκύθια), un cratère (κρατήρας), des coupes à une anse (μόνωτα κύπελλα), des skyphos (σκύφοι), une bassine (λεκανίδα), un askos (ασκός) étaient soigneusement disposés de chaque côté du pithos. Des bols (χάλκινες φιάλες) et des chaudrons en bronze (λέβητες), probablement utilisés pour le bain funéraire des guerriers décédés, étaient placés au sommet du pithos. Les armes, des fers de lance (αιχμές δοράτων) et des épées (ξίφη), étaient disposées en groupes, appuyés contre les côtés du pithos et de l’urne cinéraire avec les os du guerrier et les outils, des haches (αξινοπελέκεις) et des braseros (πύραυνοι).

Les pratiques funéraires ainsi que l’abondance, la variété et la qualité des cadeaux funéraires trouvés à l’intérieur de la tombe A1 indiquent le statut social et le prestige élevés du défunt et confirment les contacts d’Éleutherne avec la mer Égée et la Méditerranée orientale.

La tombe et le monument A1-K1
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le monument A1K1 de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La tombe A1-K1 a été creusée dans le substrat rocheux du promontoire de Pyrgi et orientée est-ouest (n° 3 sur le plan de la nécropole). Sa base presque carrée mesure environ 2 m par 2 m et sa hauteur est d’environ 1,80 m, calculée à partir d’une partie préservée du plafond, probablement effondré dans l’Antiquité. L’entrée était située au milieu du côté ouest. Ses côtés nord, est et sud étaient bordés par un banc bas taillé dans la roche.

Des rangées de rochers grossièrement taillés, disposés de manière différente en bas et au milieu, fermaient la porte depuis le sol jusqu’aux deux tiers environ de la hauteur ; une dalle de pierre irrégulière, maintenant posée sur le rocher au sud, fermait la partie supérieure, aujourd’hui ouverte. Les variations dans la pose des roches et l’utilisation de la dalle indiquent que la structure était régulièrement rouverte afin de recevoir de nouvelles urnes cinéraires à l’intérieur.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Armes et poteries de la tombe A1K1 au musée. Cliquer pour agrandir l'image.Le tombeau n’a pas été pillé. En usage probablement depuis la fin du premier quart du IXe siècle avant JC, vers 880 - 870 avant JC, il abritait des dizaines d’urnes cinéraires (pithoi, amphores et chaudrons en bronze), dont l’embouchure était généralement recouverte d’une plaque de bronze ou vase en argile (bols, chernibai et bassines). Les urnes cinéraires contenaient une multitude de cadeaux funéraires tels que des flacons de parfum en argile (lécythes) et des vases en faïence (amphorisques (ἀμφορίσκος) ou petits pyxides), des armes (principalement des épées, des lances et des poignards en fer), des outils (haches, pioches) et des bijoux (diadèmes en filet d’or), à décor repoussé, des diadèmes unis à décor découpé ou granulé, des perles de verre et de faïence, des petites amulettes, un scarabée, des fibules en bronze, des épingles en fer, en bronze et en argent, etc.). Souvent, d’autres cadeaux funéraires étaient placés à l’extérieur et autour des urnes cinéraires.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Armes et poteries de la tombe A1K1 au musée. Cliquer pour agrandir l'image.Après que le tombeau avait été définitivement scellé, peu avant 650 avant JC, des urnes cinéraires ont continué d’être placées à l’intérieur des dromos pendant un certain temps. Ces sépultures ultérieures contenaient moins de cadeaux funéraires, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des urnes cinéraires, alors que les dernières sépultures de cette série n’avaient aucun cadeau funéraire. Beaucoup de ces urnes cinéraires tardives ont également été placées sur la partie ouest-nord-ouest de la tombe, provoquant l’effondrement de son plafond, peut-être en raison des découpes qui y ont été faites pour accueillir les urnes.

Une grande partie du plafond de la tombe était recouverte par une structure en forme de Π construite au-dessus du sol, qui utilisait une partie du mur ouest du crématorium A et du mur d’enceinte K comme limite est. La structure a été construite en calcaire local et se compose d’une base, d’orthostates et d’une épicranitis (έπικρανΐτις) ; une partie de son côté ouest est maintenant soutenue par une poutre métallique pour des raisons de sécurité et de conservation. La majeure partie de l’intérieur de la structure était remplie de pierres grossièrement taillées, au moins jusqu’à la base de l’épicranitis. Le reste était peut-être rempli de terre.

Une grande amphore du début du VIIe siècle avant JC, contenant des ossements calcinés et recouverte d’une cuvette hémisphérique en bronze, a été trouvée au centre de la structure, maintenue en place par des rochers grossièrement taillés. Une grande cuvette recouvrait l’ensemble, et des vases vernissés avaient été placés à côté de l’amphore comme cadeaux funéraires. L’emplacement de l’urne cinéraire, les couvercles et les cadeaux démontrent que la structure a été conçue pour les enfermer et les contenir. L’importance du monument — résultat de son emplacement, de sa conception et de son excellente construction — indique le statut élevé du défunt.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Stèle du guerrier nu avec bouclier rond à la nécropole (auteur Tomisti). Cliquer pour agrandir l'image.La tombe A1-K1 avec son dromos et le monument A1-K1 étaient probablement l’endroit où étaient rassemblés les restes et les offrandes des crémations effectuées dans le crématorium A. La proximité et la contemporanéité du crématorium et du tombeau creusé dans le roc, tous deux datant d’environ 880 - 870 avant JC, concordent avec cette conclusion.

L’étude anthropologique des restes de squelettes à l’intérieur des urnes cinéraires a montré qu’ils appartiennent pour la plupart à des guerriers mâles d’âges divers, qui représentent une partie de la population d’Éleutherne sur une période de plus de 200 ans. Les cadeaux funéraires indiquent des contacts directs et indirects avec d’autres villes et régions de Crète, de la mer Égée et de la Méditerranée orientale, révélant une « odyssée » de produits, de personnes et d’idées à l’époque de la création des poèmes homériques.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Reproduction du bouclier en bronze au Musée par Dimitris Alexandrou. Cliquer pour agrandir l'image.La tombe A1-K1, dite « Tombe des Guerriers » (Τάφος των Πολεμιστών), contenait le bouclier de bronze, objet emblématique, par lequel commence l’exposition du musée.

Le bouclier recouvrait une urne funéraire de la fin du IXe siècle avant JC. Sur celui-ci se trouvait un lécythe de type « Praissos », datant d’environ 730 avant JC. Selon la date à laquelle le bouclier a été placé dans la tombe, il pourrait dater d’entre 830 - 820 et 730 - 720 avant JC. Il s’agit du seul exemple connu dans un contexte bien stratifié de ce type de bouclier, également connu sous le nom de « bouclier de l’Antre de l’Ida », après une série de découvertes similaires dans le sanctuaire crétois du même nom et dans d’autres sites crétois, tels que Palaikastro, et même à Delphes.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Armes et poteries de la tombe A1K1 au musée. Cliquer pour agrandir l'image.Une divinité féminine nue se tient sur la nuque du buste de lion saillant, étendant ses bras vers deux lions héraldiques droits et entiers. Le buste du lion apparaît démoniaque, avec ses pattes avant contre nature à cinq doigts, qui ressemblent à des gants puisqu’elles suppriment deux sphinx assis face à face. Un motif de galon sépare ce motif central d’une frise de lions chassant des taureaux. On peut en dire beaucoup sur la signification de ces scènes. Par exemple, le lion supprimant les sphinx peut symboliser l’imposition d’un pouvoir sur un autre.

Sans aucun doute, ce bouclier était destiné à protéger les restes incinérés du guerrier mort à l’intérieur de l’urne cinéraire d’argile qu’il recouvrait. Cependant, certains détails techniques et autres suggèrent qu’il ne s’agissait pas d’une véritable arme utilisée au combat. Tant la forme du bord que la présence de détails, tels que des trous de suspension, indiquent que l’objet a été utilisé comme couvercle pour un chaudron en bronze, une identification également suggérée pour un certain nombre d’énormes « boucliers » de l’antre de l’Ida, principalement parce que la grotte où est né Zeus ne contenait aucune arme, ni offensive ni défensive, mais seulement d’immenses chaudrons, associés à des rites religieux, principalement des cérémonies d’initiation des jeunes guerriers mâles, défenseurs des villes et des sanctuaires crétois.

Ce bouclier est l’un des premiers exemples de ce type, mais aussi l’un des plus beaux exemples de l’art crétois primitif à l’aube de la civilisation grecque, associé à la Syrie du Nord et à l’Ourartou.

Dans la « Tombe des Guerriers » a aussi été découvert un grand récipient en bronze, désigné comme bol (φιάλη), cuvette (χερνιβα), bassine (λεκάνη), ou coupe à fruits (καρποδόκη) ; ce récipient, ainsi qu’un autre récipient plus petit, était utilisé pour obturer l’ouverture d’une urne funéraire. Cette utilisation n’était qu’un remploi pour des récipients dont la fonction originelle est incertaine, mais il semble qu’ils étaient placés sur des trépieds ou autres supports et renfermaient des offrandes dans des sanctuaires ou lors de cérémonies religieuses et commémoratives. La forme de ces cuvettes s’est développée à partir de récipients chypriotes similaires, mais non décorés, datant de la fin de l’âge du bronze

L’urne funéraire était un stamnos (στάμνος), un récipient normalement utilisé pour conserver du vin, provenant de Théra, l’ancienne Santorin, tandis que la cuvette de bronze est d’origine phénicienne ; la provenance différente de ces deux artefacts, découverts ensemble dans la Tombeau des Guerriers, est très intéressante sur le plan des échanges commerciaux d’Eleftherna avec les régions voisines. Le cas de ce stamnos peut aussi être rapproché d’un passage particulier d’Hérodote, dans le livre IV des « Histoires » (Ἱστορίαι) : l’histoire de Phronimé (Φρονίμη), la fille d’Étéarchos (Ετέαρχος), roi de la cité d’Axos, une cité voisine d’Eleftherna ; Phronimé fut emmené à Théra par le marchand Thémisson (Θεμίσων) et, après diverses péripéties, épousa Polymneste (Πολύμνηστος), le roi de Théra, à qui elle donna un fils, Battos (Βάττος), qui fonda Cyrène, en Afrique du Nord.

La décoration de cette cuvette représente une scène intéressante : une divinité féminine, trônant devant une table couverte de vaisselles de banquet et de nourriture, reçoit des offrandes de poisson de femmes, qui pourraient être des prêtresses. Derrière ces femmes se trouve un groupe de danseuses se tenant la main, et derrière la divinité un groupe de musiciens jouant de divers instruments, notamment d’instruments à cordes. La forme circulaire de cette cuvette et les danseuses se tenant « par le poignet » rappellent la description par Homère de scènes similaires représentées sur le bouclier en bronze d’Achille (Iliade, livre XVIII), réalisé par Héphaïstos, dieu de la métallurgie. Ce décor est nommé « La danse rituelle » (Ο τελετουργικός χορός).

Des scènes de danse similaires sont d’abord partiellement représentées sur des plaquettes d’argile géométriques-archaïques de Chypre, tandis que des scènes plus complètes apparaissent sur des cuvettes en bronze de Chypre et de la côte syro-palestinienne, mais aussi de l’Antre de l’Ida, et d’Afrati (Αφρατί) en Crète.

La grande cuvette d’Éleutherne est unique par ses dimensions et par l’intégralité de la scène représentée ; l’objet est daté du VIIe siècle avant JC.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Original de la cuvette à décor de danse rituelle. Cliquer pour agrandir l'image. Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Dessin d'une cuvette à motif de danse rituelle (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image. Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Reproduction en bronze de la cuvette à décor de danse rituelle. Cliquer pour agrandir l'image.
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Pithoi funéraires à la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La zone située entre le monument A1-K1, le mur d’enceinte K et le bâtiment L-L1 semble avoir été utilisée pour une série de sépultures en pithos, de sépultures ordinaires et de bûchers funéraires, placés très proches les uns des autres et souvent les uns au-dessus des autres.

Les sépultures à pithos, depuis le bord ouest du site jusqu’à sa limite la plus orientale, sont orientées différemment : du nord au sud mais aussi d’ouest en est. Toutes sont recouvertes de pierres brutes, petites ou grandes, certaines prenant la forme de fausses voûtes. Certaines de leurs ouvertures étaient bouchées par de grosses pierres qui servaient également de pierres tombales. En termes chronologiques, ces sépultures commencent au VIIIe siècle avant JC et se poursuivent jusqu’au VIe siècle avant JC. On peut citer une sépulture en pithos d’un jeune éphèbe. Le pithos a son embouchure au nord et est scellé par des pierres, dont la plus grande sert de pierre tombale. À l’extérieur, près de son cou, une sépulture de chien a été trouvée sur un sol de tessons éparpillés à l’ouest. Il s’agit probablement d’un chien de chasse crétois qui a été enterré avec son jeune maître ; il s’agit d’un très rare squelette animal conservé d’un des célèbres chiens de chasse crétois de la période archaïque.

Les sépultures ordinaires avec des squelettes en position étendue ou contractée, généralement sans offrande ou accompagnés seulement de quelques-unes – une fibule ou un bol en bronze, par exemple – ont également une orientation sud-nord ou nord-sud.

Enfin, les bûchers funéraires, notamment dans la zone la plus orientale, sont accompagnés d’offrandes funéraires (vases en argile principalement) et datent du début du VIIIe siècle avant JC jusqu’au VIIe siècle avant JC. Le niveau supérieur et principal de la zone était utilisé comme fosse avec un grand nombre de tessons datant de l’époque géométrique-archaïque jusqu’à l’époque hellénistique. Plusieurs piliers rectangulaires, faisant partie du support cannelé d’une vasque, ou périrrhantérion (περιρραντήριον), et des pierres rectangulaires ont été soit utilisées comme bornes de bûchers dans les niveaux stratigraphiques supérieurs, soit entassées comme lors d’un rangement ultérieur de la zone.

Les visiteurs ont la même image des trois pratiques funéraires (inhumations en pithos, bûchers funéraires et inhumations à ciel ouvert) dans la zone située au sud et en partie à l’ouest du crématorium A.

Malheureusement, plusieurs de ces sépultures ont été détruites tant par la route pavée que par le caniveau nord qui descend abruptement vers l’ouest.

La zone nord-ouest du cimetière
Un grand nombre de sépultures en jarres ainsi que quelques sépultures ouvertes et des restes de crémation occupent la zone nord et ouest du cimetière. Les poteries utilisées pour les enterrements en jarre sont généralement de grands pithos, des amphores ou des jarres pithoïdes ; leur hauteur varie de 0,6 à environ 2 m ; elles ont généralement des parois épaisses et de grandes poignées, et sont décorées de bandes en relief ; certaines ont un décor gravé ou peint. Leurs dates de fabrication varient ; bien que certaines sépultures en jarre datent du IXe - VIIIe siècle avant JC, la plupart d’entre elles semblent dater du milieu ou de la fin du VIIIe au VIIe - VIe siècle avant JC. Chaque poterie contenait généralement les restes d’un individu, mais certaines en contenaient deux ou plus. Les cadeaux funéraires étaient généralement placés à l’intérieur de la poterie funéraire, mais parfois aussi à l’extérieur du pot, de chaque côté du bord ou sous le col. Certaines jarres, notamment du côté nord du cimetière, étaient recouvertes de pierres qui formaient une sorte de fausse voûte. L’ouverture des jarres était fermée par des pierres grossièrement taillées, un disque d’argile ou une dalle de pierre et des pierres, ces dernières placées de chaque côté de l’embouchure pour former une sorte de porte.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Zone nord-ouest de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Une rangée très intéressante de grands pithoi funéraires commence sur le grand tumulus (pithos XX) et se poursuit vers l’ouest. Sous l’escalier de la passerelle sur laquelle passent les visiteurs, où une vitre permet de voir la zone fouillée, trois grands pithoi funéraires placés en bout (le bas de l’un bloquant l’embouchure du suivant) et datant de la seconde moitié du VIIIe jusqu’au milieu du VIIe siècle avant JC ont été récemment fouillés. Le plus haut de ces pithoi (à l’est) et celui voisin étaient contenus à l’intérieur d’une structure composée de deux murs parallèles et ressemblant aux dromos d’un tombeau de tholos. Les deux pithoi étaient recouverts d’une fausse voûte en pierre, tout comme le troisième, le plus récent, qui fut ajouté à l’ouest, en dehors des murs parallèles. Les pithoi les plus anciens (à l’est) et les plus récents (à l’ouest) contenaient les ossements de plus d’un corps, et tous les trois contenaient certaines des sépultures les plus opulentes du cimetière. En effet, nombre de leurs cadeaux funéraires (pierres de sceau, épingles en or et en argent, œnochoé chypriote et autres vases décorés, et cetera) sont identiques à ceux trouvés à l’intérieur des urnes cinéraires de la tombe creusée dans le roc A1-K1. L’étude anthropologique des restes a confirmé notre hypothèse selon laquelle les défunts étaient en majorité des femmes, des aristocrates éleutherniennes, qui y furent enterrés génération après génération. Les restes de squelettes ont fourni des informations inestimables concernant leur régime alimentaire, leurs activités quotidiennes et les maladies associées. La qualité matérielle et artistique des cadeaux funéraires, dont beaucoup provenaient de Chypre, suggère que certaines de ces femmes pourraient provenir de cette île.

Plusieurs petites stèles situées à l’extérieur ou au-dessus de l’embouchure des pithoi funéraires dans cette zone étaient sans aucun doute des pierres tombales.

Il existe peu de preuves sur les simples enterrements ; seules une ou deux sépultures de ce type ont été identifiées, peut-être parce qu’elles consistaient en de simples fosses creusées dans la terre, sans aucune pierre ou autre élément marquant leurs contours. Il manque également des clous ou d’autres objets qui pourraient suggérer que les corps ont été placés dans des cercueils en bois à l’intérieur de ces fosses. Il semble que les défunts de ces tombes « ouvertes » (pour la plupart des adultes) étaient enveloppés dans un linceul ou un sac et transportés sur une simple bière en bois, placée au sol ou dans une fosse peu profonde et recouverte de terre, sans aucun autre signe indiquant leur emplacement. Peu de ces simples sépultures comportaient des cadeaux funéraires. L’un des points de vue les plus intéressants du site est le coin nord-ouest du couloir des abris, d’où les visiteurs peuvent remarquer que la plupart des sépultures de pithos sont bondées dans les zones nord et ouest du cimetière, mais continuent latéralement et vers l’ouest en direction du sud du crématorium A et sous la route pavée. Elles semblent ainsi entourer la zone centrale du cimetière, y compris le grand tumulus et les bâtiments de la terrasse est et médiane, comme pour former la limite originelle du cimetière, avec l’Orthi Pétra se dressant en son centre, comme une sorte d’acropole de cimetière. Les pithos et les sépultures ouvertes ont probablement fait irruption au-dessus et à l’intérieur des bâtiments à une époque ultérieure, à partir de la seconde moitié du VIIe siècle avant JC.

Le bâtiment L-L1
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le bâtiment L-L1 de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Le bâtiment L-L1 est une structure bipartite ; il comporte deux pièces, une grande pièce de plan carré à l’est et une pièce rectangulaire plus petite à l’ouest, avec un mur de séparation entre elles, dont les fondations à l’est ressemblent à un banc (n° 5 sur le plan de la nécropole). Le côté ouest de la petite pièce rectangulaire occidentale était le plus gravement endommagé, en raison de l’appui de la pente. Une grande quantité de petites pierres grossières et de tessons a été trouvée principalement dans la partie ouest du bâtiment, au-dessus de sa hauteur préservée ; il s’agissait soit d’une « fosse à ordures », soit du remblai du mur de soutènement moderne, qui, avant la fouille, passait juste à l’ouest, bordant la deuxième terrasse des oliveraies. Seules des pierres en forme de pilier ont été trouvées lors des fouilles au-dessus de la pièce ouest, ainsi que plusieurs autres, qui étaient tombées au sud et au sud-ouest.

Une pierre tombale de type phénicien, un cippe (cippus), a été trouvée à l’extérieur du coin nord-ouest de la salle. Son emplacement et la manière dont elle est tombée suggèrent qu’elle aurait pu se trouver au-dessus (ou à l’intérieur) de la petite salle rectangulaire, peut-être avec certains des piliers de pierre. Le bâtiment L-L1 est probablement l’un des plus anciens du cimetière, non seulement parce qu’il se trouve sur la même terrasse et sur un axe parallèle au crématorium A et au bâtiment K voisin, mais surtout parce que sa construction a détruit un bûcher funéraire de la fin du IXe siècle avant JC, autrefois situé au nord et à l’est, et parce que des vases du début du VIIIe siècle avant JC ont été trouvés appuyés contre son mur sud. Le bâtiment date donc d’environ 800 avant JC. Malheureusement, il n’existe aucun vestige ou élément architectural qui nous permette de reconstituer le bâtiment bipartite comme ayant de solides murs de pierre ; il est possible qu’au moins la salle de l’est ait eu des murs en maçonnerie de briques de terre, similaires à ceux des monuments 4A, 3K et 4K. Cependant, le bâtiment n’a peut-être jamais eu de murs en maçonnerie, ce qui concorde avec son utilisation.

À l’intérieur de la salle carrée orientale, des fragments de couvercles de vase ont été trouvés sous la couche superficielle avec de petits morceaux de charbon de bois et d’os. Un sol partiellement préservé de petites pierres a également été identifié. Une cruche contenant des os a été découverte à peu près à mi-chemin du mur oriental à l’intérieur de la salle. Si ce vase n’a pas été placé là à une date ultérieure, après que le bâtiment A avait été mis hors d’usage, le bâtiment a peut-être été utilisé pour stocker les restes de crémations placés dans des urnes à cendres, comme dans le cas des grandes tombes contenant des urnes à cendres découvertes à Parikia (Παροικιά) sur l’île de Paros et datant du VIIIe siècle avant JC.

Pour toutes les raisons ci-dessus, les murs du bâtiment L-L1 n’ont pas été reconstruits, mais son contour a été restauré et deux des piliers et le cippe phénicien ont été placés dans la salle rectangulaire occidentale. Il est difficile d’expliquer la découverte du cippe phénicien et de deux autres cippes (un phénicien et un de type mixte) qui ont été trouvés dans les murs de soutènement. Mais il est difficile d’imaginer que les habitants d’Éleutherne aient adopté à un moment donné la manière orientale (phénicienne) de marquer les tombes – les stèles funéraires éleutherniennes étaient de simples piliers ou dalles, parfois avec une décoration gravée. Il est donc possible que les étrangers venus d’Orient, qui ont vécu et sont morts à Éleutherne, aient eu le droit de marquer leurs tombes avec des stèles appropriées. Si tel était bien le cas, alors Éleutherne aux IXe, VIIIe et au début du VIIe siècles avant JC était une société ouverte et tolérante, comme le suggère également l’existence d’un officier de l’État éleuthernien, le « kosmos ton xenon » (« κόσμος των ξένων »), officier qui était responsable des résidents étrangers de la ville à l’époque archaïque. Si, toutefois, le bâtiment avait à l’origine des murs, comme le suggèrent ses solides fondations, il s’agissait peut-être d’un temple funéraire.

Le bâtiment M
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le bâtiment M de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La fouille d’un bûcher exceptionnellement bien conservé, avec une stratification impressionnante, a conduit à une découverte inattendue : le bâtiment M, sur la partie sud-ouest duquel le bûcher avait été construit (n° 6 sur le plan de la nécropole). Les visiteurs du site peuvent désormais voir un moulage du bûcher funéraire dans sa forme originale, à l’endroit exact où il a été trouvé.

Le bûcher, qui a livré plusieurs vases en argile importants, principalement de grands cratères et des coupes, date probablement du milieu du VIIe siècle avant JC et constitue le terminus ante quem de la fin d’utilisation du bâtiment M antérieur, dont il recouvrait une partie. Une grande sépulture en pithos dans la partie supérieure de l’angle nord/nord-est du bâtiment date également de la même période que le bûcher funéraire.

La fouille du bâtiment M a été véritablement sensationnelle. Tout d’abord, le bâtiment lui-même, avec ses remarquables jambages de porte, les pierres de maçonnerie de 0,40 m d’épaisseur, la hauteur préservée de plus de 2 m des murs, sa solidité globale, est un exemple unique d’architecture funéraire géométrique/archaïque précoce. La porte d’entrée n’avait pas de seuil de pierre, mais présentait deux petites marches creusées dans le substrat calcaire. Deux étages successifs de petites pierres grossières ont été identifiés à l’intérieur du bâtiment, à l’ouest, à un niveau inférieur. Des vases brisés - principalement des cratères et des coupes, mais aussi des urnes funéraires et divers cadeaux funéraires - ont été trouvés entre la couche supérieure du sol et la sépulture en pithos, qui a été fouillée au nord/nord-est du bâtiment. Ceux-ci ont probablement été placés là après que le bâtiment avait été partiellement abandonné et utilisé uniquement pour stocker des urnes cinéraires et des sépultures en pithos pendant un certain temps avant qu’il ne soit complètement abandonné.

Les parties centrale et orientale du bâtiment étaient pleines de surprises, qui éclairaient sa fonction d’origine. Près du centre et vers l’ouest, deux socles en pierre de maçonnerie soutenaient soit les colonnes de bois qui soutenaient le toit, soit la base d’une table d’offrande en pierre, dont des fragments ont été identifiés à un niveau plus élevé. Une pile soignée de vases en argile et en bronze a été trouvée entre les deux socles, tandis qu’une autre pile contenant des coupes, des bols, une lampe, un alabastre en faïence égyptienne, et cetera a été identifiée légèrement à l’est. Plusieurs vases, principalement des amphores, dont l’un avec un rare bol en verre sur son ouverture, se trouvaient dans la partie est, vers le mur nord et est, au-dessus du sol d’origine.

Les restes des squelettes de quatre femmes occupaient l’espace restant ; d’est en ouest, trois femmes, âgées de 13 à 14 ans, de 16 ans et de 28 ans, gisaient sur le sol, l’une à côté de l’autre, leurs têtes tournées vers le nord. La quatrième femme, âgée de 70 à 72 ans, a été retrouvée à l’ouest et avait probablement été enterrée en position assise. Si cette séquence n’était pas fortuite, les squelettes étaient alors disposés à l’intérieur de la tombe en fonction de l’âge des défuntes à leur mort, la plus jeune à l’est, la plus âgée à l’ouest, en suivant la course quotidienne du soleil dans le ciel.

La structure monumentale du bâtiment, les somptueuses offrandes funéraires – objets en bronze, verre, faïence et argile – et les bijoux opulents – ornements en feuille d’or des vêtements, perles et scarabées en pierres semi-précieuses, et cetera – évoquent avec éloquence le statut aristocratique et princier des défuntes au début de l’époque archaïque à Éleutherne, en particulier de la femme âgée, qui était peut-être une prêtresse. De plus, la présence de sceaux minoens et de scarabées égyptiens ou phéniciens indique des liens à la fois avec le passé minoen-mycénien de la Crète et avec l’Orient. La femme la plus âgée avait probablement une fonction symbolique ou sacerdotale, comme l’indiquent sa position funéraire et certaines découvertes, telles que des sceaux, des scarabées, un bol en verre et des fragments d’une chaîne de fer à laquelle étaient attachées des tiges, des parties d’un appareil de pesée, ou la grande clé de fer d’un sanctuaire. Le statut aristocratique du défunt est confirmé par l’étude anthropologique qui a montré que les quatre femmes consommaient des aliments de la plus haute qualité. L’usure des articulations des bras des deux femmes plus âgées pourrait être interprétée comme le résultat de longues années de tissage sur le métier à tisser, une activité féminine par excellence, même pour les dames nobles, comme la Pénélope d’Homère.

Le bûcher funéraire LL
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le bûcher funéraire de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Parmi les nombreux bûchers funéraires exhumés jusqu’à aujourd’hui dans le cimetière d’Orthi Pétra, les recherches ont mis au jour un exemplaire intact dont les restes ont été conservés en excellent état. Le bûcher funéraire LL / 90-91 était celui d’un jeune homme d’environ 30 ans, qui a été incinéré avec son compagnon. Sa grande épée en fer, ses poignards en fer et sa pointe de lance en bronze sont compatibles avec le fait qu’il ait été un guerrier de haut rang social. Les offrandes funéraires, qui comprenaient plusieurs petits et grands vases en argile, datent le bûcher de la fin du VIIIe siècle avant JC, vers 720-700 avant JC, à peu près à la même époque où Homère décrivait des sacrifices très similaires de prisonniers troyens devant le bûcher funéraire d’Achille.

Ce bûcher funéraire particulier contenait une découverte unique à son bord nord-ouest : les restes en grande partie non brûlés d’un homme bien bâti âgé de 30 à 40 ans. Sa position, au bord du bûcher dont les flammes avaient brûlé les os du cou, et clairement en dehors de ses limites, la posture anormale du corps en forme de croissant, le fait qu’il était sans tête et essentiellement sans offrandes funéraires, suggèrent qu’il appartenait à un homme qui n’est pas mort de causes naturelles.

Parmi les hypothèses avancées sur la base des documents de fouilles et du contexte, la plus largement acceptée est qu’il s’agissait probablement d’un prisonnier de guerre qui a été exécuté devant le bûcher du guerrier. Il est difficile de dire s’il s’agissait d’une exécution ordinaire, d’une vengeance rituelle ou d’un sacrifice propitiatoire, car les trois interprétations sont très proches l’une de l’autre. La victime qui était pieds et poings liés, l’absence de la tête coupée et l’absence d’objets précieux suggèrent cependant qu’il s’agissait probablement d’une exécution punitive. Cette découverte unique rappelle la scène dramatique correspondante du massacre des prisonniers de guerre troyens par Achille (Ἀχιλλεύς) devant le bûcher de Patrocle (Πάτροκλος), telle qu’Homère la décrit dans l’Iliade (Livre XXIII) et illustrée dans la peinture sur vase classique. Elle semble également justifier Aristote dans sa dispute avec Platon sur la mesure dans laquelle la poésie épique d’Homère décrit la vérité. En tout cas, de nombreux bûchers funéraires, ceux du crématorium et du grand tumulus et ceux allumés à divers moments, entre le début du IXe siècle et le VIe siècle avant JC environ, dans le cimetière d’Orthi Pétra, rappellent la description de la structure en bois du bûcher funéraire de Patrocle, qu’Homère décrit avec beaucoup de détails. Et, bien que le rôle principal dans de nombreux épisodes, aussi bien dans l’Iliade que dans l’Odyssée, soit généralement joué par Ulysse, dans l’épisode relatif au bûcher funéraire de Patrocle, le poète choisit des protagonistes différents : deux Crétois, Idoménée (Ἰδομενεύς) et Mérion (Μηριόνης), et leurs subordonnés. Ceux-ci savaient comment trouver et couper du bois du mont Ida en Troade, comment construire le bûcher et comment placer le corps, en bref, tout le rituel funéraire, tout comme le guerrier aristocratique des IXe, VIIIe et VIIe siècles avant JC à Éleutherne savait comment procéder à la pratique funéraire de la crémation, comment recueillir le combustible sur les pentes de leur propre mont Ida crétois (Psiloritis). Le cœur de la saga du bûcher funéraire de Patrocle semble donc avoir des origines crétoises, comme les deux protagonistes de l’épisode en question dans l’Iliade.

En résumé, on peut dire que l’importance du cimetière d’Orthi Pétra ne repose pas seulement sur le fait que nous pouvons réexaminer les vestiges tangibles de la pratique funéraire décrite par Homère (à travers de nombreux exemples uniques et bien conservés), mais aussi sur le fait qu’il constitue une illustration typique des vers de l’Iliade et de l’Odyssée relatifs à un rituel spécifique.

Le grand tumulus (Ο μεγάλος τύμβος)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le grand tumulus de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Une longue série de bûchers funéraires situés très près les uns des autres a été fouillée dans la partie couverte nord-est du cimetière, la plupart d’entre eux datant apparemment des VIIIe et VIIe siècles avant JC. Ces bûchers funéraires « indépendants » ont certainement été recouverts à un moment donné sous un grand tumulus elliptique composé de petites pierres non travaillées et de terre. Ils se trouvaient au nord, à l’ouest, au sud et peut-être à l’est de l’énorme piédestal du Grand Pilier (Orthi Petra).

Ces bûchers funéraires « indépendants » étaient des crémations effectuées à un endroit précis du sol, et non dans une fosse. Leurs restes (bois et os carbonisés, et diverses offrandes funéraires) sont restés in situ, tout comme l’urne funéraire, qui était généralement placée au bord du bûcher avant qu’un tumulus de terre et de gravats ne dissimule le tout. Ces bûchers sont « indépendants » ou « isolés », mais non individuels, car certains étaient utilisés pour plusieurs corps à la fois. Ces bûchers funéraires, allumés directement sur le sol avec ou sans l’utilisation de briques de terre ou de pierres brutes pour faciliter la combustion, se rapprochent beaucoup de la description des pratiques funéraires dans les vers d’Homère, en particulier dans l’Iliade : on élevait une structure en bois composée de troncs d’arbres, de rondins et de branches sèches, sur laquelle on déposait le corps (ou les corps) – généralement celui d’adultes – avec un grand nombre d’offrandes : de grands et de petits vases, simples ou décorés, contenant généralement des offrandes d’aliments liquides ou secs (huile ? vin ? miel ? olives, maïs, orge, raisin, figues, grenades, viande), des outils, des armes, des bijoux et parfois des animaux. Il est difficile de dire s’il s’agissait d’offrandes au défunt ou de restes de banquets funéraires mangés par ceux qui assistaient à la cérémonie funéraire. Le feu atteignait généralement 800 à 1 000 °C et, comme le raconte Homère, consumait hommes, animaux et objets. Une fois le feu éteint, les restes brûlés du défunt étaient soigneusement recueillis, lavés, parfois parfumés, et placés dans des urnes à cendres dont l’ouverture était recouverte de vases en céramique ou en bronze. Ceux-ci étaient ensuite généralement placés au bord des restes du bûcher funéraire, après quoi un tumulus de terre et de pierre était élevé pour recouvrir tous les restes. Des offrandes brûlées provenant de services commémoratifs sont souvent trouvées sur le tumulus ou à son bord, tout comme des piliers ou des stèles, qui servaient de marqueurs funéraires.

Dans le cas des bûchers funéraires d’Éleutherne, on a noté à la fois des types de tumulus simples et plus complexes. Dans le cas de ce dernier, la terre « fondue » et les gravats du tumulus plat ont essentiellement pris la forme d’un enclos de briques, comme une tombe, sur laquelle étaient parfois placés des petits et des gros galets de rivière, soit de manière irrégulière, soit disposés avec plus de soin dans une variété de formes. Dans d’autres cas, une structure en pierre construite, une sorte de monument funéraire, a été créée autour et au-dessus du bûcher. Sur les bords nord et ouest du tumulus, et à certains endroits au-dessus de celui-ci, des sépultures en jarres et des enterrements ordinaires ont été placés, perturbant partiellement sa stratigraphie.

Le grand pilier (Ο μεγάλος πεσσός)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le Grand Pilier de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Un énorme bloc de calcaire carré (1,60 m par 1,60 m par 0,80 m), d’un poids estimé à 5 tonnes, servait de socle à un très grand pilier de pierre, dont des fragments ont été retrouvés, de temps à autre, disséminés sur le grand tumulus qui contenait des bûchers funéraires, des sépultures en jarres, des inhumations simples et communes, datant des VIIIe et VIIe siècles avant JC, au nord et à l’ouest, avec d’autres morceaux trouvés dans des murs de pierres sèches à proximité ; tous les fragments antiques sont maintenant au musée (n° 9 sur le plan de la nécropole).

L’étude détaillée de ces fragments a permis de reconstituer le pilier en utilisant des matériaux modernes - ainsi que des fragments antiques - sur la quasi-totalité de sa hauteur, d’environ 4 m. Ce grand pilier ou une partie de celui-ci a dû rester en place pendant de nombreuses années jusqu’à ce qu’il tombe et se brise, et qu’un olivier soit planté dessus, peut-être à l’époque vénitienne.

Le piédestal et le pilier reposaient sur une structure solidement construite, faite de grosses et de petites pierres, de cales et d’un remblai, qui fut construite sur le substrat rocheux de la colline, où quelques fragments de céramique ont également été découverts. La structure semble donc dater du début du VIIe siècle avant JC et fut probablement érigée pour marquer les crémations qui avaient commencé à être rassemblées dans cette partie du cimetière, formant un grand tumulus. Certaines de ces crémations concernaient des hommes, sans doute des guerriers, comme le montrent les armes qui y étaient déposées en offrande. Si certains d’entre eux sont tombés au combat, et si l’autel avec la gigantesque pierre tombale, composée de deux pièces d’un poids estimé à 2,5 tonnes, a été érigé plus tard en leur honneur pour marquer à jamais l’emplacement de leur tombe, alors cette énorme pierre dressée, qui ressemble à un obélisque, semble avoir également été le point de référence pour les défenseurs de la ville, l’ancienne Éleutherne, et était visible de plusieurs endroits de celle-ci.

Sa date d’érection, au début du VIIe siècle avant JC, combinée à l’utilisation de bûchers funéraires individuels et à la fondation immédiatement après du cénotaphe-hérôon (Monument 4A), coïncide apparemment avec le processus d’organisation de la cité antique, qui impliquait des changements dans l’organisation politique qui avait prévalu jusqu’à cette époque et dans la stratification sociale des villages (κωμηδόν / komidón), qui se sont progressivement consolidés en une cité-État avec des mythes communs, une religion commune, une constitution commune et, bien sûr, le recours à des défenseurs communs.

Les monuments funéraires K, 3K, 4K et 5K
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Sépulture de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Les enceintes funéraires sont des structures en pierres grossièrement taillées ou taillées qui entourent une zone où se déroulent une ou plusieurs inhumations ou crémations. Il est souvent difficile de déterminer si le mur a été construit pour enfermer une inhumation ou une crémation, ou de définir un lieu pour la pratique funéraire associée.

Le bâtiment K : au nord du crématorium A se trouve une structure en forme de lettre Π, d’environ 2,30 m par 4,40 m, qui utilise la surface extérieure du mur nord bien construit du crématorium comme limite sud. La structure est construite en pierres brutes relativement grandes. Du charbon de bois, de la poterie, des fragments de vases en argile brisés, des fragments de vases en bronze, des chaudrons tordus et endommagés par le feu et les chutes de pierres, des fragments de broches en fer ou de supports de trépieds pour chaudrons, des pointes de lance en fer et des outils ont été trouvés à l’intérieur. Ce matériel semble provenir de bûchers funéraires de différentes époques, postérieurs au terminus post quem du crématorium A. Il est cependant difficile de déterminer s’il y a eu plusieurs bûchers successifs, si les bûchers ont été allumés à l’intérieur de l’enceinte ou si le mur a été construit ultérieurement pour les enfermer, ou si un ou plusieurs bûchers étaient antérieurs à l’enceinte. Il est certain qu’aucune trace de flammes de crémation fréquentes n’a été constatée sur la surface extérieure du mur nord du crématorium, ce qui peut plaider en faveur du fait que le bâtiment K était une fosse à déchets ou une salle annexe du crématorium A.

Structures 3K, 4K et 5K : la structure 3K (ouest) se trouve au-dessus d’une série de bûchers funéraires, tandis que la structure 4K (est) repose sur des dépôts de terre, des tessons et des petites pierres brutes. Les fondations des deux bâtiments ont été construites avec des pierres brutes de grande et de petite taille jusqu’à une certaine hauteur. Au-dessus et autour de la dernière assise des fondations, une structure en pierre à deux ou trois niveaux a été créée (voir par exemple la partie qui a survécu au milieu du mur est de la structure 4K), composée de pierres bien taillées sur lesquelles reposaient probablement des orthostates et/ou des murs. Les petites pièces retrouvées lors des fouilles dans les bâtiments (fragments sculpturaux tels qu’une partie de queue d’oiseau, une partie de frise, des ailes de figures démoniaques, et cetera) nous donnent une idée de leur décoration sculptée. Il est cependant difficile de les reconstituer, car nous ne disposons pas de suffisamment de matériel et nous manquons des détails de leur superstructure. Il est concevable que la partie supérieure d’une figure dédalique, connue sous le nom de torse d’Éleuthère, aujourd’hui exposée au musée archéologique d’Héraklion, ait très probablement été assise sur l’une d’elles. Il s’agissait probablement de bâtiments funéraires ou de piédestaux surélevés au-dessus de bûchers funéraires pour des groupes de sculptures, et ils semblent être postérieurs au Monument 4A (sud) et à l’Orthi Pétra (nord).

Enfin, il semble y avoir une autre structure similaire, la structure 5K, à un niveau plus élevé que les autres, à l’est de la structure 4K. Il s’agit peut-être de la plus récente en date (VIe siècle avant JC ?).

Le monument 4A
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le monument 4A de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Le monument funéraire 4A, au milieu du site, est une structure de maçonnerie assez grande, de plan à peu près carré, délimitée par un mur d’enceinte au nord, à l’ouest et au sud (n° 8 sur le plan de la nécropole). Les fondations du monument, constituées de pierres brutes, sont plutôt solides et supportent des euthyntéries (εὐθυντηρία) soutenant au moins deux marches. La partie inférieure de la superstructure est constituée d’orthostates calcaires, au-dessus desquels s’élèvent des murs de pierre.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le monument 4A de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Sur la base d’une série d’observations relatives à la structure, de fragments d’éléments d’architecture plane et en relief trouvés lors de la fouille, et de guerriers en pierre portant des boucliers, qui ont été découverts sur son euthyntérie et dans les zones environnantes, une tentative a été faite de reconstituer les côtés ouest et sud de l’édifice, en utilisant de nouveaux matériaux imitant les anciens matériaux découverts, afin de donner aux visiteurs une idée de la structure globale. Le mur ouest de l’enceinte du monument porte sur sa face extérieure des traces de bûchers funéraires allumés sur les orthostates de la « cour » du crématorium A, qui sont datés du milieu du VIIe siècle avant JC, vers 650 avant JC, et cette date semble donc former le terminus ante quem du monument.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La Koré d'Eleftherna au Musée archéologique d'Héraklion (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.La zone située directement à l’ouest de l’euthyntérie du monument a livré la partie inférieure d’une koré de l’époque proto-archaïque/dédalique, tandis que les jambes d’un kouros archaïque ont été retrouvées brisées et jetées à l’intérieur du monument, probablement lors du nettoyage du site après qu’il avait été pillé. À l’époque archaïque grecque, un kouros (κοῦρος) est une statuette représentant un jeune homme, une koré (κόρη), une statuette représentant une jeune fille. Cette statuette de la koré est endommagée à l’avant, mais bien conservée à l’arrière et sur les côtés, la peinture d’origine étant encore visible — d’où le choix du musée d’exposer l’arrière de la statuette. Elle conserve plusieurs éléments distinctifs, comme une partie de la ceinture, la partie inférieure du bras gauche avec la paume et les doigts longs, les talons et le socle sur lequel ils reposent. L’endroit de découverte de la koré d’Éleutherne suggère qu’elle se trouvait dans la niche de la fausse porte ouest du Monument 4A.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La Dame d'Auxerre. Cliquer pour agrandir l'image.La statuette de la « Jeune fille d’Éleutherne » (Κόρη της Ελεύθερνας) évoque immédiatement une exquise statuette de style dédalique conservée au Musée du Louvre à Paris, la célèbre « Dame d’Auxerre » (Κυρία της Ωσέρ), datant d’environ 640 avant JC. Les similitudes stylistiques entre les deux statues sont probablement dues à leur provenance commune. En effet, les analyses macroscopiques, microscopiques et pétrologiques de leur matériau, ainsi que l’analyse chimique de plusieurs autres sculptures en calcaire de Crète, notamment de Prinias (Πρινιάς) et de Gortyne (Γόρτυνα), ont montré que la Dame d’Auxerre, la Koré d’Éleutherne et d’autres statues du Monument 4A étaient constituées de calcaire extrait d’Éleutherne (taux de similitude de 99,73 %). La Koré d’Éleutherne et la Dame d’Auxerre furent exposées ensemble, pour la première fois après le départ de cette dernière de Crète, probablement à la fin du XIXe siècle, au Musée d’art cycladique d’Athènes pour l’exposition « Éleutherne : Polis — Acropolis — Necropolis » de 2004-2005.

L’ensemble du monument 4A évoque des édifices funéraires bien plus anciens de l’époque minoenne tardive, comme celui représenté sur le célèbre sarcophage d’Agia Triada, aujourd’hui conservé au Musée archéologique d’Héraklion.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Coupe du monument 4A de la nécropole au musée. Cliquer pour agrandir l'image.Lors de la fouille, aucune trace d’ossements humains n’a été trouvée à l’intérieur du monument, ce qui peut indiquer son utilisation probable comme cénotaphe, sanctuaire ou hérôon. Les guerriers portant des boucliers au sommet de l’édifice semblent en avoir été les « symboles parlants » qui décoraient le bord de son toit comme des antéfixes ; ces guerriers étaient vraisemblablement une référence aux Curètes portant des boucliers, qui frappèrent leurs boucliers de bronze l’un contre l’autre devant la grotte du mont Ida, dans le massif du Psiloritis, pour que Cronos n’entende pas les cris du nouveau-né Zeus et ne le dévore pas. Ces guerriers auraient servi de modèles de vertu militaire aux jeunes de la cité-état d’Éleutherne. Selon les auteurs antiques, c’est en effet à l’un d’eux, Eleuthère, qu’Éleutherne elle-même doit sa fondation et son nom. Si ce sanctuaire-hérôon est interprété comme un cénotaphe, alors il s’agit de l’un des premiers monuments au guerrier inconnu de l’histoire du monde.

Le crématorium A (αποτεφρωτήριο Α)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le crématorium A de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.La tranchée A est une grande fosse, d’environ 5 m par 3 m et 0,6 m de profondeur, entourée d’un mur de blocs de pierre bien taillés sur les côtés nord, ouest et sud (n° 1 sur le plan de la nécropole). Le côté est de celle-ci donne lieu à l’extension d’une « cour » en forme de Π, qui est entourée de grands orthostates en calcaire. La tranchée a livré une variété de découvertes : du bois brûlé (des parties de bois brûlé sont conservées in situ dans le coin nord-est de la fosse), des cendres, des os incinérés d’humains et d’animaux, un certain nombre de vases complets et plusieurs dizaines de vases brisés, certains décorés et d’autres simples, ainsi que des bijoux, des perles de faïence et d’autres offrandes funéraires. La diversité des offrandes au fil du temps, notamment les vases, qui datent d’environ 880/870 avant JC jusqu’au moins la fin du VIIIe ou le début du VIIe siècle avant JC, le fait que des ossements humains aient été incinérés et les traces de brûlure sur les parois de la fosse, qui montrent que de temps à autre des bûchers funéraires y étaient allumés et duraient plusieurs heures, atteignant des températures élevées, d’environ 800-1 000 °C, tout cela conforte l’interprétation selon laquelle la tranchée était utilisée comme crématorium, un lieu pour incinérer les morts, en particulier les hommes, ceux qui jouissaient d’un statut social élevé.
La route pavée
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La route pavée de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Immédiatement après être entré dans la zone abritée de la nécropole, les visiteurs montent sur la droite jusqu’au musée d’Orthi Petra, en marchant le long d’une ancienne route pavée orientée nord-est/sud-ouest. Dans sa forme actuelle, la route mesure environ 32 m de longueur et a une largeur moyenne de 3 m. L’extrémité nord-est semble mener à l’acropole de l’ancienne Éleutherne, tandis que l’extrémité sud-ouest se poursuit sur au moins 14 m à l’extérieur du site abrité. Après un large virage orienté vers l’ouest, elle semble avoir monté vers le sud-est, se ramifiant peut-être à un moment donné. Dans sa forme actuelle, elle a été transformée en un sentier étroit de 1,70 à 2 m de largeur et de plus de 30 m de longueur, qui a subi de nombreuses réparations à diverses époques.

La route pavée a été construite sur un substrat épais de petites pierres, de tessons et de terre qui a été posé sur le substrat rocheux à certains endroits et à d’autres au-dessus de parties du cimetière géométrique-archaïque, qu’il a détruit. Les dalles de pavage portent des traces visibles d’usure et d’utilisation intensive à plusieurs endroits.

Au bord gauche de la route en montant, il y a un grand caniveau, fait de dalles de pierre au fond, sur les côtés et en partie au moins au-dessus. Il suit la route par endroits et juste avant le début du large virage, vire vers le nord-ouest pour canaliser l’eau dans un conduit en pierre qui a été localisé à divers points de la terrasse la plus basse sous le sentier sud dans l’abri.

D’après les découvertes, la route semble avoir été utilisée au moins pendant l’époque romaine, peut-être dès l’époque d’Auguste, et certainement au cours des Ier et IIe siècles après JC.

Des routes pavées ont également été localisées à d’autres endroits de l’ancienne Éleutherne, à Nissi et à Katsivélos. Construites à partir de dalles de calcaire local extraites des carrières de la ville antique, elles semblent avoir été des travaux publics réalisés à différentes périodes, peut-être dès l’époque hellénistique.

Quartier grecLes maisons hellénistiques de Nissi (Ελληνιστικές κατοικίες - Νησί / Ellinistikés katoikíes - Nisí)
La colline de Nissi est une colline qui s’élève à environ 350 m d’altitude, à l’extrémité nord du promontoire du village moderne d’Eleftherna (n° 10 sur le plan). Aller à la colline de Nissi avec Google Maps (35.331463, 24.670241).

Le toponyme de la colline, Nissi (Νησί), c’est-à-dire l’« Île », semble provenir de la situation de la colline entre deux cours d’eau, par analogie avec une île : le ruisseau de Chalopota à l’est et le ruisseau de Nissi à l’ouest.

À l’époque hellénistique une cité se dressait à l’extrémité du promontoire, faisant le pendant avec l’acropole située à l’extrémité du promontoire de Pyrgi ; cette cité devait compter environ 300 habitants. Les fouilles archéologiques ont mis au jour une cité à l’urbanisme régulier, construite en terrasses sur les pentes de la colline et parcourue par des rues pavées ; presque toutes les maisons possédaient une citerne creusée dans la roche pour recueillir l’eau de pluie. Les quatre maisons qui ont été excavées complètement ont montré des habitations avec des fondations en pierre, comprenant de cinq à six chambres, organisées autour d’une cour intérieure, avec une superficie totale de 200 à 250 m², ce qui reflète une grande prospérité. Des petits fours à poterie ont été découverts dans deux des maisons, qui devaient être des maisons de potiers. La localité semble avoir été abandonnée au milieu du premier siècle avant JC — c’est-à-dire de l’époque de la prise d’Éleutherne par les Romains, en 68 avant JC.

Sur le site de Nissi ont aussi été mis au jour les vestiges d’un sanctuaire de l’époque géométrique-archaïque, avec un mur d’enceinte monumental et un propylon pentastyle dorique, c’est-à-dire à cinq colonnes, datant de l’époque classique, vers 400 avant JC. Des centaines de figurines et de plaques en terre cuite d’animaux et d’humains ont été découvertes.

Après la fin des fouilles archéologiques les maisons hellénistiques de Nissi ont été remblayées et il n’est pas possible de les visiter.

Pont romainLe pont hellénistique d’Éleutherne (Ελληνιστική Γέφυρα Ελεύθερνας / Ellinistikí Géfyra Eléfthernas)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le pont hellénistique (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.Le pont antique (αρχαία γέφυρα) est un pont situé à la sortie nord de la cité antique d’Eleftherna, à environ 150 m en aval du confluent des trois ruisseaux qui arrosaient la cité, à environ 700 m au nord et en contrebas de l’Acropole (n° 5 sur le plan). En continuant tout droit après la petite route conduisant à la nécropole, la piste descend par deux virages en épingle à cheveux jusqu’au fond du vallon du Chalopota ; après 1 km on atteint une bifurcation, située près du confluent des ruisseaux, où il faut prendre la branche de gauche ; après 150 m un sentier prend sur la gauche et conduit au pont antique.

Aller au pont d’Éleutherne avec Google Maps (35.338293, 24.6704789).

Ce pont antique est habituellement dénommé « pont hellénistique d’Eleutherna », mais il est possible qu’il date de la fin de l’époque classique, vers la fin du IVe siècle ou le début du IIIe siècle avant JC. Un autre pont du même type existait une centaine de mètres plus au sud, c’est-à-dire en amont, plus près du confluent, mais ce pont, plus petit, semble avoir été détruit par une tempête vers la fin du XIXe siècle.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Tombes rupestres (auteur C. Messier). Cliquer pour agrandir l'image.Le pont hellénistique d’Éleutherne est un pont à une seule voûte en forme de triangle isocèle ; la voûte est constituée de deux culées en encorbellement, solidement assises sur la roche calcaire ; les deux culées sont construites en maçonnerie sèche de pierres calcaires taillées, mais non cimentées par du mortier. La voûte triangulaire a une hauteur de 1,84 m et une largeur d’environ 4 m ; le tablier du pont a une longueur de 9,35 m et une largeur d’environ 5 m.

Dans la falaise de la rive gauche du ruisseau, au-dessus du pont hellénistique, se trouvent des tombes creusées dans la roche (λαξευμένοι τάφοι), ainsi qu’une petite chapelle rupestre, Agia Elessa (Αγία Ελέσα).

CollineLa colline de Pyrgi (Λόφος Πυργί / Lófos Pyrgí)
La colline de Pyrgi constituait le centre de la ville antique d’Eleftherna, où était située l’acropole de la cité ; cette colline est aussi nommée colline de Prinès (λόφος του Πρινέ), de l’ancien nom du village actuel d’Archéa Eleftherna, Prinès (Πρινές). Du point de vue géographique il ne s’agit pas d’une colline mais d’un éperon rocheux ou d’un promontoire (ακρωτήριο), constitué de calcaire marneux, qui a été dégagé des contreforts nord-ouest du massif du Psiloritis par l’érosion des roches plus tendres situées sur ses flancs ; ces roches ont été érodées par le ruisseau du Chalopota sur son flanc occidental et par le ruisseau du Farangitis sur son flanc oriental. Le toponyme Pyrgi provient vraisemblablement de la présence d’une tour (πύργος) sur ce promontoire.

Le village moderne d’Archéa Eleftherna se trouve à la base du promontoire, au sud, à une altitude d’environ 410 m ; l’altitude de la crête du promontoire s’abaisse progressivement jusqu’à l’extrémité nord, où se trouve les ruines de l’acropole, situées à une altitude d’environ 315 m.

La crête de la colline est divisée en deux bandes de terre presque plates et plutôt spacieuses, une zone plate en gradins au nord et une zone plus large et plus élevée au milieu, tandis que plus au sud se trouve un rétrécissement barré à son extrémité nord par la tour médiévale.

Les versants oriental et occidental du promontoire sont plutôt escarpés depuis le sommet jusqu’à environ la moitié du versant, mais dans les parties inférieures, elles sont formées de terrasses plates plus larges, descendant vers la base du promontoire et les lits des torrents.

L’accès à l’acropole de la ville antique n’était possible que par le sud, via le col étroit d’environ 20 m de largeur avec des côtés abrupts presque verticaux à l’est et à l’ouest, dont le milieu est protégé encore aujourd’hui par la tour médiévale restaurée, qui est fondée sur une base antérieure. On accède au col depuis la rue principale d’Archéa Eleftherna, anciennement nommé Prinès.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le promontoire de Pyrgi. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le promontoire de Pyrgi. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le promontoire de Pyrgi et la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le promontoire de Pyrgi et la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).
Tour de guetLa tour de l’acropole (Πύργος Ελεύθερνας / Pýrgos Eléfthernas)
L’unique accès aisé au promontoire de l’acropole, l’accès du sud, était gardé par une tour massive mais de construction grossière ; seules quelques pierres d’angle étaient des pierres taillées, le reste étant fait de moellons calcaires cimentés. Aucune entrée d’accès à la tour n’apparaît clairement.

(n° 17 sur le plan)

Aller à la tour d’Éleutherne avec Google Maps (35.328275, 24.676289).

La date de construction de cette tour est également incertaine ; la plupart des archéologues pensent qu’il s’agit d’une construction de l’époque hellénistique, mais d’autres pensent que cette tour est d’époque médiévale.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le promontoire de Pyrgi et la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).
CiterneLes citernes d’Éleutherne (Δεξαμενές Ελεύθερνας / Dexamenés Eléfthernas)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les citernes. Cliquer pour agrandir l'image.Les réservoirs antiques d’Eleftherna (αρχαίες δεξαμενές) sont deux réservoirs souterrains d’eau de pluie situés sur le flanc occidental du promontoire de Pyrgi (n° 13 sur le plan), à une centaine de mètres au nord de la tour de l’acropole, près du lieu-dit Pigaïdaki (Πηγαϊδάκι). Les eaux de pluie, tombant sur le sommet rocheux et dénudé du promontoire, étaient collectées par ruissellement dans ces citernes situées en contrebas.

Aller aux citernes d’Éleutherne avec Google Maps (35.329389, 24.675896).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les citernes. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Ces citernes ont été creusées dans du calcaire marneux (μαργαϊκό ασβεστόλιθο) tendre, formé à l’époque du Néogène (n° 78 sur la carte du Géoparc du Psiloritis).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Citerne (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.La date de construction de ces citernes n’est pas certaine, mais la plupart des archéologues pensent qu’elles ont été creusées lorsqu’Eleftherna atteignit sa plus grande prospérité avec une forte augmentation de la population et de ses besoins en eau, c’est-à-dire à l’époque hellénistique ou à l’époque romaine ; cependant, d’autres archéologues pensent que ces citernes sont plus anciennes et datent de l’époque classique. Il est d’ailleurs possible que les deux citernes aient été creusées à des époques différentes. La pierre calcaire marneuse jaunâtre, extraite pour le creusement des citernes, fut utilisée pour la construction d’habitations.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Début de l'aqueduc dans les citernes (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.Les deux citernes sont cependant très semblables, avec des dimensions comparables, environ 35 m de longueur est-ouest par 20 m de largeur nord-sud et entre 4 m et 4,5 m de hauteur ; le plafond des citernes est soutenu par deux colonnades de piliers rocheux rectangulaires qui ont plusieurs mètres de côté ; ces colonnades comprennent quatre piliers dans la première citerne et trois piliers dans la seconde citerne. L’étanchéité des parois, du plancher et des piliers était assurée par un enduit de mortier hydraulique. La capacité totale des deux citernes est estimée à 5 500 m³.

Depuis la première citerne, un aqueduc souterrain permettait d’alimenter en eau la cité.

Il est possible de descendre dans les citernes par des escaliers grossiers taillés dans la roche, à condition d’avoir de bonnes chaussures.

AqueducL’aqueduc romain (Ρωμαϊκό υδραγωγείο / Romaïkó ydragogeío)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'ancien aqueduc romain. Cliquer pour agrandir l'image.Sur le bord oriental du promontoire de Pyrgi, à une centaine de mètres au nord des citernes, on peut découvrir une partie de l’aqueduc qui alimentait la ville romaine (n° 13a sur le plan). L’aqueduc souterrain passait sous la crête du promontoire pour rejoindre les citernes situées sur le côté occidental du promontoire.

Aller à l’aqueduc romain avec Google Maps (35.330356, 24.676252).

On peut pénétrer dans l’aqueduc sur une quinzaine de mètres, de préférence en se munissant d’une lampe de poche.

Chapelle orthodoxeL’église Sainte-Anne (Ναός της Αγίας Άννας / Naós tis Agías Ánnas)
À environ 500 m du début du promontoire, à une quarantaine de mètres à droite du sentier de crête, on peut voir les ruines de la petite église à une seule nef, qui, selon la tradition locale, est dédiée à Sainte-Anne (Αγία Άννα) (n° 12 sur le plan).

Aller à l’église Sainte-Anne avec Google Maps (35.331170, 24.675866).

La voûte du toit s’est effondrée et le mur de la façade ouest est très ruiné, mais il conserve un bas-relief montrant une croix latine entourée d’une inscription invoquant sainte Anne. L’intérieur des murs conserve quelques traces de fresques ; des fidèles continuent de déposer des bougies et des ex-voto.

Depuis les ruines de l’église d’Agia Anna on peut apercevoir vers l’est, en contrebas, les fouilles du quartier de Katsivélos et des basiliques d’Agia Irini et du quartier d’Agios Markos.

Ville hauteL’acropole d’Éleutherne (Ακρόπολη Ελεύθερνας / Akrópoli Eléfthernas)
Les vestiges archéologiques découverts sur le plateau situé à l’extrémité nord du promontoire de Pyrgi, également nommé colline de Prinès, (n° 8 sur le plan) suggèrent que ce site était l’acropole de la ville antique d’Eleftherna au cours du temps long. Depuis la pointe du promontoire il était possible de surveiller la côte nord de la Crète où se trouvaient les deux ports de la cité, Panormos et Pantomatrion.

Aller à l’acropole d’Éleutherne avec Google Maps (35.332771, 24.674858).

Les ruines découvertes comprennent :

  • des bâtiments de l’âge du bronze tardif.
  • un four à poterie de la période géométrique.
  • un sanctuaire, de forme rectangulaire, datant de l’époque archaïque, érigé au VIIe siècle avant JC ; il s’agissait probablement d’un sanctuaire des plus importants, non seulement en raison de son emplacement et des objets qui y sont associés, un grand nombre de figurines archaïques en terre cuite d’une divinité féminine et des inscriptions ; ce sanctuaire a vraisemblablement été aussi utilisé à des périodes ultérieures, au moins jusqu’au début de l’époque romaine.
  • ainsi que des bâtiments romains, romains tardifs et byzantins ; les vestiges d’habitations modestes témoignent de la période économique difficile vécue par les habitants de la ville.

Les ruines de l’acropole d’Eleftherna sont entourées d’une clôture, pas infranchissable ; il n’est pas possible de s’approcher des ruines.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).
ValléeLe vallon du ruisseau d’Agia Kyriaki
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le ruisseau d'Agia Kiriaki. Cliquer pour agrandir l'image.Le ruisseau Sainte-Dominique, ou d’Agia Kyriaki (ρέμα Αγίας Κυριακής), coule du sud vers le nord, à l’est du promontoire de l’acropole ; ce cours d’eau est également nommé torrent de Farangitis (χειμάρρων της Φαραγγίτης) ; il est à sec pendant les 3 ou 4 mois d’été. Ce torrent a creusé, dans les couches de calcaire en plaques, un profond vallon où a prospéré l’Eleutherna des époques hellénistique, romaine et byzantine. Ce vallon comprend le secteur de fouille archéologique I.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon d'Agia Kiriaki vu depuis la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).On peut accéder aux sites archéologiques par une petite route qui prend à droite, depuis la route provinciale d’Angéliana à Éleutherne, quelques dizaines de mètres avant d’entrer dans le village d’Archaia Eleutherna. À l’embranchement se trouvent un plan du site archéologique et un panneau de direction indiquant les principaux sites à voir ; malheureusement ni le plan ni le panneau n’indique que presque tous ces sites sont clôturés depuis 2014 et ne sont pas accessibles.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le vallon d'Agia Kiriaki vu depuis la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le premier site rencontré est l’église byzantine du Christ Sauveur ; à environ 1,2 km de l’embranchement de la route provinciale on arrive à une vaste aire de stationnement située devant le poste des gardiens du site archéologique ; ce poste est désaffecté depuis 2014 et l’aire de stationnement et généralement déserte. Sur la droite part un chemin qui conduit normalement vers les ruines des basiliques Saint-Marc et Sainte-Irène, mais ces sites sont clôturés. On peut garer son véhicule et continuer à pied au-delà du poste de garde ; sur la gauche part un chemin qui longe le pied du versant oriental du promontoire de l’acropole et qui conduit vers le pont hellénistique ; après une centaine de mètres on trouve, sur la gauche, un sentier escarpé qui monte vers l’acropole. En prenant le chemin de droite après le poste de garde on arrive, après environ 50 m, au quartier de Katsivélos entouré d’une solide clôture, cadenassée et haute de 2,5 m, derrière laquelle on peut apercevoir de loin l’abri qui protège les vestiges de la basilique de l’archange Michel.

La visite de ce secteur des fouilles est plutôt frustrante, d’autant qu’aucune information ne prévient que les sites sont inaccessibles.

Église orthodoxeL’église du Christ Sauveur (Ναός του Σωτήρα Χριστού / Naós tou Sotíra Christoú)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. L'église du Christ Sauveur (auteur C. Messier). Cliquer pour agrandir l'image.À environ 500 m après le début de la petite route qui parcourt le vallon du Farangitis on arrive au cimetière d’Archaia Eleutherna (n° 16 sur le plan).

Aller à l’église du Christ Sauveur avec Google Maps (35.324883, 24.678685).

La petite église byzantine du XIIe siècle du cimetière mérite une visite ; il s’agit d’une église à deux nefs qui sont dédiées au Christ Sauveur et à saint Jean le Baptiste, ou saint Jean le Précurseur (Άγιος Ιωάννης ο Πρόδρομος) ; la nef du Christ Sauveur est la plus ancienne, vraisemblablement construite au-dessus d’une église paléochrétienne du Ve siècle, transformée au VIe siècle ; la nef possède un sol en mosaïque et est surmontée d’un dôme imposant, avec un tambour cylindrique où se trouve une fresque du Christ Pantocrator. La nef de saint Jean Baptiste a été ajoutée au XIVe siècle.

L’élise du Christ Sauveur est le plus souvent fermée.

Basilique orthodoxeLa basilique Saint-Marc (Βασιλική του Αγίου Μάρκου / Vasilikí tou Agíou Márkou)
La basilique du quartier d’Agios Markos se trouve dans le vallon d’Agia Kyriaki, à l’est de la colline de l’acropole, en contrebas de l’église d’Agia Anna, à environ 200 m au sud du quartier de Katsivélos ; l’emplacement de cette basilique se trouve à seulement 30 m à l’ouest de l’emplacement de la basilique Sainte-Irène, plus ancienne. L’accès aux ruines de la basilique d’Agios Markos est interdit par des clôtures cadenassées.

Aller aux ruines de la basilique Saint-Marc avec Google Maps (35.331138, 24.677864).

La basilique située sur le site d’« Agios Markos » était une basilique à trois nefs au toit en bois, datant du VIe siècle après JC. À l’ouest se trouve un narthex rectangulaire, qui ne dépasse pas les limites du bâtiment et possède des entrées au nord et au sud. Les nefs de l’église sont séparées par un stylobate relativement haut, sur lequel sont placés six piliers bas, et au-dessus de chacun se trouvent un pied de colonne, une amphicolonne (αμφικίονας), un chapiteau et une imposte ; vient ensuite une série de sept arcs en plein cintre entre les piliers aux extrémités est et ouest ; ces derniers sont surmontés de chapiteaux ; les espaces entre les piliers sont fermés par des parapets. À l’est, la nef centrale se termine par un arc en plein cintre à l’intérieur et à l’extérieur.

La partie la plus orientale de l’église est séparée par un chancel élaboré, tandis que sur le côté nord de la nef centrale, un ambon en relief est attesté. D’après les données des fouilles et les vestiges, les murs de la nef centrale étaient en partie recouverts de revêtements en marbre. Il convient de mentionner les sols en pierre très bien conservés avec un couloir en marbre gris-blanc dans la nef centrale et un dallage du même marbre combiné avec des motifs géométriques en marbre coloré (opus sectile) dans le chancel du chœur.

Au nord et au sud des allées latérales se développent des pièces auxiliaires allongées (éventuellement des zones de circulation semi-extérieures) avec une direction est - ouest, à l’extrémité orientale desquelles se trouvent d’autres annexes, dont celle du nord a un usage funéraire. À l’ouest du narthex, au nord et au sud des bas-côtés et des espaces allongés, d’autres annexes et structures y ont été trouvées, structurellement et fonctionnellement liées aux espaces allongés. L’espace auxiliaire du sud, disposé symétriquement par rapport à celui du nord, avait à l’origine une utilité liée au culte, puis fut transformé plus tard en moulin à huile d’olive. Le complexe s’étend également au nord-ouest avec des espaces secondaires liés à l’approvisionnement en eau.

Un élément particulièrement important du monument est le grand nombre de sculptures architecturales trouvées lors des fouilles. Des chapiteaux décorés de figures animales et d’éléments floraux, des impostes et un grand nombre de panneaux à décor en relief, révèlent la variété et la richesse du décor architectural. Les éléments architecturaux sont réalisés en pierre calcaire locale mais ils sont directement liés à d’importants centres de production d’éléments architecturaux dans d’autres basiliques de l’époque.

Enfin, selon une inscription trouvée sur une amphicolonne (αμφικίονας) de la colonnade de la nef centrale, l’église était probablement dédiée aux saints Anargyres (Άγιοι Ανάργυροι), Côme et Damien.

Basilique orthodoxeLa basilique Sainte-Irène (Βασιλική της Αγίας Ειρήνης / Vasilikí tis Agías Eirínis)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les ruines de la basilique Sainte-Irène vues depuis l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image.La basilique Sainte-Irène se trouve dans le vallon du ruisseau Sainte-Dominique, en contrebas de l’acropole et à environ 50 m à l’ouest du lit du torrent (n° 14 sur le plan) ; l’emplacement indiqué sur le plan officiel du site archéologique, c’est-à-dire en contrebas de la tour de l’acropole, paraît erroné ; la basilique d’Agia Irini est plutôt située en contrebas de l’église Sainte-Anne, c’est-à-dire à environ 500 m plus au nord que l’emplacement indiqué sur le plan.

Aller aux ruines de la basilique Sainte-Irène avec Google Maps (35.331210, 24.678475).

D’après une inscription trouvée sur une colonnette, la basilique était dédiée à Sainte Irène de Dieu (Sainte Paix).

La basilique paléochrétienne Sainte-Irène était une basilique à trois nefs couvertes d’une toiture en bois, dont la première phase de construction, selon les données de fouilles, date du Ve siècle. En peu de temps, probablement au VIe siècle, la basilique subit quelques interventions qui n’altérèrent pas les caractéristiques architecturales du monument. En outre, une autre phase architecturale est identifiée, probablement à la fin du VIIIe siècle, au cours de laquelle le monument subit une série de modifications qui modifient son aspect d’origine. Le monument a subi une série de modifications qui ont modifié son aspect original.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Ruines des basiliques Saint-Marc et Sainte-Irène (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.La disposition des bas-côtés est caractérisée comme typique avec la nef centrale plus grande que la nef latérale et un narthex (pronaos) situé à l’ouest ; la basilique a des entrées au nord et au sud. À l’est, l’édifice a été entièrement détruit et des structures antérieures sont de nos jours visibles, qui, selon les données de fouilles, remontent au IVe siècle après JC.

Dans la nef centrale, certaines parties des structures fonctionnelles de l’église sont visibles. À l’est, il y a une partie du chancel du chœur et du bêma, où ont été placés des parapets élaborés. Une partie d’un ambon (ἀναβαίνω) à une seule marche est également visible dans la partie nord de la nef. À côté, plus au sud, sont conservées des parties de ce qui est probablement un deuxième ambon à double marche. Le sol de la nef centrale est constitué de dalles de calcaire local.

Au contraire, des parties de mosaïques qui ont survécu semblent avoir orné à la fois le narthex et le bas-côté sud.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Plan de la basilique Sainte-Irène (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.Le bas-côté nord de la basilique est orné d’un sol en mosaïque de 17,5 m de longueur et d’environ 3,50 m de largeur, qui impressionne par la richesse de ses thèmes décoratifs. Les guirlandes entourant le bas-côté nord, au nord et au sud, sont décorées de feuilles de lierre suspendues à une tige, de fruits de grenade et de palmettes. Une grande partie de la mosaïque à l’est est recouverte d’ornements écailleux, tandis qu’à l’ouest une grande partie est décorée de fleurs stylisées, comme un tapis. La partie centrale de la mosaïque est recouverte de motifs géométriques, cercles, losanges, disques et croix stylisées, tandis que la représentation symbolique la plus importante vers le nord est ornée d’un cratère, d’un poisson et d’un coquelet.

En outre, quatre tombes à ciste ont été découvertes à l’intérieur de l’église, datant du VIIe siècle après JC, trois dans la nef centrale et une dans le bas-côté sud, qui se distinguent par leur construction élaborée. Ces sépultures sont probablement associées à des membres du clergé.

Des pièces auxiliaires et des citernes ont été identifiées au sud de la basilique Sainte-Irène ; elles concernent des installations industrielles ultérieures qui occupent le site et semblent être restées en usage au moins jusqu’au XIVe siècle. Au nord du monument se trouve un baptistère rectangulaire à double escalier, datant du Ve siècle, bordé de dalles de marbre et de mortier hydraulique. Au VIe siècle, un atrium rectangulaire fut ajouté à l’église au nord, qui empiète partiellement sur ce baptistère.

La basilique Sainte-Irène est la plus grande église d’Eleftherna du début de l’époque byzantine, qui ait été fouillée jusqu’à présent.

Quartier grecLe quartier de Katsivélos (Κατσίβελος / Katsívelos)
Le quartier de Katsivélos se trouve à l’extrémité nord du vallon du ruisseau d’Agia Kyriaki, à l’est et en contrebas de l’acropole située à l’extrémité nord du promontoire de Pyrgi (n° 9 sur le plan). En descendant la petite route du vallon d’Agia Kyriaki, on arrive à une aire de stationnement située devant la maison des gardiens, maison qui est désaffectée depuis 2014. On peut se garer sur cette aire de stationnement et continuer à pied jusqu’aux ruines de Katsivélos qui ne sont qu’à une cinquantaine de mètres sur le chemin de droite. Malheureusement le site de Katsivélos est solidement clôturé et cadenassé depuis 2014 et l’on ne peut voir les ruines qu’à travers un grillage.

Aller au quartier de Katsivélos avec Google Maps (35.331170, 24.677840).

Le toponyme du quartier Katsivélos provient du mot italien « cattivello » qui signifie « captif », « esclave », ce qui suggère que cette zone fut peuplée d’esclaves à une certaine époque.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le quartier de Katsivelos (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.Le lieu-dit Katsivélos, situé sur le côté oriental de la colline de Pyrgi, comprend quatre terrasses, à différents niveaux, sur lesquelles des bâtiments de caractère public — administratif-politique ou cultuel-religieux — et privé ont été érigés :

  • La terrasse surélevée, située le plus au sud, qui est soutenue par un mur de soutènement bien conservé et particulièrement imposant, est occupée par un grand établissement de bains.
  • La terrasse la plus basse, située à l’est, près du torrent Pharangitis, entourait une basilique byzantine primitive et, à des niveaux plus profonds sous celle-ci, des constructions de l’époque hellénistique.
  • La large terrasse du milieu est occupée par deux grandes villas urbaines de l’époque romaine, les maisons I et II, dont les murs sont conservés jusqu’au plancher du premier étage ; les couches les plus profondes sous ces habitations ont livré des vestiges architecturaux de l’époque géométrique-archaïque.
  • La terrasse nord comprend un petit bain et un édifice public.

Le quartier de Katsivélos était desservi par une rue pavée.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les thermes romains de Katsivelos ? (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.L’une des structures les plus remarquables de Katsivélos se trouve sur la terrasse du sud, la terrasse la plus élevée. Les fouilles ont révélé qu’elle comprend un complexe d’au moins quatre citernes à eau à toit voûté, chacune située à un niveau inférieur à celui de la précédente, disposées en gradins vers le bas et alignées du sud au nord ; les citernes se remplissaient d’eau via un réseau de tunnels partant du grand aqueduc de l’acropole. Ces citernes alimentaient à leur tour le complexe de bains (βαλανείο, pluriel βαλανεία), monumental par sa taille, son aspect et sa construction, qui occupait toute la surface de la terrasse sud.

Le bâtiment n’a pas la forme typique des bains romains ; il est de plan rectangulaire, avec une disposition absolument régulière de ses espaces. Dominant le milieu se trouve un grand espace rectangulaire avec un dallage soigneusement posé, dont le toit était soutenu par deux piliers le long de l’axe long. Les archéologues datent la première phase du bâtiment de la seconde moitié du IIe siècle avant JC. Il semble que le toit ait été supprimé dans une deuxième phase de reconstructions négligentes et de légères modifications de la disposition des pièces. Le long du côté sud de l’espace pavé central se trouve une suite de trois pièces, dont les deux pièces, de forme carrée, situées à l’extrémité orientale, étaient des hypocaustes (υπόκαυστο, pluriel υπόκαυστα), tandis que la troisième pièce, rectangulaire, située à l’extrémité ouest était le frigidarium. Le long du côté nord de l’espace pavé central se trouve une rangée d’espaces annexes, dont l’extrémité nord est délimitée par un haut mur de soutènement. Un impressionnant escalier, partant du bord oriental de l’atrium, relie le bâtiment à la rue centrale de l’est de la ville. Dans l’espace pavé central se trouve la superbe sculpture d’Aphrodite « Sandalizousa » (Σανδαλίζουσα), c’est-à-dire attachant ou desserrant sa sandale, et de son compagnon Pan. Le complexe thermal a apparemment été détruit violemment et abandonné au cours du IIIe siècle, dans les dernières années du règne de l’empereur Probus ou un peu plus tard.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le péristyle de la maison 1 de Katsivelos (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.Pendant l’époque impériale romaine, il y eut à Eleutherna un fort développement de la construction d’habitations, probablement dû à l’augmentation du nombre d’habitants. Les « murs de fortification » et les murs de soutènement furent réparés. Au pied du versant oriental du promontoire de Pyrgi, où les terrasses sont plus larges, les pentes plus douces et les sources d’eau abondantes, se trouvaient les résidences de l’élite, comme en témoignent les deux luxueuses villas urbaines, les maisons I et II, les installations de bains et le reste des bâtiments.

La maison I possède un propylée, c’est-à-dire un porche, situé au milieu de son côté nord. Le visiteur passe par deux portails successifs dans un portique spacieux qui entoure un petit espace rectangulaire ouvert qui fonctionnait comme un puits de lumière et en même temps recevait l’eau de pluie des toits de l’atrium, c’est pourquoi on le nomme aussi impluvium ; des conduits, recouverts de dalles de pierre, pénètrent dans une citerne soigneusement construite : à une époque, la citerne a également été utilisée comme dépôt (apothètes) (ἀποθέται).

La maison I semble avoir été utilisée sans interruption du Ier siècle avant JC jusqu’à la fin du IIIe siècle après JC ; en 365 après JC, la maison I fut détruite par un tremblement de terre qui provoqua également un incendie.

La maison I a livré une série de statues et de groupes sculpturaux en marbre, malheureusement brisés, provenant de l’espace à l’ouest du péristyle ; parmi ces statues se trouve une sculpture d’Aphrodite montée sur un bouc, une œuvre rare qui est probablement une variante du modèle du sculpteur Scopas (Σκόπας). Dans une pièce de la maison I ont été retrouvées les exquises plaques d’ivoire avec des scènes de la vie d’Achille, tandis que dans d’autres espaces se trouvaient des bijoux, notamment des bagues ; enfin, un rare chandelier élancé du IVe siècle provient du portique sud de la grande cour du péristyle.

La maison II est située sur le grand monticule qui couvre la zone située entre les bains publics et la basilique paléochrétienne. La maison II comprend deux ailes, chacune avec de nombreuses pièces, qui sont positionnées presque symétriquement sur les côtés sud et nord d’un grand atrium rectangulaire ; l’aile sud comprend deux grandes pièces et au nord un espace divisé par un mur en deux couloirs étroits. Le côté nord de la maison comprend six pièces dont certaines sont conservées en excellent état. Sur le linteau de la porte de l’une de ces pièces est gravée l’inscription « Νείκην τώι Κυρείωι ». Dans la même pièce, de petits objets en os élaborés, quarante-deux pièces de bronze du IIIe siècle, et cetera, ont été trouvés dans une couche de destruction. Dans une autre pièce, des fragments d’un sol en mosaïque à motifs décoratifs géométriques ont été retrouvés. Le bâtiment avait également un étage où se trouvait le tribunal des femmes.

Un canal de drainage en pente d’ouest en est a aussi été mis au jour ; le sol et les côtés du conduit sont enduits d’un épais mortier rouge.

La construction de la maison II comporte deux phases qui sont clairement distinguables : la première phase a été interrompue avant le dernier quart du IIIe siècle ; cette phase de destruction de la maison II pourrait peut-être être attribuée à la période de persécution des chrétiens sous Trajan Decius, vers 249-251, et l’inscription pourrait être interprétée comme un vœu des habitants contre les violences des persécuteurs. Dans la seconde phase de construction, la forme du bâtiment a changé, et peut-être son utilisation, avant son abandon, à la suite d’un tremblement de terre, à la fin du IVe siècle, en même temps que la maison I.

Sur la terrasse la plus basse et la plus à l’est se trouve la basilique dédiée à l’archange Michel ; cette basilique est en partie fondée sur les ruines d’un complexe de bâtiments de l’époque hellénistique, vraisemblablement à usage religieux. Des pierres de la superstructure de ce complexe ont été utilisées pour la construction de la basilique. Dans l’atrium sud de la basilique sont conservées les fondations d’un bâtiment de plan rectangulaire, qui, selon l’archéologue qui l’a fouillé, est en forme de temple, large de 9,50 m et long de 17 m, avec une façade orientée au nord. Ce bâtiment comprend trois espaces en séquence : un vestibule profond qui a été coupé en partie par la construction du bas-côté sud de la basilique, une antichambre étroite et une grande cella mesurant 7,70 m par 8,20 m. On a également mis au jour le stylobate parallèle au côté sud et l’aile ouest du bâtiment en forme de temple.

La fouille en profondeur dans la cella a révélé des vestiges architecturaux de deux phases antérieures de l’époque hellénistique. La première phase comprend un mur de construction soignée, orienté est-ouest, tandis que la seconde comprend un espace carré ouvert de 5,50 m de côté, avec un pavage conservé par endroits, et un drain en pierre ouvert pour les eaux de pluie sur son côté est. À la même phase appartiennent deux murs parallèles situés à une distance respective de 2 m et 7,5 m du côté sud du bâtiment, avec des entrées sur le même axe. Les première et deuxième phases hellénistiques semblent dater d’avant la conquête romaine et la destruction de la ville par les forces de Metellus en 68 - 67 avant JC. En effet, la deuxième phase semble avoir été interrompue par la destruction romaine en 68 - 67 avant JC, comme l’indiquent les traces intenses de conflagration. Une troisième phase est datée des règnes d’Auguste et de Tibère. Les vestiges architecturaux hellénistiques proviennent peut-être d’un temple d’Aphrodite et d’Hermès, comme le suggère un relief avec une représentation de ces deux divinités, qui a été trouvé à proximité, à l’est de la maison I. La possibilité que le temple ait été dédié à Hermès Psychopompe (Ερμής ψυχοπομπός), c’est-à-dire « Guide des âmes », est étayée par la dédicace de la basilique ultérieure à l’archange Michel, qui, selon la croyance chrétienne, conduit les âmes des morts vers Hadès.

Sur la terrasse située le plus au nord, au nord de la maison I et au sud du petit bain, se trouve un grand édifice public, d’environ 20 m par 10 m de côté, soigneusement construit. Cet édifice public remonte également à l’époque hellénistique, du IIe siècle au Ier siècle avant JC ; cependant, cet édifice fut également utilisé à l’époque romaine, du Ier siècle au IIe siècle après JC, et semble avoir été détruit pour une cause inconnue et abandonné après le milieu du IIe siècle après JC.

Cet édifice comprend de grandes pièces rectangulaires, un couloir, un espace oblong et un atrium pavé triangulaire, accessible depuis l’ouest par un escalier d’inspiration minoenne. Au cours de la deuxième phase de construction de l’époque romaine, le sol de l’époque hellénistique a été considérablement surélevé par le dépôt de remblai, tandis que les murs solides qui subsistent en grande partie de la première phase, soigneusement construits avec des blocs de pierre réguliers, ont été remplis par une maçonnerie plus grossière de pierres irrégulières.

Les archéologues considèrent qu’il s’agissait d’un édifice public, peut-être de la résidence d’un fonctionnaire ; des temples miniatures en pierre, qui ressemblent aux lararia des maisons romaines ont été retrouvés dans cet édifice ; les lararia étaient des sanctuaires des divinités domestiques, les Lares. Des découvertes analogues ont également été retrouvées dans la maison du sud, à l’est de la nécropole d’Orthi Pétra, ainsi qu’une petite statuette du type de l’Aphrodite de Fréjus.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les petits bains romains de Katsivelos (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.Le petit établissement de bain romain, situé dans la partie nord du site archéologique, comprend au moins trois phases de construction du IIe au VIe ou au VIIe siècle. Sa construction a commencé après le milieu du IIe siècle, c’est-à-dire après la destruction et l’abandon du bâtiment public adjacent de l’époque hellénistique-romaine. Sur son côté ouest, on a découvert deux pièces identiques adjacentes, dont le côté ouest étroit forme une abside ; ces pièces fonctionnaient comme des hypocaustes et communiquaient entre elles par un conduit d’aération. Une citerne rectangulaire, située à une courte distance au sud-est, alimentait en eau le petit bain.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Statue du type Dame d'Herculanum des bains de Katsivelos (auteur Tomisti). Cliquer pour agrandir l'image.Les petits bains semblent avoir été abandonnés en 365 après JC, lors du tremblement de terre, et ont cessé d’être utilisés, comme le suggèrent les squelettes piégés découverts dans des entrepôts. Enfin, les deux grandes statues du type de la Grande et de la Petite Dame d’Herculanum, trouvées en 1956-1957 et aujourd’hui exposées au Musée archéologique de Réthymnon, ont probablement été trouvées au sud du petit bain, tout comme une statue acéphale d’un homme vêtu d’un himation, de l’époque romaine ; ces statues devaient faire partie de la décoration de l’établissement de bain. La statue du type « Grande Dame d’Herculanum » était une copie du IIe siècle d’une statue originale du IVe siècle avant JC attribuée à Praxitèle.

Basilique orthodoxeLa basilique Saint-Michel Archange (Βασιλική του Μιχαήλ Αρχαγγέλου / Vasilikí tou Michaíl Archangélou)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Les fouilles de la basilique Saint-Michel à Katsivelos. Cliquer pour agrandir l'image.Sur la terrasse orientale du quartier de Katsivélos ont été mis au jour les vestiges d’une basilique paléochrétienne ; selon une inscription de trois lignes en mosaïque découverte dans le narthex, cette basilique avait été fondée par le premier évêque d’Eleutherna, Euphratas (Ευφρατάς) ; cet évêque avait participé au 4e synode œcuménique de Chalcédoine en 451, ce qui date la construction de cette basilique entre 430 et 450, sous le règne de Théodose II ; ce serait donc l’une des plus anciennes basiliques de Crète ; selon cette même inscription, la basilique d’Eleutherna était dédiée à l’archange Michel.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Vestiges de la basilique Michel Archange (auteur Olaf Tausch). Cliquer pour agrandir l'image.L’édifice chrétien aurait été construit sur l’emplacement d’un sanctuaire de l’époque hellénistique en remployant des matériaux de la superstructure de ce bâtiment plus ancien ; les archéologues ont noté le remploi, comme linteaux, de trois pièces rares : des stèles hermaïques, mutilées pour la circonstance, dont un hermès de Janus à deux visages, du Ier siècle avant JC.

La basilique cathédrale a été gravement endommagée et réparée une fois avant d’être finalement complètement détruite par un tremblement de terre soit au cours des dernières années du règne de Constant II, vers 641-668, soit au début du règne de Constantin IV, vers 668-685.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Plan de la basilique de Katsivelos (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.La basilique Saint-Michel Archange était une basilique à trois nefs, séparées par des colonnades, avec un narthex. Le sol de la nef centrale était pavé de dalles rectangulaires ; le sol des nefs latérales et du narthex était richement décoré de mosaïques aux motifs floraux et géométriques.

Les vestiges de la basilique de Katsivélos ont été protégé par une toiture en 2007 ; comme tout le quartier de Katsivélos, ces ruines sont inaccessibles depuis 2014.

Fouille archéologiqueFouille archéologique
À partir du VIIIe siècle après JC, la ville d’Eleutherna semble avoir progressivement diminué en taille jusqu’à ce que les Vénitiens y interdisent finalement toute habitation, en 1367, suite à la révolte de la famille Kallergis (1333 - 1338). Au cours des siècles suivants, Eleutherna n’est mentionnée qu’occasionnellement par les voyageurs, les Dilettanti, les botanistes, les historiens, et cetera, notamment Cristoforo Buondelmonti au début du XVe siècle, en 1415, et Francesco Barozzi en 1577. Les historiens ne savent pas combien de temps dura l’interdiction vénitienne, mais la construction, l’activité de l’église de la Transfiguration (1620 ?) et le texte de Marinos Tzanes-Bounialis (1647) suggèrent un réaménagement du site.

L’anthropologue et égyptologue Richard Pococke, qui visita Eleutherna au XVIIIe siècle, en 1739, mentionne la « tour » au sud de l’acropole, au nord de Prinès, de nos jours Archaia Eleutherna, et son village associé, qui existait déjà en 1720. Un siècle plus tard, en 1825, Prinès était le siège d’une municipalité. Thomas Spratt a visité Eleutherna dans la seconde moitié du XIXe siècle, en 1865, et a dessiné l’ancien pont. Peu après, en 1868, Louis Thénon évoque l’absence de remparts, tandis que Conrad Bursian parle à la fois de la ville et de ses remparts. L’intérêt purement archéologique pour Eleutherna remonte cependant à la fin du XIXe siècle : Ernst Fabricius, en 1884 - 1885, Federico Halbherr, en 1884 et en 1894, André Joubin, en 1890, et Lucio Mariani, en 1893, ont fourni des références plus substantielles sur le site qu’Arthur Evans a visité dans les dernières années du XIXe siècle, avant de commencer les fouilles à Knossos. Le site a été mentionné au début du XXe siècle par Stefanos Xanthoudidis, Giuseppe Gerola, Efstathios Petroulakis et Eleftherios Venizelos qui ont entrepris la restauration de la partie supérieure de l’ancien pont en 1908, à l’époque de l’État autonome crétois.

C’est l’archéologue anglais Humfry Payne qui mena les premières fouilles archéologiques, quoique pour une courte durée, à Eleutherna en 1929 ; seulement vingt jours après le début du projet, Payne a conclu que le site n’était pas suffisamment intéressant pour une recherche plus approfondie.

En 1984, l’Université de Crète a reçu l’autorisation de fouiller systématiquement le site antique et a commencé ses investigations en septembre 1985 sous la direction des professeurs Petros Thémélis (Πέτρος Θέμελης) (Secteur I Est - Katsivélos, jusqu’en 2003), Athanasios Kalpaxis (Αθανάσιος Καλπαξής) (Secteur II Central - acropole, Nissi, jusqu’en 2009) et Nikolaos Stampolidis (Νικόλαος Σταμπολίδης) (Secteur III Ouest - Orthi Pétra, Xéniana, Mésoporo, Pigaïdaki, Agia Irini, et cetera).

L’ancienne Eleutherna n’a pas été choisie par hasard comme site de fouilles de l’Université de Crète : à l’image puissante de la civilisation minoenne de la Crète et de ses centres palatiaux, les fouilles de la ville d’Eleutherna ajouteraient la deuxième composante de l’histoire de Crète, l’époque historique, du premier âge du fer à l’époque byzantine.

Bien que familière aux voyageurs, aux connaisseurs et aux archéologues des siècles passés, l’ancienne Eleutherna est devenue connue comme un cas exemplaire de fouille, d’étude, de conservation, de restauration partielle, de protection et de promotion grecque systématique d’un site archéologique majeur.

Les fouilles continues menées par l’Université de Crète depuis 1985 ont révélé plusieurs milliers de m² de dépôts archéologiques dans diverses parties du site, notamment sur les collines de l’ancienne Eleutherna (Prinès) et de l’actuelle Eleutherna.

De petites découvertes témoignent d’une présence humaine dès le IIIe millénaire avant JC. Les premiers vestiges architecturaux datent de la fin de l’âge du bronze et ont été découverts sur l’acropole de Prinès. L’occupation continue du site est attestée depuis le début de l’âge du fer jusqu’aux époques géométrique, archaïque, classique, hellénistique, romaine, byzantine et, en partie, médiévale. Les fouilles de l’ancienne Eleutherna ont mis au jour des découvertes exceptionnelles de ces différentes époques : des dizaines d’inscriptions, des sculptures, des objets en matériaux précieux, des pièces de monnaie, des objets exotiques d’Orient, des objets et ustensiles métalliques, des vases en verre, et cetera.

D’après l’historique épigraphique et surtout, d’après les preuves archéologiques disponibles à ce jour, le site de l’ancienne Eleutherna est habité depuis au moins le IIIe millénaire avant JC et tout au long de l’époque minoenne au IIe millénaire avant JC. Les rares vestiges architecturaux minoens de Katsivélos, principalement sur l’acropole, appartiennent à l’époque minoenne tardive, du XVIe siècle au XIIe siècle ou XIe siècle avant JC.

Les découvertes archéologiques de la nécropole d’Orthi Pétra suggèrent cependant qu’il s’agit du début de l’âge du fer, en particulier de 900 avant JC à la fin du VIe siècle ou le début du Ve siècle avant JC, fut la période la plus importante de l’histoire de la ville, étroitement lié à l’aube de la civilisation grecque et aux poèmes homériques, l’Iliade et l’Odyssée.

Les quelques vestiges architecturaux et autres découvertes de l’époque classique (Ve-IVe siècles avant JC) suggèrent une ville dont la dynamique devient plus « visible » à l’époque hellénistique, du IIIe siècle au Ier siècle avant JC, grâce aux importants vestiges architecturaux répartis sur l’ensemble du site (Katsivélos, acropole, Orthi Pétra, Nissi, Mnimata, et cetera). L’image de la ville romaine (Ier siècle avant JC / Ier siècle après JC - IVe siècle après JC) est celle d’une activité et d’une richesse intenses, tout comme celle de l’époque byzantine primitive (IVe-VIIe siècles après JC).

Les résultats des fouilles et autres investigations sur les sites d’Orthi Pétra, Pyrgi-Acropolis, Katsivélos, Nissi, Elléniko, Mésoporo, Xéniana, Pigaïdaki, Lotos et Agia Eirini, sur l’ancien pont, la carrière de Péristérès et les cimetières et les tombes d’Alfa et de Laga, ont conduit à la création d’un parc archéologique, dénommé le « Bosquet des Éleutherniens » (Άλσος Ελευθερναίων).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. La partie orientale de la nécropole d'Orthi Petra. Cliquer pour agrandir l'image.Le site d’Orthi Pétra a été choisi dès le début comme principal centre d’investigation du Secteur Ouest des fouilles, en plus des autres sites en cours d’exploration et des fouilles à Xéniana (nord-ouest) et à Saini (nord), à Louri et à Lotos (nord-est), les carrières et les tombes de Péristérès (nord-ouest), Mésoporo (ouest) et sous Pigaïdaki (est-sud-est). La raison en était que sur les terrasses les plus hautes de l’oliveraie de Foundoulakis la terre n’avait pas la couleur jaunâtre et la composition du calcaire marneux de la colline de Prinès et d’Eleutherna, mais était grise ou noire à plusieurs endroits et jonchée de tessons de poterie. Cela indiquait la présence de restes calcinés soit de la ville antique, soit d’un cimetière avec crémations et bûchers funéraires. Finalement, c’est cette dernière hypothèse qui s’est révélée exacte, car on a ouvert le « livre de la terre » pour lire ce que les visiteurs peuvent désormais voir sous la zone abritée : la plus grande partie du cimetière d’Orthi Pétra, qui, selon les preuves actuelles, a été établi au début du IXe siècle avant JC, vers 880 ou 870 avant JC, et qui a fonctionné au moins jusqu’au VIe siècle avant JC. Jusqu’à présent, environ 1300 m² du cimetière ont été étudiés, sans que ses limites aient été retrouvées.

Par ailleurs, les objets funéraires du cimetière d’Orthi Pétra (vases, armes et bijoux), leurs matériaux variés (or, argent, fer, argile, verre, faïence, ivoire, et cetera) et leur style, sont tous des témoins incontestables de leurs méthodes de production et de l’environnement, et des contrats entre Eleutherna et d’autres villes de Crète, des îles de la mer Égée, du Péloponnèse, de l’Attique, du Dodécanèse, de l’Asie Mineure, de Chypre, des côtes de Syrie et de Palestine, d’Égypte, de Phénicie et probablement aussi d’Étrurie aux époques géométrique et archaïque.

Un examen minutieux du matériel squelettique provenant des crémations et d’autres enterrements a fourni une mine d’informations sur le sexe, l’âge, le physique, les habitudes alimentaires, la pathologie et souvent la cause du décès du défunt. Les restes de squelettes parlent également avec éloquence des contraintes habituelles des corps et, par conséquent, des professions ou des activités probables du défunt. Par exemple, l’importante série d’urnes funéraires de la tombe A1-K1 et de ses dromos constituent un manuel de paléopathologie et d’anthropologie d’une communauté fermée des IXe, VIIIe et VIIe siècles avant JC.

Les fouilles du cimetière d’Orthi Pétra ont mis en lumière une grande partie de ce que l’on nomme les « Âges des Ténèbres » (IXe-VIe siècle avant JC), ce que nous appelons l’aube de la civilisation grecque, la période évoquée par « Homère » dans ses poèmes, l’Iliade et Odyssée. Les découvertes de ce cimetière illustrent les descriptions homériques : le rituel des bûchers funéraires, tel que décrit dans l’Iliade, notamment dans le passage narrant le bûcher de Patrocle (Livre XXIII), la description du bouclier d’Achille (Livre XVIII), des aspects du mode de vie homérique (δίαιτα), ou les voyages et contacts commerciaux à travers la Méditerranée racontés dans l’Odyssée.

Musée archéologiqueLe musée archéologique d’Éleutherne (Μουσείο Αρχαιολογικό Ελεύθερνας / Mouseío Archaiologikó Eléfthernas)
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Le musée et le vallon du Chalopota vu depuis la tour de l'acropole. Cliquer pour agrandir l'image dans Adobe Stock (nouvel onglet).Le musée archéologique d’Éleutherne (MaE) se trouve sur la route provinciale d’Angéliana à Eleutherna (Επαρχιακή Οδός Αγγελιανών-Ελεύθερνας), à peu près à mi-distance, environ 1 km, des localités d’Archaia Éleutherna et d’Éleutherna, en surplomb du vallon du Chalopota (n° 18 sur le plan) ; le musée se trouve à environ 10 km au nord-est du monastère d’Arkadi.

Aller au musée d’Éleutherne avec Google Maps (35.324195, 24.670537).

Le projet de musée, élaboré par le professeur Nicolas Stampolidis (Νικόλαος Σταμπολίδης), l’un des trois archéologues chargés des fouilles d’Éleutherne depuis 1985, fut approuvé par le ministère grec de la Culture en janvier 2011. Le musée fut construit sous la maîtrise d’ouvrage de l’Université de Crète et fut inauguré le 19 juin 2016 avec l’exposition des découvertes de plus de trente années de fouilles archéologiques ; depuis lors, la collection du musée est continuellement enrichie de nouvelles découvertes. L’exposition est renforcée par des projections de documentaires vidéo et des diaporamas qui font le rapprochement entre les textes anciens et les découvertes archéologiques à Éleutherne.

Le musée archéologique d’Éleutherne dispose d’environ 1 000 m² de surface d’exposition répartie en trois salles chronologiques ou thématiques, ainsi que d’environ 700 m² d’entrepôts en sous-sol pour les réserves d’objets archéologiques.

Le récit homérique des aventures d’Ulysse et des « différentes villes et mentalités » (Odyssée, Livre I, 3) a inspiré l’exposition actuelle : une image caractéristique de cette aventure d’Ulysse à travers le voyage des objets arrivés directement ou indirectement à Éleutherne, d’autres villes de Crète ou même de plus loin : le Péloponnèse, l’Attique, les Cyclades, les îles de la mer Égée orientale, l’Asie Mineure occidentale et méridionale, Chypre, la Phénicie, la côte syro-palestinienne, l’Égypte, voire la péninsule italienne et la Sicile.

Cette multitude d’origines peut être interprétée de plusieurs manières : les objets étaient échangés avec d’autres biens, soit directement, c’est-à-dire par contact direct entre producteurs et consommateurs, avec des navires marchands appartenant à l’un ou l’autre, soit indirectement, via des villes intermédiaires, et des commerçants, qui avaient des contacts dans les domaines de la production et d’Éleutherne. Des objets étrangers peuvent également être arrivés dans la ville comme cadeaux à d’importants Éleutherniens, ou comme butin, certains acquis par ces guerriers qui avaient servi comme mercenaires dans les cours des dirigeants de Lycie, de Cilicie, de Syrie, de Phénicie et d’Égypte, ou même dans le cadre d’une guerre, de la dot d’une épouse étrangère ou, enfin, comme propriété d’étrangers qui ont vécu et sont morts dans la ville, pour ne citer que quelques-unes des possibilités. La présence d’étrangers, transitant ou installés à Éleutherne, est confirmée par une inscription fragmentaire, exposée ici, mentionnant un magistrat de la cité chargé des étrangers, le cosme des étrangers (« κόσμος των ξένων »).

Beaucoup de ces objets « exotiques » semblent avoir inspiré une série d’imitations ou de créations mixtes en poterie et en métal, attestées à Éleutherne et dans d’autres villes crétoises.

Conditions de visite :

Horaires des visites : tous les jours sauf les mardis, de 10 h à 18 h.

Prix d’entrée : 6 € ; prix réduit 3 €. Ce prix inclut la visite de la nécropole d’Orthi Pétra.

Téléphone : 00 30 28340 92501.

Site sur la Toile : mae.uoc.gr.

Plan d’exposition
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Stèle hermaïque au Musée. Cliquer pour agrandir l'image.Dans le hall d’entrée du musée on peut voir, sur le mur de droite, un plan du site archéologique ; le hall d’entrée montre aussi une reproduction de la découverte emblématique du site archéologique d’Eleftherna, un bouclier de bronze, datant de l’époque géométrique, découvert dans la « Tombe des Guerriers » de la nécropole d’Orthi Pétra où il recouvrait une urne cinéraire ; la reproduction est l’œuvre de l’artisan-fondeur Dimitris Alexandrou. À gauche de l’entrée on peut aussi voir un hermès (ἑρμῆς) à double face en marbre, avec deux mortaises sur les côtés pour fixer des bras ; cet hermès représente le jeune Dionysos, couronné d’une couronne de lierre et d’une mitra, et Ariane ; les stèles hermaïques à double face sont rares en Crète et en Grèce en général ; l’hermès d’Eleftherna se trouvait vraisemblablement entre les colonnes d’une stoa ou dans le temenos ou bosquet sacré de la divinité (IIe siècle après JC).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Plan du musée d'Eleutherne (auteur  MaE). Cliquer pour agrandir l'image.À gauche du hall d’entrée se trouve la salle A (αίθουσα Α) qui présente un premier aperçu de la vie quotidienne politique, sociale et privée à Eleftherna, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque byzantine.

La salle B présente la vie religieuse et les cultes à Eleftherna, du culte de l’époque géométrique au début de l’époque byzantine. Des expositions sur le monument - hérôon d’Eleftherna et sur la Koré d’Eleftherna et la célèbre Dame d’Auxerre, aujourd’hui exposée au Musée du Louvre à Paris, occupent le fond de la salle et annoncent le contenu de la dernière salle.

La salle C est consacrée aux Enfers : les croyances et pratiques funéraires du premier âge du fer, pour lesquelles le cimetière d’Orthi Pétra est le plus célèbre, et leurs relations avec les récits homériques.

La vie publique et la vie privée dans l’ancienne Éleutherne
Sur la droite de la salle A, des vitrines distinctes présentent des objets illustrant la préhistoire et l’histoire du site : outils, armes, bijoux, vases, statues et figurines, inscriptions, éléments architecturaux et pièces de monnaie. Ceux-ci sont représentatifs à la fois des différents matériaux utilisés dans l’Antiquité (obsidienne, argile, pierre, or, bronze argenté, marbre, verre, faïence, ivoire et cetera) et de l’évolution des techniques et des styles au fil des siècles, des plus petites aux plus grandes évolutions d’une époque à l’autre.

L’image fournie par ces artefacts peut paraître inégale, dans la mesure où le hasard affecte ce qui a été découvert jusqu’à présent ou non ; les responsables du musée ont équilibré les informations fournies par chaque objet, sa valeur esthétique et la nécessité de s’adapter à l’espace d’exposition. Le nombre et la qualité des objets reflètent autant que possible les tendances de chaque période et la trajectoire historique de la ville comme l’indiquent les preuves archéologiques.

En face des vitrines disposées chronologiquement, qui représentent l’évolution linéaire dans le temps, on rencontre de gauche à droite et dans un ordre chronologique relatif :

  • La grande vitrine, à gauche, illustre les « odyssées » d’objets importés d’autres sites crétois, de la mer Égée, et d’autres régions de Grèce et de la Méditerranée avec lesquelles les Éleutherniens entretenaient des échanges commerciaux, comme l’Asie Mineure, Chypre, la Phénicie, la côte syro-palestinienne, l’Égypte et la péninsule italienne ; la vitrine illustre aussi l’utilisation de matériaux ou l’imitation d’objets importés de ces régions.
  • Un peu plus loin, une autre vitrine se concentre des objets provenant de régions spécifiques.
  • D’exquises plaques d’ivoire.
  • Des pièces de monnaie frappées localement et ailleurs.

Enfin la vitrine centrale est dédiée à l’or et à la bijouterie, illustration de cette matière indestructible, magique et diachroniquement précieuse et de ses multiples usages principalement à l’époque « homérique » à l’aube de la civilisation grecque en Crète.

Éleutherne aux époques préhistoriques
Les fouilles à Éleutherne, en particulier sur la colline de Prinès et ses pentes, ont révélé un certain nombre d’objets en obsidienne, marbre, métal, pierre précieuse et argile, qui attestent de la présence humaine sur le site depuis au moins le début puis tout au long de l’âge du bronze (IIIe et IIe millénaires avant JC). Ces artefacts comprennent des haches en pierre et des lames d’obsidienne, qui, seules ou combinées avec d’autres matériaux (par exemple le bois), servaient d’outils et d’armes pour couper, raser, percer, et cetera.

Des fragments de figurines cycladiques, des types de Koumasa (Κουμασα) en Crète et de Spédos (Σπεδός) à Naxos, indiquent des contacts avec d’autres sites crétois et avec les Cyclades. Certaines poteries datent du début de l’époque minoenne, tandis que le bol de fleurs en pierre et la figurine en terre cuite d’Orthi Pétra datent de l’époque minoenne supérieure, illustrant le passé minoen du site.

Les seuls vestiges architecturaux de l’âge du bronze découverts jusqu’à présent sont les rares vestiges des murs minoens supérieurs de l’Acropole (Pyrgi) et de Katsivélos.

Éleutherne aux époques géométrique et archaïque (IXe - VIe siècles avant JC)
La cité d’Eleutherna aurait été fondée par les Doriens, à l’âge du Fer précoce, au IXe siècle avant JC ; l’Eleutherna des époques géométrique et archaïque semble avoir été une communauté florissante, nombreuse et économiquement puissante. Son acropole était probablement située au sommet de la colline de Prinès, et l’habitat s’étendait sur les pentes qui l’entouraient.

Des preuves archéologiques suggèrent que la cité du début de l’âge du Fer était constituée de groupes résidentiels, des quartiers ou komé (κώμη, pluriel κώμες), situés à divers endroits : sur le versant oriental comme à Katsivélos, le sommet et le versant supérieur ouest de la colline de Prinès, à Xéniana, sur le versant oriental de la colline occupée par l’Éleutherne moderne, et peut-être à Nissi. Les sanctuaires du peuplement semblent avoir été situés à l’intérieur (Pyrgi) ou à proximité des groupes résidentiels (Nissi, Elléniko) ; initialement dédié à une divinité féminine, le sanctuaire de Pyrgi était probablement le sanctuaire le plus ancien du peuplement, datant du VIIe siècle avant JC, et le plus important, au moins à l’époque hellénistique. Chaque komé possédait probablement son propre bâtiment administratif, l’andrôn (ἀνδρών) sous la forme d’une structure de type mégaron, comme celle fouillée à Katsivélos. Les vestiges de maisons privées sont clairsemés (Xéniana), alors qu’un atelier de poterie a été identifié à l’ouest de l’acropole.

Les époques géométrique et archaïque sont connues principalement grâce aux fouilles de la nécropole d’Orthi Pétra, située sur le versant ouest de la colline de Prinès, qui servait de cimetière principal du peuplement ; les découvertes illustrent de manière frappante les coutumes funéraires décrites par Homère dans l’Iliade et aussi dans l’Odyssée, comme par exemple la crémation de Patrocle. La richesse et la qualité des offrandes funéraires datant du début du IXe au VIe siècle avant JC suggèrent l’existence d’une aristocratie locale de magistrats, les cosmes (κόσμοι), et de guerriers, politiquement et économiquement puissante. La communauté comprenait également des étrangers et des personnes de statut inférieur. Les contacts commerciaux et culturels directs et indirects avec d’autres villes crétoises, les îles de la mer Égée, l’Attique, le Péloponnèse, le Dodécanèse, Chypre, l’Asie Mineure, la côte syro-palestinienne, l’Égypte et peut-être l’Étrurie, furent probablement fréquents à cette époque.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Poteries des époques géométrique et archaîque. Cliquer pour agrandir l'image. Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Cruche à la Méduse du 7e siècle avant JC. Cliquer pour agrandir l'image. Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Armes en fer de l'âge du fer. Cliquer pour agrandir l'image. Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Stèle avec inscription des époques géométrique et archaïque contre l'excès de boisson. Cliquer pour agrandir l'image.
Éleutherne aux époques classique et hellénistique (Ve - Ier siècles avant JC)
Bien que les preuves du Ve siècle avant JC soient limitées, il semble que le centre religieux, politique et résidentiel de la cité d’Éleutherne, datant de l’époque archaïque précoce, situé sur la colline de Prinès, a continué de fonctionner jusqu’à l’époque classique.

La fin du Ve siècle ou le début du IVe siècle avant JC voit la construction du grand sanctuaire de Nissi. À Katsivélos, sur le versant est de la colline de Prinès, une importante activité de construction a eu lieu pour la première fois probablement à la fin de l’époque classique, lorsque la ville a frappé pour la première fois ses propres pièces de monnaie, déclenchant la construction de murs de soutènement et de terrasses résidentielles successives avec des bâtiments publics et privés.

La ville a prospéré économiquement et culturellement pendant l’époque hellénistique, de la fin du IVe siècle au Ier siècle avant JC. Pour la première fois, elle apparaît avec force dans les développements historiques, entretenant des contacts réguliers avec la Grèce continentale, les îles de la mer Égée, l’Asie Mineure et l’Égypte ptolémaïque et participant aux développements politiques, comme l’indiquent les sources écrites anciennes, les inscriptions et les preuves archéologiques.

Un fragment de stèle de marbre, avec fronton, a été mise au jour ; elle présente le texte d’un traité d’alliance entre la cité d’Eleutherna et un roi de Macédoine nommé Antigone, vraisemblablement Antigone III Doson (Αντίγονος Γ’ Δώσων), qui régna de 229 à 221 avant JC. Les raisons politiques les plus plausibles de cette alliance suggèrent l’époque où Antigone Doson se préparait à rejoindre la Ligue achéenne dans la guerre contre Cléomène III (Κλεομένης Γ΄) de Sparte ; cela daterait ce traité entre 227 et 224 avant JC.

Cette stèle, dont la partie gauche est manquante, mesure 80 cm de hauteur, 33 cm de largeur, avec une épaisseur d’une dizaine de centimètres ; cette stèle est exposée au Musée archéologique de Réthymnon. La partie qui subsiste des trente-cinq lignes du traité mentionnent des sanctions très sévères contre Eleutherna et contre Antigone, en cas de manquement aux termes du traité :

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Stèle d'Eleftherna avec inscription d'un traité de l'époque hellénistique au Musée archéologique de Réthymnon. Cliquer pour agrandir l'image.« … [les Éleutherniens feront] la guerre à quiconque [avec qui le roi Antigone est en guerre] ; il ne leur sera pas possible [de conclure] une autre alliance [en opposition] à Antigone et aux Macédoniens … [les] Éleutherniens ; de la même manière [ni le roi] Antigone ni [ses] descendants ni aucun [des Macédoniens ne concluront] d’alliance [contre les Éleutherniens]. Chaque fois que la ville vote [pour envoyer de l’aide], les cosmes l’enverront dans les vingt jours [de la date du vote], [à moins qu’une urgence ne les en empêche. Chaque fois que des ambassadeurs d’Antigone se présentent chez les Éleutherniens, les cosmes convoqueront une assemblée dans les dix jours qui suivront leur arrivée, à moins qu’une urgence ne les en empêche ; et même s’ils ne peuvent le faire, ils convoqueront une assemblée aussitôt que possible. Les cosmes conduiront les ambassadeurs du roi [Antigone] à l’assemblée, et ils n’y introduiront aucune [autre affaire avant] d’avoir donné leur réponse [aux ambassadeurs]. Si les cosmes des Éleutherniens n’envoient pas de secours dans le délai prescrit, ou s’ils [violent les termes du traité] de quelque manière que ce soit, ils paieront une amende [de 10 000 drachmes à Antigone] dans la [ville] qui sera choisie [comme arbitre]. Si les députés ne convoquent pas l’assemblée, ou s’ils ne font pas venir les députés, ou s’ils introduisent d’autres affaires avant de leur avoir répondu, ils seront passibles de toutes les peines qui s’imposent. Le roi enverra des secours dans les vingt jours qui suivront la convocation. Si le roi Antigone a besoin d’alliés, les cosmes des Éleutherniens lui enverront des hommes libres, armés. Le roi Antigone fournira aux troupes alliées une drachme alexandrine et des oboles pour chacun des hommes et par jour. »

Éleutherne fut aussi l’alliée de Philippe V de Macédoine contre Rhodes et Knossos au cours de la première guerre crétoise à la fin du IIIe siècle, de 205 à 200 avant JC.

Dès la fin du IVe siècle avant JC, Éleutherne semble avoir acquis la forme d’une véritable ville. Son système de rues a probablement été établi au cours de cette période et a continué à être utilisé au cours des périodes ultérieures. Des maisons et des sanctuaires occupaient également le versant ouest de la colline de Prinès, à Orthi Pétra.

Les vestiges fouillés d’un système de terrasses, avec de grands murs de soutènement, et des murs, qui pourraient être des murs de fortification, autour de la colline de Prinès et probablement autour d’une grande partie du quartier de Nissi suggèrent que le tissu urbain de la ville a atteint son apogée à l’époque hellénistique. Les vestiges architecturaux comprennent aussi un pont, des bâtiments publics (sanctuaires, etc.) et des habitations privées. Les découvertes comprennent des œuvres d’art, des statues et des inscriptions (à la fois des ex-voto et des traités interétatiques).

La production artistique est marquée par l’activité du sculpteur éleuthernien Timocharis (Τιμοχάρης), qui s’installa à Rhodes vers 200 avant JC et créa des sculptures pour Lindos, Cnide, Karpathos, Astypalée et Sidon. Le sens artistique élevé des habitants hellénistiques d’Éleutherne se reflète dans les œuvres d’art elles-mêmes, principalement dans les nombreuses sculptures. Il convient de noter que le fils adoptif de Timocharis, Pythocritos (Πυθόκριτος), fut le créateur de la « Victoire de Samothrace » (Νίκη της Σαμοθράκης).

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts des époques classique et hellénistique. Cliquer pour agrandir l'image.Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts des époques classique et hellénistique. Cliquer pour agrandir l'image.
Éleutherne à l’époque romaine (Ier siècle avant JC - IVe siècle après JC)
En 68 avant JC, Eleutherna fut assiégée par le général romain Quintus Caecilius Metellus, le conquérant de la Crète, et résista avec vigueur jusqu’à ce qu’elle tombât finalement entre ses mains, à la suite d’une trahison.

La ville continua de prospérer durant l’époque romaine ; l’augmentation de l’activité de construction peut être associée à une augmentation de la population. Les terrasses et les bâtiments existants ont été réparés et de nombreux nouveaux bâtiments ont été construits ; le réseau routier, comme l’indique également la large rue pavée d’Orthi Pétra, sillonnait la ville et menait vers l’Acropole et la porte nord de la ville, en direction du pont hellénistique. Le côté oriental de la colline de Prinès, où les terrasses sont plus larges, la pente plus douce et les sources d’eau plus abondantes, a été choisi comme zone résidentielle des classes dirigeantes, comme le suggèrent les luxueuses villas urbaines, les bains romains et autres bâtiments fouillés au site de Katsivélos. Le quartier de Pyrgi (acropole) comprenait des bâtiments publics. À Orthi Pétra, au sud et à l’est de la grande route pavée, des fouilles ont mis au jour les vestiges d’un quartier avec des maisons construites aux Ier et IIe siècles après JC, en partie sur des maisons hellénistiques et d’autres bâtiments antérieurs.

Plus haut, sur le versant ouest de la colline de Prinès, au-dessus de Pigaïdaki (Πηγαϊδάκι), se trouvent deux citernes creusées dans la roche, d’une capacité de 4 500 m³ chacune ; le site est également connu sous le nom de « Dexaménès » (Ρωμαϊκές δεξαμενές) ; cet élément important de l’infrastructure de la ville a été créé grâce à l’extraction d’énormes quantités de calcaire marneux, qui a été utilisé dans divers autres bâtiments.

L’Eleutherna romaine, dont la puissance et la richesse sont également démontrées par les objets découverts dans ses bâtiments publics et privés, faisait partie du réseau routier romain qui reliait Rome à Gortyne, la capitale de la Province de Crète et de Cyrénaïque, via Kissamos et Kydonia et d’autres villes de Crète.

À la fin de l’époque romaine, vers 365 après JC, un puissant tremblement de terre détruisit une grande partie de la cité d’Eleutherna et d’autres villes crétoises, et provoqua un raz-de-marée qui, selon d’anciennes sources écrites, « s’étendit du sud de la Grèce jusqu’à Alexandrie en Égypte ».

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Inscription de l'époque romaine. Cliquer pour agrandir l'image.L’exposition montre notamment :

  • Un chapiteau corinthien avec une base de colonne engagée, provenant probablement de l’intérieur d’un bâtiment ; cette colonne aurait encadré, avec une seconde colonne identique, une niche contenant une petite statue ; daté du Ier siècle après JC.
  • Une plaque inscrite, du Ier siècle après JC, mentionnant l’artiste romain Poplius Sabellius ; c’est un rare exemple de signature d’un artiste-artisan à la fois pour Eleutherna et pour la Crète romaine en général.
  • Un socle inscrit pour une statue en bronze de l’empereur Hadrien ; daté de 117 - 118 après JC.
Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts de l'époque romaine. Cliquer pour agrandir l'image.Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts de l'époque romaine. Cliquer pour agrandir l'image.
Éleutherne au début et au milieu de l’époque byzantine (IVe - XIIIe siècles après JC)
Malgré le coup dur causé par le grand tremblement de terre d’environ 365 après JC, la vie a continué à Éleutherne. La ville byzantine primitive a été reconstruite sur les ruines de la cité romaine tardive, et même sur les rues de la phase antérieure. Au début de l’époque byzantine, Éleutherne est devenue le siège d’un évêque, peut-être au début du Ve siècle ; l’édification, au milieu du VIIe siècle, d’une église cathédrale, la magnifique basilique de l’Archange Michel, au cœur de l’Éleutherne romaine, suggère la présence d’une communauté chrétienne florissante depuis quelque temps auparavant. Au moins deux autres basiliques byzantines primitives ont été identifiées à l’intérieur des limites de la ville ; ces premières églises byzantines de la ville ont livré, outre des pavements en mosaïque conservés in situ, plusieurs dalles de parapets et autres éléments architecturaux, mais aussi des objets de culte.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Plaque d'ivoire d'époque byzantine. Cliquer pour agrandir l'image.Le musée expose notamment une plaque en ivoire, datée du IVe siècle, avec des scènes mythologiques en relief représentant plusieurs personnages de la vie d’Achille ; les scènes illustrent probablement une « Achilléide » perdue, un poème épique narrant la vie d’Achille, équivalent de l’Iliade et de l’Odyssée d’Homère. L’une des scènes montre Thétis (Θέτις), entre deux Néréides, plongeant son fils Achille, la tête en bas, dans le fleuve Styx en le tenant par un talon ; le Styx est incarné par une femme allongée, le torse nu.

Une activité de construction importante est constatée à Pyrgi (acropole) autour d’un grand complexe qui, au VIe siècle, fonctionnait comme une église chrétienne. Une grande partie du sommet de la colline était à nouveau recouverte de bâtiments, à mesure que la ville se déplaçait progressivement vers des endroits plus sûrs. Les problèmes de sécurité expliquent également la construction d’un solide mur de fortification, qui comprenait la tour à l’entrée de l’acropole.

La période de troubles et de bouleversements, qui précéda la conquête arabe de la Crète, affecta sans aucun doute Éleutherne, conduisant au déclin progressif de la ville après 668 et à son possible abandon peu après 787, et plus encore après le nouveau tremblement de terre en 796. Les habitants d’Éleutherne cherchèrent refuge dans des zones montagneuses et fortifiées plus sûres jusqu’au moins la reconquête de l’île par Nicéphore Phocas en 961, lorsqu’ils semblent être revenus dans la région et s’être réinstallés à Pyrgi et sur la selle de la colline, plutôt que sur ses pentes.

La petite ville byzantine fut abandonnée au début du XIVe siècle, probablement après que l’administration vénitienne avait interdit d’habiter dans la région.

Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts d'époque byzantine. Cliquer pour agrandir l'image.Le site archéologique d'Eleutherne en Crète. Artefacts d'époque byzantine. Cliquer pour agrandir l'image.

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