La Crète à l’époque néolithique (de 6000 à 3500 avant JC) | Certaines découvertes archéologiques, notamment près de Plakias (Πλακιάς), sur la côte sud-est de l’île, semblent indiquer que la Crète était visitée par des chasseurs-cueilleurs dès l’époque paléolithique, à des dates aussi anciennes que 130 000 ans avant l’époque actuelle. Cependant, le peuplement de l’île de Crète semble n’avoir vraiment débuté qu’à l’époque néolithique, entre 7000 avant JC et 6000 avant JC, par des populations venant vraisemblablement d’Anatolie ou des rives de la Mer Noire ; elles cohabitent vraisemblablement avec les populations déjà présentes. Ces premiers habitants néolithiques habitent d’abord dans les nombreuses grottes de l’île ; plus tard, ils se construisent des cabanes rondes en torchis sur une base de pierre ; à la fin de l’époque néolithique, les habitations sont en pierre et adoptent des formes variées. Les nouveaux colons vivent de la pêche et de la chasse, mais aussi de l’agriculture des céréales et des légumes, et de l’élevage des moutons, chèvres, cochons … ; leurs outils sont en pierre ou en os, notamment en obsidienne noire importée des Cyclades, en particulier de Milos ; ils connaissent le tissage mais la poterie en céramique ne fait son apparition qu’à la fin du néolithique ; ces pots sont modelés à la main, sans l’aide de tours de potier, et cuits dans des foyers ouverts, c’est-à-dire dans des fosses creusées dans le sol, sans l’utilisation de fours ; ces poteries sont couvertes de décorations noires ou rouges. Ces populations néolithiques adorent la grande divinité-mère, une déesse de la fécondité d’origine asiatique ; ils enterrent leurs défunts dans des grottes ou des niches rocheuses. De tels peuplements néolithiques ont été mis au jour, notamment sur le site de Cnossos, sur la rive occidentale de la vallée du fleuve Kairatos, et dans des grottes telles que la grotte côtière d’Ilithyie (Σπήλαιο Ειλειθυίας), près d’Héraklion, la grotte côtière de Pélékita (Σπήλαιο Πελεκητά), près de Zakros ou la grotte de Trapéza (Σπήλαιο Τράπεζας), au-dessus du plateau du Lassithi. |
| La Crète à l’époque minoenne (de 3500 à 1100 avant JC) | Vers la fin de l’époque néolithique, entre le milieu du IVe millénaire avant JC et le milieu du IIIe millénaire avant JC, de nouvelles populations s’installent sur l’île, y introduisant la métallurgie du bronze et des techniques nouvelles permises par les outils en métal ; ces populations, vraisemblablement d’origine cycladique, donneront naissance à la civilisation minoenne qui durera jusque vers le XIe siècle avant JC. Le terme de minoen (μινωικός) fut inventé par l’archéologue anglais Arthur Evans qui fouilla de façon approfondie le site de Cnossos au début du XXe siècle ; Evans créa ce mot à partir du nom du roi légendaire Minos (Μίνωας) dont il croyait que Cnossos était le palais. Les études anthropologiques des squelettes découverts dans les tombes datant de l’époque minoenne ancienne ont montré que la population minoenne était majoritairement constituée d’Européens au crâne de forme ovale, avec une petite minorité d’Asiatiques au crâne de forme ronde, descendant sans doute des populations venant d’Asie mineure, installées sur l’île à l’époque néolithique. Ces peuples de la mer Égée, parfois nommés Pélagiens, maîtrisaient la métallurgie du cuivre puis celle du bronze, mais ne trouvèrent pas sur l’île de Crète les minerais de cuivre et d’étain indispensable à cet alliage ; le cuivre était importé depuis l’île de Chypre et l’étain vraisemblablement depuis la péninsule ibérique ou l’ouest de la Gaule, en Armorique ; des lingots de ces métaux ont été découverts dans divers sites archéologiques minoens de l’île. D’autres matières premières étaient absentes de Crète, telles que l’obsidienne, une pierre volcanique siliceuse utilisée pour fabriquer des outils tranchants, qui était importée de l’île de Milos (Μήλος), dans l’archipel des Cyclades, et de l’île de Gyali (Γυαλί), dans l’archipel du Dodécanèse. D’autres matériaux, tels que les pierres précieuses et l’ivoire, étaient importés du Proche-Orient ou d’Égypte ; ces matériaux étaient utilisés pour fabriquer des objets de luxe, tels que des bijoux ou des sceaux. L’économie minoenne était essentiellement basée sur l’agriculture, l’élevage et la pêche. L’artisanat du tissage utilisait des métiers à tisser. L’artisanat de la poterie produisait des récipients en pierre ou en terre cuite ; ces matériaux, ainsi que le bronze, étaient aussi utilisés pour fabriquer d’autres objets de la vie quotidienne tels que des lampes à huile, des boîtes à onguent ou à bijoux, ou pyxides (πυξίς, au singulier πυξίδος), des pesons de métier à tisser, mais aussi des objets cultuels tels que des figurines votives. Des produits typiques de l’artisanat minoen de la céramique étaient de très grandes jarres en terre cuite, nommées pithoi (πίθοι, au singulier πίθος), utilisées pour l’entreposage des récoltes ; les archéologues ont mis au jour un grand nombre de ces pithoi dans les entrepôts des palais minoens. La production de céramiques minoennes était suffisamment importante pour qu’une partie de ses poteries fut exportée. L’argile non cuit était utilisé pour la fabrication de tablettes d’écriture. Le travail du bronze produisait des objets utilitaires tels que des hameçons, des aiguilles, des miroirs, mais aussi des armes telles que des épées, des boucliers ou des haches de guerre. Les labrys (λάβρυς), doubles haches ou haches bipennes, étaient l’emblème des Minoens ; dans les sites religieux, de nombreuses haches bipennes ont été mises au jour, notamment des labrys en or comme à Arkalochori ; ces labrys étaient à caractère votif. La richesse des palais minoens suggère que l’économie minoenne était florissante aux époques palatiales, notamment grâce à l’exportation des excédents de sa production agricole et artisanale. L’administration économique de l’île semble avoir été très élaborée, grâce à l’utilisation de l’écriture sur des tablettes d’argile ; certaines de ces tablettes ont été durcies par les incendies qui ont détruit les palais, ce qui a permis qu’elles soient conservées jusqu’à nos jours. À l’époque minoenne ancienne l’écriture se limitait à un certain nombre d’idéogrammes de forme plutôt grossière ; au début de l’époque minoenne moyenne apparut un premier système de hiéroglyphes, l’écriture hiéroglyphique « A » ; ce système s’affina au cours de l’époque proto-palatiale pour aboutir à l’écriture hiéroglyphique « B ». Après la destruction des premiers palais et la construction des seconds palais, l’écriture hiéroglyphique évolua vers une première écriture linéaire, l’écriture linéaire « A », utilisée pendant l’époque néo-palatiale ; cette écriture n’est toujours pas interprétée de nos jours. Après la destruction des seconds palais, à la fin de l’époque post-palatiale, une nouvelle écriture fut utilisée à Cnossos, l’écriture linéaire « B », une écriture syllabique très proche du grec archaïque, sans doute influencée par les envahisseurs mycéniens. La première mise au jour de vestiges de la civilisation minoenne date de l’année 1878 ; en 1877, un négociant d’Héraklion, passionné d’archéologie et d’histoire, Minos Kalokairinos (Μίνωας Καλοκαιρινός), entreprit des fouilles sur des terres appartenant à sa famille, à environ 5 km au sud de la ville ; dès l’année suivante il mit au jour des fondations de bâtiments qui ont depuis été identifiés comme des magasins de l’ouest du palais de Cnossos et un angle de la salle du trône. Se basant sur les sources historiques, Kalokairinos fut le premier à identifier ces ruines avec la ville capitale du roi Minos, capitale que les Grecs mycéniens, puis doriens, nommaient Cnossos. Cependant les autorisés ottomanes interdirent à Kalokairinos de continuer les fouilles après seulement trois semaines. En 1886 Kalokairinos fit visiter le site à l’archéologue allemand Heinrich Schliemann, excavateur de Mycènes et découvreur de Troie, qui croyait que l’origine de la civilisation mycénienne se trouvait en Crète. Schliemann voulut entreprendre l’excavation de Cnossos mais n’y fut pas autorisé. Les fouilles de Cnossos ne furent reprises qu’à la fin du XIXe siècle, après le départ des Turcs, par un archéologue anglais, Arthur Evans, qui mit au jour notamment le Grand Palais, le Petit Palais et la Villa Royale. À partir de la fin du XIXe siècle et jusqu’à nos jours, les fouilles des sites minoens se sont multipliées, menées par des archéologues de divers pays d’Europe ou d’Amérique : École italienne à Faistos, Gortyne et Agia Triada ; École française à Malia et Itanos ; École grecque à Zakros, Tylissos, Archanès, Fourni, Anémospilia, Iouchtas, Vathypétro, Pétras, Agia Fotia, Kato Symi, Galatas, Chamézi et cetera ; École britannique à Roussolakkos, Trapéza, Karphi, Fournou Koryfi et Pyrgos ; École étasunienne à Gournia, Vassiliki, Psira et Mochlos. Plus d’une centaine de sites minoens, d’importances et de natures diverses, ont été fouillés ou le sont encore. L’étude des ruines minoennes conduisit les archéologues à tenter d’établir une chronologie de l’histoire minoenne. Se basant sur les styles des céramiques découvertes à Cnossos, Evans proposa un découpage chronologique de l’histoire minoenne en trois époques : le minoen ancien ou minoen précoce, de 3500 avant JC à 2100 avant JC ; le minoen moyen, de 2100 avant JC à 1600 avant JC ; le minoen récent ou minoen tardif, de 1600 avant JC à 1100 avant JC. Evans découpait chacune de ces époques en un certain nombre de phases. Le découpage proposé par Evans se révéla ne pas convenir pour d’autres sites minoens majeurs comme Malia ou Faistos. D’autres archéologues proposèrent d’autres découpages ; l’archéologue grec Nicolas Platon proposa un découpage basé sur le développement et la destruction des palais minoens : l’époque pré-palatiale, de 3500 avant JC à 1900 avant JC ; l’époque proto-palatiale de 1900 avant JC à 1750 avant JC ; l’époque néo-palatiale de 1750 avant JC à 1500 avant JC ; l’époque post-palatiale de 1500 avant JC à 1100 avant JC. |
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| La Crète à l’époque minoenne pré-palatiale | Époque pré-palatiale : 3500-1900 avant JC- Minoen ancien MA : 3500-2100
- Minoen ancien MA-I : 3500-2900
- Minoen ancien MA-II : 2900-2300
- Minoen ancien MA-III : 2300-2100
| Le début de la civilisation minoenne se situe entre la fin de l’époque chalcolithique, époque du cuivre natif, vers 3500 avant JC et le début de l’Âge du bronze, vers 2500 avant JC. Certains archéologues ont nommé « époque pré-palatiale » la première époque de cette civilisation, entre ses débuts et sa première apogée, caractérisée par la construction de premiers « palais », vers 1900 avant JC. Cette époque pré-palatiale, d’une durée de plus d’un millénaire, est marquée par un fort développement économique et par une forte augmentation de la population. Ce développement s’appuie sur la maîtrise de la métallurgie du cuivre, qui engendre à son tour des innovations dans les techniques agricoles de l’oléiculture et de la viticulture ; l’importation des métaux et l’exportation des productions agricoles créent des échanges commerciaux avec les îles Cyclades, l’Anatolie méridionale, l’île de Chypre et, peut-être indirectement, avec le Moyen-Orient. Pendant la première phase de l’époque minoenne ancienne MA-I, le développement économique et démographique se produit principalement dans la partie orientale de l’île, vraisemblablement en raison de sa proximité avec les sources de provenance du cuivre, Chypre et l’Anatolie. Le MA-I voit l’apparition de peuplements, généralement établis sur des collines situées à proximité de la côte, comme à Mochlos, sur la côte nord-est de l’île ; le reste de l’île reste au stade du néolithique final, sans utilisation du cuivre. Les grottes sont encore utilisées comme habitations, mais des maisons de forme rectangulaire, en briques crues séchées au soleil, bâties sur des fondations en pierre, font leur apparition. Durant la phase MA-I, on continue de produire la même céramique brunie qu’à l’époque néolithique. Les sépultures de cette phase continuent d’être principalement des cavités rocheuses, notamment dans le nord et le nord-est de l’île, mais des tombes à tholos (θολωτός τάφος) font leur apparition dans le sud ; les tombes à tholos sont des tombes circulaires à dôme, d’un diamètre intérieur allant de 4 m à 13 m ; sur les 75 tombes à tholos découvertes dans la plaine de la Messara, la moitié datent de l’époque MA-I. Un cas particulier est la nécropole d’Agia Fotia, située à l’est de Sitia, une nécropole fortement influencée par les Cyclades ; plus de 250 tombes, creusées artificiellement dans la roche, y ont été mises au jour ; ces tombes datent presque toutes du MA-I. L’âge du bronze ne commence vraiment, dans l’est de la Crète, qu’à l’époque minoenne ancienne MA-II, en particulier à partir de 2700 avant JC, comme en atteste les objets découverts dans les nécropoles. Des peuplements tels que celui de l’île de Mochlos continuent de se développer, mais de nouveaux peuplements apparaissent comme sur l’île de Psira, non loin de Mochlos, à Vassiliki, situé à l’intérieur des terres mais à seulement quelques kilomètres de la côte nord, à Roussolakkos près de Palékastro sur la côte orientale de l’île, à Phournou Koryfi et à Pyrgos, près de Myrtos, sur la côte sud-est de l’île. Les peuplements sont des villages de quelques dizaines d’habitants, faisant vraisemblablement partie d’un même clan, avec des zones d’activités spécialisées et un sanctuaire. Les maisons sont construites les unes contre les autres et présentent une façade aveugle du côté extérieur du village, sans doute dans un but défensif ; ce sont des maisons en pierres grossièrement taillées au moyen des nouveaux outils en bronze ; les toitures sont plates, faites de chevrons en bois sur lesquels sont posés des branchages cimentés avec de la terre ; cet habitat suggère une société encore égalitaire, sans hiérarchie sociale. La phase MA-II connaît un grand développement de l’art de la poterie, poterie en céramique et poterie en pierre, d’excellente qualité technique. La poterie en céramique, avec l’apparition du tour de potier, trouve plusieurs styles originaux, différents selon les régions, à décor peint ou à décor lissé, peigné ou incisé : sur la côte nord se développe le style de Vassiliki, du nom du village d’origine de ce style, aussi nommé style « flammé », obtenu par des techniques de cuisson particulières : des flammes sombres lèchent le fond clair de cruches à l’allure d’oiseaux avec un long bec en biseau, le versoir séparant les deux yeux. Sur la côte sud se développe un style agrémenté de hachures parallèles ou de croisillons, présent à Pyrgos, à Saint-Onuphre (Άγιος Ονούφριος), près de Faistos, dans l’ouest de la plaine de la Messara, ou à Koumassa (Κουμάσα), dans le sud de la plaine de la Messara. La poterie en pierre, fabriquée avec un grand savoir-faire, devient une spécialité de la Crète minoenne ; les minéraux utilisés sont l’albâtre, le tuf, la brèche ; la chlorite ou le schiste chloriteux servent à façonner des pyxides, souvent ornées de spirales incisées ou en relief. Ces poteries ont été découvertes dans des vestiges de sanctuaires, mais surtout dans des sépultures, qui présentent des formes très différentes selon les régions ; dans le nord on rencontre plutôt des tombes en forme de chambre rectangulaire, alors que dans le sud continuent de prédominer les grandes tombes collectives à tholos. Les sarcophages et les larnakes (au singulier larnax, λαρναξ) font leur apparition. Avec ces poteries ont été mis au jour des armes en bronze (dagues, lances, pointes de flèche, haches doubles …), des outils en bronze (couteaux, scies …), des pierres à sceau, des figurines en bronze, en os ou en pierre, des objets de toilette (pinces, curettes, rasoirs …), des objets de parure … Les pierres à sceau, façonnées dans de la pierre tendre ou de l’os, indiquent qu’une certaine forme d’administration commence à voir le jour ; les sceaux présentent une première forme d’écriture à base d’idéogrammes plutôt grossiers. Dans la troisième et dernière phase du minoen ancien, MA-III, la maîtrise de la métallurgie du bronze s’étend vers le centre de l’île ; l’embouchure du fleuve Kairatos, où se trouve le port de Knossos, se développe grâce à l’importation de l’étain en provenance de l’Europe de l’Ouest, via la Sicile, ou de l’Europe centrale, via les côtes de la mer Adriatique, et du commerce de l’or, de l’argent et des pierres dures avec les îles de la mer Égée. Des bâtiments importants, en brique crue sur soubassements de pierre, qui pouvaient être les demeures des chefs de village, suggèrent l’émergence d’une hiérarchie sociale dès le MA-III. Les découvertes archéologiques datant de la phase MA-III sont plutôt rares, mais les découvertes funéraires à Mochlos, dans la nécropole de Fourni près d’Archanès, ou dans la nécropole de Chryssolakkos à Malia, semblent confirmer l’existence d’une élite aristocratique dès cette époque. Le type de poterie le plus caractéristique de la phase MA-III est la céramique dite « blanche sur fond sombre », qui se présente sous des formes très variées (vase, cruche, aiguière, bol, « théière » …) et dont le décor est fait de dessins linéaires blancs se détachant sur un fond sombre ; ces dessins peuvent être de simples lignes, cercles ou spirales, ou des motifs géométriques complexes. Cette phase MA-III connaît, cependant, un ralentissement économique et une baisse marquée de la population ; quelques peuplements sont abandonnés ; les grandes demeures sont détruites par des incendies vers l’an 2200. La cause de ce phénomène de ralentissement n’est pas connue : catastrophe naturelle, guerre ou révolte sociale, mais il a été observé également dans le reste du monde égéen. L’époque pré-palatiale s’achève par une phase de renouveau économique et culturel, qui est désignée dans le découpage chronologique d’Evans comme la phase I-a du Minoen moyen, MM-I-a. Cette phase voit apparaître un premier système d’écriture à hiéroglyphe, dit écriture hiéroglyphique « A », comprenant 91 hiéroglyphes. |
| | | La Crète à l’époque minoenne post-palatiale | Époque post-palatiale : 1500-1100 avant JC- Minoen récent
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- Minoen récent MR-I-b : 1500-1450
- Minoen récent MR-II : 1450-1400
- Minoen récent MR-III-a : 1400-1350
- Minoen récent MR-III-b : 1350-1200
- Minoen récent MR-III-c : 1200-1100
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