 | Les villages d’Anopoli et de Loutro, le village et les gorges d’Aradaina, et le village d’Agios Ioannis dans les Sfakia en Crète |  |
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| | La communauté locale d’Agios Ioannis (Κοινότητα Αγίου Ιωάννου Χανίων) et la communauté locale d’Anopoli (Δημοτική Κοινότητα Ανωπόλεως) constituent le cœur de la région des Sfakia ; ces deux communautés s’étendent entre les gorges d’Éligias (φαράγγι Ελιγιάς), à l’ouest, et les gorges d’Ilingas (φαράγγι Ίλιγγας), à l’est. Ce territoire est essentiellement montagneux ; dans le nord se trouvent les plus hauts sommets des Montagnes Blanches, notamment le point culminant de ce massif montagneux, le mont Pachnès. La côte est presqu’entièrement rocheuse et escarpée, avec quelques petites plages, principalement au débouché des gorges, comme la plage de Marmara ou la plage de Glyka Nera. Entre les hauts sommets et la côte, on trouve de modestes plateaux, comme le plateau d’Anopoli, près du village d’Anopoli, et le plateau de Kroussia, au nord du village d’Agios Ioannis.
La communauté d’Agios Ioannis comprend aussi le village abandonné d’Aradaina d’où l’on peut accéder aux gorges d’Aradaina. La communauté d’Anopoli comprend aussi les villages côtiers de Lykos, de Finikas et de Loutro qui fut le principal port de la contrée des Sfakia. |
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| Sur la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis | | La route reliant Chora Sfakion à Agios Ioannis serait un tronçon d’une hypothétique route provinciale 31 (Επαρχιακή Οδός 31), censée relier Rodovani (Ροδοβάνι) de Sougia à Skaloti (Σκαλωτή), près de la bordure avec la province de Réthymnon ; entre Sougia et Agios Ioannis cette route provinciale n’a jamais été construite. Les transports depuis Chora Sfakion vers Sougia et l’extrême ouest de la Crète se font encore par mer, avec les transbordeurs de la compagnie Anendyk. À partir de Chora Sfakion la route provinciale suit la côte en direction de l’ouest, puis elle doit remonter la rive gauche des gorges d’Ilingas pour franchir le lit de la rivière Kavis par un pont moderne en béton ; la route redescend vers la côte qu’elle suit jusqu’à un virage en épingle à cheveux d’où part un sentier qui conduit à la plage la plus renommée des Sfakia, la plage de Glyka Néra. La route provinciale débute ensuite la montée, de 600 m de dénivelé, vers le plateau d’Anopoli, par une vingtaine d’impressionnants virages en épingle à cheveux, et sans beaucoup de glissières de sécurité ; la route atteint le plateau d’Anopoli qui apparaît, dans ce paysage aride, comme une oasis couverte d’oliviers et de cultures ; à l’arrière-plan apparaissent les versants boisés des Monts Blancs culminant au mont Pachnès, à 2 453 m ; on peut faire une pause dans une des tavernes d’Anopoli ou dans sa fameuse boulangerie. Après le village d’Anopoli, qui s’étire sur une longueur de 3 km, la route atteint les gorges d’Aradaina, que la route franchit par un viaduc métallique construit en 1986. Après le franchissement des gorges, la route provinciale arrive immédiatement au village d’Aradaina, un village abandonné mais qui mérite cependant une visite. Après le village d’Aradaina la route traverse les vestiges d’une importante forêt de cyprès et de pins qui fut le poumon économique de la contrée. Le village d’Agios Ioannis se trouve au cœur de cette forêt ; la localité est – provisoirement, depuis les années 1950 – le cul-de-sac de la route provinciale 31. | _small.jpg) |
| Randonnée de Chora Sfakion à Agia Rouméli | | Il existe deux itinéraires principaux pour découvrir à pied la région des Sfakia : un itinéraire côtier et un itinéraire par l’intérieur des terres ; à partir de ces itinéraires, une multitude de randonnées pédestres transversales sont possibles, notamment vers les sommets des Monts-Blancs. Dans ces terrains arides et rocailleux les randonnées peuvent se révéler plus difficile qu’il n’y paraît : le minimum est d’avoir de bonnes chaussures de marche et des vêtements protégeant du soleil, et de munir de beaucoup d’eau. L’itinéraire côtier de Chora Sfakion à Agia Rouméli est constitué par les sections 14, 13 et 12 du sentier européen de randonnée E4 ; le sentier est bien balisé, en jaune et noir, mais il est, par endroits, très étroit, accroché à la falaise, et, sur toute sa longueur, exposé au plein soleil. La première section de l’itinéraire, la section 14 du sentier E4, est considérée comme la plus facile ; elle permet de rejoindre, depuis Chora Sfakion, la station balnéaire de Loutro, qui n’est accessible qu’à pied ou par la mer. Environ 1 km après Chora Sfakion, cet itinéraire traverse les gorges d’Ilingas ; la remontée de ces gorges est possible mais présente des difficultés techniques pour des randonneurs ordinaires ; l’itinéraire continue vers l’ouest, sur un terrain plat, puis emprunte un sentier plus difficile le long des falaises (point 14.5), pour atteindre la plage d’Eau Douce (point 14.4), le cap Pounta (point 14.3) et les plages de Périvolakia (point 14.2), puis il atteint Loutro (point 14.1). Ce trajet, d’environ 8 km, peut se faire en 2 h. Depuis l’est de Loutro, un chemin muletier permet de grimper jusqu’au village d’Anopoli.
Après Loutro le sentier débute près de l’embarcadère et franchit l’isthme de la presqu’île de Mourès, qui abrite les ruines de la cité antique de Phénix, puis il atteint le hameau de Finikas (point 13.6), et ensuite le hameau de Lykos (point 13.5) ; depuis ces deux hameaux il est possible de remonter, par un sentier balisé en bleu, jusqu’au village de Livaniana, puis jusqu’au village d’Aradaina, à l’entrée des gorges d’Aradaina. Le sentier côtier continue vers l’ouest, jusqu’à la plage de Marmara (point 13.4) et la sortie des gorges d’Aradaina ; cette section est particulièrement difficile, avec un étroit sentier en corniche, à flanc de falaise, où il faut se servir de ses mains pour progresser. Depuis la plage de Marmara, on peut remonter les gorges d’Aradaina, mais il s’agit une randonnée à elle seule. À Marmara se trouve une taverne où l’on peut s’approvisionner avant d’affronter la suite du sentier.
Depuis Marmara le sentier grimpe sur l’escarpement puis en longe le rebord pendant près de 4 km et une bonne heure de marche, puis il arrive au droit de la chapelle Saint-Antoine (point 13.3) ; à cet endroit le sentier E4 est rejoint par un sentier descendant d’Agios Ioannis. Le sentier côtier continue jusqu’au cap Plaka (point 13.2) puis, 15 min plus tard, jusqu’à l’intéressante église Saint-Paul (point 13.1), qui est peut-être l’unique attraction culturelle de cet itinéraire. Il faut compter environ 2 h 30 min de marche depuis Marmara jusqu’à Agios Pavlos. À partir d’Agios Pavlos (point 12.3) le sentier atteint la sortie des gorges d’Élygia (point 12.2), puis le terme de la randonnée, Agia Rouméli (point 12.1), à la sortie des gorges de Samaria. Le trajet d’Agios Pavlos à Agia Rouméli prend environ 1 h.
La randonnée de Chora Sfakion à Agia Rouméli par l’intérieur des terres débute par l’ascension de la route provinciale de Chora Sfakion à Agios Ioannis jusqu’au village d’Anopoli ; les randonneurs doivent être prudents sur cette route en lacets sans glissières de sécurité ; le dénivelé positif est d’environ 600 m pour une distance de 10 km. À Anopoli on trouve des tavernes propices à une halte et à du ravitaillement. Depuis Anopoli d’autres randonnées sont possibles, notamment vers le mont Pachnès (2 543 m), via le mont Mavra Gremna puis le plateau de Roussiès, vers le mont Trocharís ou vers le mont Zaranokéfala. Un sentier muletier permet aussi de redescendre vers la côte jusqu’au port de Loutro. Une fois arrivé sur le plateau d’Anopoli le parcours est à peu près horizontal jusqu’aux gorges d’Aradaina que l’on franchit par un viaduc qui surplombe les gorges de 138 m. On peut prendre une demi-heure pour visiter le village abandonné d’Aradaina. On peut redescendre vers la côte par les gorges d’Aradaina, jusqu’à la plage de Marmara ; si on est rebuté par la difficulté des gorges, on peut redescendre par le village de Livaniana, vers les hameaux côtiers de Lykos et de Finikas. La randonnée vers Agia Rouméli continue par la route provinciale jusqu’au village d’Agios Ioannis, que l’on atteint en 1 h 30 min pour 5 km de marche. Le village dispose d’hébergements convenables. Depuis Agios Ioannis une randonnée est possible jusqu’à la grotte de Kormokopos, à travers la forêt de cyprès et de pins. La route provinciale s’interrompt brutalement à Agios Ioannis ; pour continuer la randonnée vers Agia Rouméli, il faut emprunter un chemin muletier qui descend vers la côte et rejoint le sentier côtier E4 pas très loin de l’église Saint-Paul ; le trajet prend environ 3 h. Il est possible de prendre un transbordeur, en fin d’après-midi, pour revenir d’Agia Rouméli à Chora Sfakion. |
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| | La plage d’Eau Douce (παραλία Γλυκά Νερά / paralía Glyká Nerá) | L’attraction touristique suivante que l’on rencontre sur la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis est la plage d’« Eau Douce » ; environ 800 m après les gorges d’Ilingas, au premier virage en épingle à cheveux suivant, se trouve l’accès à cette plage ; il est possible de garer son automobile dans les environs du virage, mais il n’y a que quelques places. Il faut ensuite emprunter un sentier pédestre, indiqué par un panneau de direction « Sweet Water », sentier tortueux, caillouteux et vertigineux par endroits, d’environ 1 km de longueur, pour atteindre la plage de Glyka Néra ; ce sentier fait partie du sentier européen de randonnée E4. Depuis la station balnéaire de Loutro, il est possible d’emprunter ce même sentier E4 en direction de Chora Sfakion ; le sentier débute près de l’hôtel nommé Oasis, dans l’est du village ; le trajet a environ 3 km de longueur mais est moins difficile, mais tout aussi exposé au soleil ; il faut compter environ 45 min de marche depuis Loutro, via les plages de Périvolakia. Les plus fainéants peuvent prendre un bateau-taxi depuis le port de plaisance de Chora Sfakion ou depuis l’embarcadère de Loutro.Aller à la plage de Gkyka Nera avec Google Maps (35.200873, 24.106050). Le nom de la plage de Glyka Néra (Γλυκά Νερά) signifie « eau douce », car des sources d’eau douce et fraîche sourdent sur la plage, notamment dans l’ouest de la plage ; un divertissement des vacanciers est de creuser des trous dans le gravier de la plage pour atteindre l’eau sous-jacente ; cette eau, qui descend de la montagne par des cours d’eau souterrains, est normalement potable. Cette eau, plutôt froide, rafraîchit l’eau de la mer.
La plage de Glyka Néra est une plage de gravier et de galets, d’environ 350 m de longueur et d’une largeur allant de 10 m à 20 m. Elle est adossée à des escarpements rocheux de calcaire en plaques coloré d’ocre, en forme de théâtre antique, qui réverbèrent la lumière et la chaleur et qui protègent la plage des vents de l’ouest et du nord ; dans ce four solaire naturel, les amateurs de bronzage peuvent griller facilement. Un bosquet de tamaris peut dispenser un peu d’ombre quand la chaleur devient trop intense, mais des campeurs à long terme y sont souvent installés. Dans l’ouest de la plage se trouve une buvette, un peu disgracieuse, construite sur un bloc de béton coulé sur quelques rochers et accessible par une passerelle grossière ; cette buvette sert aussi de débarcadère pour les bateaux-taxis qui desservent la plage de Gkyka Néra. Les tenanciers de la buvette louent aussi des chaises longues et des parasols. |
| Le village d’Anopoli (Ανώπολη / Anópoli) | Anopoli est un village de basse montagne situé dans la région des Sfakia, au piedmont sud des Montagnes Blanches (Λευκά Όρη) ; le village est constitué d’une dizaine de hameaux dispersés sur un plateau, situé entre 580 m et 630 m d’altitude, niché au milieu de montagnes arides. Le plateau d’Anopoli (οροπέδιο Ανώπολης) est un plateau fertile qui s’étend sur une superficie d’environ 300 ha ; sur ce plateau sont pratiqués la culture de l’olivier, de la vigne et de plantes maraîchères, et l’élevage de brebis et de chèvres. La fête de la graviéra (γραβιέρα), un fromage du type du gruyère mais fait à partir de lait de brebis, a lieu à la fin de l’été, vers le 20 août. Le milieu du village se trouve à environ 12 km à l’ouest-nord-ouest de Chora Sfakion, sur la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis ; depuis Chora Sfakion on accède au plateau d’Anopoli par une route très escarpée et sinueuse, parsemée de virages en épingle à cheveux, spectaculaire et impressionnante. À l’ouest d’Anopoli la route atteint les gorges d’Aradaina, que l’on franchit par un viaduc, puis le village abandonné d’Aradaina.
Le toponyme « ανώπολη » signifie « la ville d’en haut », du mot « άνω », « en haut, au-dessus », synonyme de « πάνω » et de « επάνω », et du mot « πόλις, au pluriel πόλεις », qui signifie « cité, ville ». Il s’agit d’un toponyme plutôt commun ; on trouve notamment un autre village nommé « Anopoli » près de Gournès, à une dizaine de kilomètres à l’est d’Héraklion. On peut préciser « Anopoli des Sfakia » (Ανώπολη Σφακίων). Le nom officiel de la localité est « Anopolis » (Ανώπολις), qui était le nom de la cité antique occupant cet emplacement. Le village d’Anopoli compte une population d’environ 250 habitants. La localité est le chef-lieu d’une communauté locale (Κοινότητα Ανωπόλεως) du dème des Sfakia, communauté qui comprend aussi les localités de Livaniana (Λιβανιανά), de Lykos (Λύκος), de Finikas (Φοίνικας) et de Loutro (Λουτρό). La cité antique d’Anopolis (Ἀνώπολις) se trouvait en contrehaut du village présent d’Anopoli, environ 100 m plus haut, au bord de la falaise surplombant le port antique de Phénix. Les ruines de la cité antique, réduites aux fondations des murs, se devinent encore à l’ouest de l’église Sainte-Catherine, située au sud du village présent. Près de l’église se trouve encore, de nos jours, le début du chemin muletier, le « kaldérimi » (καλντερίμι), qui devait déjà relier, dans l’Antiquité, la cité à son port, situé 600 m plus bas. Durant les époques hellénistique et romaine, Anopolis connut une certaine prospérité et frappait sa propre monnaie ; les pièces de monnaie présentaient à l’avers une tête imberbe, vraisemblablement celle d’Apollon, et au revers les lettres AN et Ω, mais il existait diverses variantes, par exemple avec seulement AN d’un côté et Ω de l’autre. Anopolis était l’une des trente cités crétoises qui s’étaient alliées au roi Eumène II de Pergame en 183 avant JC. Les ruines de la grande muraille, du IIIe siècle avant JC, de la cité antique, des vestiges d’habitations, les fondations d’un temple romain et des tombes romaines dans la nécropole sont les seuls témoins de l’ancienne cité.
Aller aux ruines de la cité antique d’Anopolis avec Google Maps (35.213644, 24.083651). | _small.jpg) | | Sous l’occupation ottomane, Anopoli fut le centre du premier soulèvement majeur contre les Turcs, en 1770, car le principal protagoniste de ce soulèvement était originaire d’Anopoli, l’armateur Ioannis Vlachos (Ιωάννης Βλάχος), retenu par l’histoire sous son surnom de Daskalogiannis (Δασκαλογιάννης), c’est-à-dire « Maître Jean », dont la fin fut tragique ; on peut voir son buste sur le rond-point de la place du village ; au terme du soulèvement, Anopoli fut détruit, notamment la riche demeure de Daskalogiannis dont les ruines se trouvent dans le quartier de Kampos. Anopoli participa aussi aux soulèvements de 1821 et de 1866 et fut tout aussi durement réprimé. Les Turcs ne s’installèrent jamais dans la région d’Anopoli. Anopoli est un paisible village composé de dix hameaux disséminés sur le plateau, hameaux qui ont chacun leur église et leur cimetière : Kampos (Κάμπος) au centre, Gyros (Γύρος) dans le sud-ouest, Asès (Άσες), Rizès Kampia (Ρίζες Καμπιά) dans le sud, Marana (Μαρανά), Skala (Σκάλα), Pavliana (Παυλιανά) dans le nord-est, Limnia (Λιμνιά) dans le nord, Agios Dimitrios (Άγιος Δημήτριος) dans l’ouest et Vardiana (Βαρδιανά). À la périphérie de la localité s’étendent les nombreuses ruines du bourg important que fut Anopoli.
À l’ouest du village, près des gorges d’Aradaina, on peut voir les ruines d’un château ottoman (κουλές Ανώπολης) ; « koulès » est un mot grec qui provient du turc « kule », qui signifie « tour ».
Aller au château turc d’Anopoli avec Google Maps (35.224184, 24.071950). Au sud du village présent d’Anopoli, à l’emplacement de la cité antique d’Anopolis, sur la petite colline Sainte-Catherine (λόφος της Αγίας Αικατερίνης) qui se dresse au bord de la falaise, à environ 687 m d’altitude, se trouve une petite église, l’église Sainte-Catherine (Αγία Αικατερίνη), qui présente un aspect fortifié. La raison en est que l’église fut construite à l’intérieur d’une ancienne tour ottomane ; cette tour, construite en 1868 sur le rebord de la falaise, avait vraisemblablement pour fonction de relayer les alertes transmises par la tour de guet située sur la presqu’île de Loutro. Le lieu offre une vue époustouflante sur la côte des Sfakia et, au nord, sur les Monts Blancs. De l’église d’Agia Aikaterini part le chemin muletier en zigzag qui descend jusqu’au port de Loutro.
Aller au chemin muletier d’Anopoli à Loutro avec Google Maps (35.208748, 24.085643). |
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| Le village de Loutro (Λουτρό / Loutró) | Loutro est un petit port de la côte sud-ouest de la Crète, dans la région des Sfakia, qui fut autrefois un port marchand et un port de pêche plutôt important, en tant que port de l’ancien chef-lieu de la contrée, le bourg d’Anopoli, ainsi que celui du village d’Aradaina. Depuis les années 1970 Loutro est devenu principalement une petite station balnéaire, qui a la particularité ne n’être pas reliée par la route au reste de l’île ; les vacanciers accèdent à Loutro par les nombreux transbordeurs qui relient le port à Chora Sfakion et à d’autres ports de la côte sud-ouest.Le toponyme « λουτρό, au pluriel λουτρά » signifie « bain » car la localité possédait, dans l’Antiquité, des thermes alimentés par une source dont l’eau était acheminée depuis le village d’Anopolis ; le toponyme Loutro ou Loutra est plutôt commun en Crète et l’on peut préciser Loutro des Sfakia (Λουτρού Σφακίων). Le nom officiel de la localité est Loutron (Λουτρόν) qui a la même signification en grec ancien. Les vestiges des bains sont encore visibles de nos jours. Le port de Loutro est un port naturel niché au fond d’une baie, la baie de Loutro (όρμος Λουτρό), délimitée à l’ouest par le cap Mouri (ακρωτήριο Μουρί) et à l’est par le cap Pounta ou cap Pounda (άκρα Πούντα) ; la baie atteint une profondeur de près de 30 brasses au milieu et de 4 brasses à l’endroit de l’embarcadère du port, soit près de 4 m ; cette profondeur devait être encore plus grande, d’environ 2 brasses, dans l’Antiquité car la côte s’est rehaussée de cette hauteur depuis cette époque. Dans le sud-ouest de la baie, le port est protégé de la houle par un îlot nommé Fanari (νησίδα Φανάρι), c’est-à-dire « la lanterne, le fanal ».
Le port de Loutro se trouve à environ 5 km à l’ouest, à vol de corbeau, du chef-lieu du dème, Chora Sfakion, mais aucune route à revêtement ne relie Loutro à Chora Sfakion, car le village est entouré de montagnes escarpées. Depuis Chora Sfakion partent les transbordeurs qui desservent Loutro et la côte sud-ouest de la Crète plusieurs fois par jour. Il faut compter moins d’une demi-heure de navigation pour atteindre Loutro ; certains transbordeurs réservés aux piétons sont plus rapides. En été, on peut aussi emprunter des bateaux-taxis depuis le port de plaisance de Chora Sfakion.
La section 14 du sentier européen de randonnée E4 relie Chora Sfakion à Loutro, via la plage d’Eau Douce ; il faut compter environ 2 h de marche pour parcourir les 7 km depuis Chora Sfakion par ce sentier côtier, hors de toute circulation automobile. Il y a aussi un chemin muletier, escarpé et sinueux, qui grimpe depuis Loutro jusqu’au village d’Anopoli, à près de 600 m d’altitude ; la montée prend environ 2 h. Aller au chemin muletier de Loutro à Anopoli avec Google Maps (35.208742, 24.085655). | _small.jpg) | | La localité de Loutro compte une cinquantaine d’habitants permanents et fait partie de la communauté locale d’Anopolis des Sfakia (Κοινότητα Ανωπόλεως Σφακίων), dans le dème des Sfakia. Loutro n’était pas mentionné dans les recensements vénitiens ; la localité apparaît sous le nom de Porto Lutrò sur la carte de Francesco Basilicata de 1618, avec un seul bâtiment, qui paraît être une église, et aucune habitation ; cette carte présente, par ailleurs, une topographie très peu réaliste de la contrée, ce qui confirme que les Vénitiens ne contrôlaient pas vraiment cette contrée. Sous l’occupation ottomane de la Crète, le caractère difficile d’accès de la localité a sans doute joué un rôle décisif dans le choix de Loutro pour y fonder, le 21 mai 1821, la « Chancellerie des Sfakia » (Καγκελαρίας των Σφακίων), chargée de diriger le soulèvement crétois de 1821.
De nos jours, la station balnéaire de Loutro se présente sous la forme d’un théâtre antique dont la baie serait la scène ; le long du rivage, à l’arrière de la modeste plage de galets, s’étend la rue principale, avec ses quelques hôtels, ses chambres d’hôte, aux volets uniformément bleus, et ses excellentes tavernes. Sur cette étroite promenade de front de mer, comme dans les ruelles qui escaladent le versant de la montagne, aucun véhicule à moteur ne circule. Cette absence de circulation donne à la station balnéaire de Loutro un charme incomparable, dont la tranquillité n’est troublée que par l’arrivée des premiers transbordeurs, en fin de matinée, jusqu’au départ des derniers transbordeurs, en fin d’après-midi ; en début de journée et en fin de soirée, il règne à Loutro une quiétude absolue.
Il n’y a pas d’animation à Loutro et, d’ailleurs, les vacanciers ne vienne pas à Loutro pour l’animation, mais pour le repos, la détente et le bronzage ; cependant, la plage de Loutro elle-même (παραλία Λουτρού) n’est pas très attrayante, d’une centaine de mètres de longueur et plutôt étroite, faite de gravier et de galets, mais elle est bien protégée des vents ; l’eau y est rafraîchie par les sources sous-marines d’eau froide descendant des montagnes par des cours d’eau souterrains. Cette plage est densément couverte de chaises longues et de parasols, loués plutôt cher par les taverniers ; elle est rapidement bondée. À noter que le bronzage seins nus y est strictement interdit, et, à plus forte raison, le nudisme. Pour les nudistes impénitents il est possible de se rendre sur de petites plages situées à l’est de Loutro, au bout du cap Pounta ; on peut s’y rendre soit à pied, par le sentier de randonnée E4, soit en louant un canoë ou un pédalo sur la plage de Loutro. Les deux premières de ces plages sont nommées Périvolakia (Περιβολάκια), la première, minuscule, longue de 50 m, est Mikro Périvolaki (Μικρό Περιβολάκι), la seconde est Mégalo Périvolaki (Μεγάλο Περιβολάκι) ; le mot « périvolaki » (περιβολάκι, au pluriel περιβολάκια), diminutif de « περιβόλι », désigne littéralement de petits jardins clos, très improbables dans ces lieux. La troisième plage est la plage de Timios Stavros (Τίμιος Σταυρός), au pied de la chapelle de la Sainte-Croix, nommée Santa Croce sur les cartes vénitiennes ; il faut compter environ 2 km, soit environ 45 min de marche, pour atteindre ces plages par le sentier côtier. La plus appréciée des plages sauvages est la plage d’Eau Douce (παραλία Γλυκά Νερά), située encore plus loin à l’est ; à l’ouest, la plage de Marmara est également très appréciée. Aller au cap Pounta avec Google Maps (35.198446, 24.099398). | _small.jpg) | | La station balnéaire de Loutro est aussi une bonne base pour effectuer des randonnées dans la région des Sfakia. Une courte promenade, pour débuter, peut être la découverte de la presqu’île de Mouri qui conserve quelques ruines de l’antique cité de Phénix, une ancienne forteresse turque, une tour de deux niveaux qui pourrait être antérieure à l’époque vénitienne, une chapelle rupestre dédiée à saint Pantaléon et à saint Antoine (Άγιος Παντελεήμονας και Άγιος Αντώνιος), ainsi que la petite église du cimetière, dédiée à saint Charalampe (Άγιος Χαράλαμπος). Pour accéder à la presqu’île il faut emprunter le sentier de randonnée E4 qui prend sur la gauche juste après le débarcadère des transbordeurs. D’autres randonnées, plus éprouvantes, peuvent conduire jusqu’au village d’Anopoli, au village d’Aradaina, aux gorges d’Aradaina, à la plage de Marmara, à Agia Rouméli, en passant par l’église d’Agios Pavlos sur la côte d’Agios Ioannis. |
| La cité antique de Phénix (Φοίνιξ / Foínix) | Dans l’Antiquité grecque et romaine une importante cité portuaire se trouvait à l’emplacement occupé de nos jours par le village de Loutro ; cette cité, nommée Phénix (Φοίνιξ), était le port des cités antiques d’Anopolis (Ανώπολις) et d’Araden (Αραδήν).La cité devait vraisemblablement son nom au nom du palmier en grec ancien « φοῖνιξ », « φοίνικας » en grec moderne ; cependant la topographie des environs de Loutro n’est pas très propice aux développements d’une palmeraie ; on trouve encore de nos jours, dans d’autres régions de Crète, des populations de palmiers indigènes, le palmier de Crète (Phoenix theophrasti) mais ces palmeraies se trouvent généralement à l’arrière de grandes plages ou dans des embouchures de gorges. À l’époque romaine la cité portuaire était nommée « Phoenix » ; Phénix fut aussi nommée Katopolis (Κατώπολη), par opposition avec la ville haute d’Anopolis. Une autre cité antique crétoise de la côte sud était nommée « Phénix » ; elle se trouvait dans les environs de la station balnéaire présente de Plakias, à environ 25 km à l’est, et était le port sur la côte sud de la cité antique de Lappa, qui disposait aussi d’un port sur la côte nord, près de Georgioupoli. Selon le « Stadiasmus Maris Magni », portulan du IIIe siècle, Phénix était situé à 45 stades, soit environ 8,6 km, à l’est du port de Tarrha (Τάρρα), qui se trouvait à la sortie des gorges de Samaria, à l’emplacement du village présent d’Agia Rouméli. Dans l’Antiquité, la côte était environ 4 m plus bas, et l’emplacement du village présent de Loutro était vraisemblablement sous les eaux et les installations portuaires antiques devaient s’y trouver. La cité antique de Phénix était construite sur la presqu’île de Mouri qui sépare la baie de Loutro (όρμος Λουτρό) de la baie de Finikas (όρμος Φοίνικα) ; à l’extrémité de la presqu’île se trouve une pointe, nommée le cap Mouri (ακρωτήριο Μουρί) ou le cap Mourès (ακρωτήριο Μούρες), c’est-à-dire le cap du Nez ou le cap des Nez. Le mot « μούρη, au pluriel μούρες », de l’italien « murro, au pluriel murri », du latin « murrum, au pluriel murra », désigne le nez, le museau d’un animal.
La cité de Phénix connut l’apogée de sa prospérité aux époques hellénistique et romaine, grâce au commerce maritime. Son port était réputé comme le meilleur port de la côte sud de la Crète, où les marins cherchaient refuge en cas de tempête ; ce port était abrité des vents d’ouest, du nord-ouest et du nord, et sa baie était profonde d’environ onze brasses. Cependant les liaisons du port avec l’intérieur des terres étaient rudimentaires, comme elles le sont encore de nos jours. La cité de Phénix est mentionnée dans les « Actes des Apôtres » (Πράξεις Ἀποστόλων, Acta Apostolorum), au verset 12 du chapitre XXVII, texte écrit vers la fin du Ier siècle et attribué à l’évangéliste Luc ; en l’an 60, le navire marchand transportant jusqu’à Rome l’apôtre Paul, prisonnier sous la garde d’un centurion romain, s’était réfugié dans le port de Kali Liménès, sur la côte sud-est de la Crète ; après plusieurs semaines, Kali Liménès n’étant pas propice à un hivernage, le capitaine du navire et le centurion décidèrent d’aller hiverner à Phénix. Cependant, une nouvelle tempête, soufflant du nord-est, empêcha le navire d’atteindre Phénix et l’emporta vers l’ouest où il accosta sur une île qui n’est pas identifiée avec certitude. Vers la fin de la première époque byzantine, le commerce maritime céda la place à la piraterie. Après leur prise de possession de la Crète au début du XIIIe siècle, les Vénitiens rétablirent l’ordre et construisirent un fort sur la presqu’île, fort dont il ne reste que des ruines. Dans son ouvrage de 1417 « Descriptio Insulae Cretae », le moine florentin Cristoforo Buondelmonti mentionne que, lors de son passage à Porto Lutrò en 1415, les ruines de la ville antique étaient encore visibles et que divers éléments architecturaux avaient été remployés par les habitants comme matériaux de construction. Le château construit en 1868 par les Ottomans est, en revanche, encore visible.
On peut voir quelques vestiges de la cité antique dans le coin sud-est de la presqu’île : les ruines d’un temple dédié à Apollon, de bains, d’habitations, de citernes et de remparts, ainsi que d’anciennes tombes ; pour y accéder, il faut emprunter le sentier européen de randonnée E4 en direction de Finikas, sentier qui traverse l’isthme de la presqu’île, puis bifurquer à gauche vers le sud-est de la presqu’île aux environs des ruines du château turc. L’endroit offre aussi une belle vue sur Loutro et sur sa baie.
Aller aux ruines de Phénix avec Google Maps (35.195211, 24.078132). |
| Le village de Finikas (Φοίνικας / Foínikas) | Finikas est un hameau côtier, d’une dizaine d’habitants, situé au fond d’une crique de la baie de Finikas (όρμος Φοίνικα) sur la côte sud-ouest de la Crète ; la baie de Finikas se trouve, à vol de corbeau, à environ 600 m à l’ouest de la baie de Loutro ; ces deux baies sont séparées par une presqu’île, la presqu’île de Mouri, dont la pointe est le cap Mouri (ακρωτήριο Μουρί) ou cap Mourès (ακρωτήριο Μούρες), sur laquelle se trouvait la cité antique de Phénix (Φοίνιξ). Le village de Finikas (Φοίνικας) a emprunté son nom à cette cité antique. Cependant le port antique de Phénix se trouvait dans la baie présente de Loutro, car la crique de Finikas est trop exigüe pour abriter un port même en tenant compte du fait que la côte était plusieurs mètres plus bas dans l’Antiquité ; la crique de Finikas a une profondeur de fond d’environ 3 brasses, soit environ 5,4 m.
Dans la baie de Finikas se trouve une autre crique, la crique de Lykos, qui abrite quelques habitations et une plage ; ces deux criques sont séparées par un imposant promontoire rocheux. On peut accéder en automobile à ces deux criques en empruntant la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis, et en bifurquant à gauche vers la localité de Livadiana, après Anopoli et peu avant d’atteindre le viaduc d’Aradaina ; cette petite route descend de façon vertigineuse jusqu’à Finikas et Lykos. On peut aussi venir à Finikas en bateau-taxi, notamment les bateaux-taxis qui relient Loutro à la plage de Marmara qui font parfois des haltes à Finikas pour livrer des marchandises ; la localité dispose en effet d’un petit embarcadère. Une autre possibilité est de venir à Finikas à pied, en suivant le sentier européen de randonnée E4 depuis Loutro ; le trajet prend environ 15 min de marche.
Finikas dispose d’une minuscule plage (παραλία Φοίνικα), d’une quarantaine de mètres de longueur, faite de galets et de gravier, mais équipée de chaises longues et de parasols par les taverniers. On trouve aussi dans le hameau quelques tavernes et hébergements de bonne qualité, pour un séjour paisible et reposant. |
| La plage de Lykos (παραλία Λύκο / paralía Lýko) | | La plage de Lykos est une petite plage située dans la baie de Finikas, au fond d’une crique qui se trouve à environ 500 m à l’ouest de la crique de Finikas ; les deux criques sont séparées par un petit promontoire où a été construit l’embarcadère du petit port de Finikas. La localité de Lykos compte une population d’une vingtaine d’habitants. Le toponyme de la plage de Lykos signifie littéralement « la plage du Loup » (λύκος), mais, pas de panique, on n’y a pas vu de loup depuis lundi dernier … On peut accéder à la plage de Lykos, en automobile, par une petite route à revêtement en béton qui prend sur la gauche de la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis un peu avant le viaduc d’Aradaina ; cette petite route escarpée descend par des virages en épingles à cheveux vers Livaniana puis dessert Finikas et Lykos. On peut préférer venir à Lykos par bateau-taxi depuis Loutro, ou, à pied, par le sentier de randonnée E4.
La plage de Lykos est une plage sauvage de galets et de gravier, d’environ 300 m de longueur, mais espacée de zones rocheuses ; la plage est ombragée à certains endroits par quelques tamaris et la tranquillité est assurée. À l’arrière de la plage se trouvent deux tavernes. |
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| Le viaduc Vardinogiannis (γέφυρα Βαρδινογιάννη / géfyra Vardinogiánni) | Le viaduc Vardinogiannis est un pont qui franchit les gorges d’Aradaina sur la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis, à environ 15 km à l’ouest de Chora Sfakion et à 5 km à l’est d’Agios Ioannis.Le viaduc Vardinogiannis doit son nom à une famille grecque richissime, originaire de Crète, dont un aïeul était originaire du village d’Agios Ioannis où cette famille avait une longue tradition de capitaines de marine. Dans les années 1980, la famille Vardinogiannis (Βαρδινογιάννης) accepta de financer la construction d’un pont afin de désenclaver le village d’Agios Ioannis ; le village d’Aradaina était, quant à lui, déjà largement dépeuplé depuis les années 1950. La construction du viaduc, à charpente métallique, s’effectua en 1985 et en 1986 ; le viaduc Vardinogiannis fut inauguré le 28 décembre 1986. La construction d’un pont était souhaitée depuis de nombreuses décennies par les populations d’Aradaina et d’Agios Ioannis, car, avant l’existence du pont, ces populations devaient emprunter un sentier muletier pour descendre au fond des gorges puis en remonter, afin de se rendre à Anopoli ; pendant plus de deux millénaires, ce chemin muletier fut le seul moyen de traverser les gorges. Ce sentier muletier est nommé « kaldérimi » (καλντερίμι, au pluriel καλντερίμια), du mot turc « kaldırım » qui désigne une rue pavée en ville ou une route pavée dans la campagne ; le mot turc est lui-même vraisemblablement issu des mots grecs « καλός » et « δρόμος » signifiant « bonne route ». Le sentier muletier, construit en zigzag sur des murs de soutènement, est encore utilisé de nos jours par les randonneurs pour descendre ou remonter des gorges d’Aradaina ; il se trouve à environ 400 m en amont du viaduc.
Le viaduc d’Aradaina (γέφυρα της Αράδαινας) est une construction en poutres de fer, à une seule travée de 70 m de longueur ; la chaussée est constituée de traverses de bois, d’environ 4 m de largeur, permettant le croisement d’automobiles de tourisme. Le passage de véhicules produit un son caractéristique, de claquement des planches de bois contre la structure métallique, qui résonne dans les gorges. Le viaduc Vardinogiannis surplombe le fond des gorges d’Aradaina d’une hauteur de 138 m et offre des vues saisissantes aussi bien vers l’amont des gorges que vers l’aval, sur plus d’1 km de distance.
Une petite plateforme de saut à l’élastique a été construite, au milieu du pont, du côté aval des gorges ; pendant la saison touristique, les amateurs d’adrénaline peuvent réserver leur plongée dans le vide auprès de Liquid Bungy. | _small.jpg) |
| Le village abandonné d’Aradaina (Αράδαινα / Arádaina) | Le village d’Aradaina est un village quasiment abandonné qui ne compte plus, de nos jours, que quelques habitants ; la raison de cet abandon serait une vendetta qui causa la mort de nombre d’habitants et la fuite des autres, dans les années 1950.La localité est pourtant l’emplacement d’une cité antique remontant au moins à l’époque grecque hellénistique, nommée Aradin (Αραδήν) ou Iradin (Ηραδήν), d’où provient le nom présent d’Aradaina (Αράδαινα) ou Aradéna (Αράδενα), parfois nommée en français Aradène. Aradaina est encore recensée comme une localité faisant partie de la communauté locale d’Agios Ioannis (Κοινότητα Αγίου Ιωάννου) dans le dème des Sfakia, communauté locale qui ne compte qu’une trentaine d’habitants. Aradéna se trouve à environ 15 km à l’ouest du bourg de Chora Sfakion, le chef-lieu du dème. Le village se trouve sur les contreforts sud du massif des Montagnes Blanches, à une altitude allant d’environ 520 m à 580 m, à l’ouest des gorges d’Aradéna qui séparent Aradéna du village d’Anopoli, distant d’environ 3,5 km à l’est. Pendant la saison touristique, Aradéna est relié à Chora Sfakion par un autocar une fois par jour.
La cité antique était nommée Aradin (Αραδήν) par Étienne de Byzance au Ve siècle, mais Étienne de Byzance considérait qu’Aradin et Anopolis étaient la même cité. Cependant, les deux cités figurent séparément parmi les trente cités crétoises qui signèrent un traité d’alliance avec le roi de Pergame Eumène II Sôter (Ευμένης Β΄ ο Σωτήρ), en 183 avant JC, à l’époque hellénistique ; le texte de ce traité a été découvert par l’archéologue italien Federico Halbherr dans la Bibliothèque Pythienne de Gortyne. Dans le sud du village d’Aradaina, au lieu-dit Passopétra (Πασσόπετρα), on peut voir des vestiges de bâtiments et de remparts de la cité antique, ainsi que des murs modernes construits avec des matériaux anciens. Près d’Aradaina, sur la route qui y mène depuis Agia Rouméli, se trouve un lieu-dit nommé Xénotaphi (Ξενοτάφι), où l’on peut encore voir la nécropole de la cité antique. Le port de Phénix (Φοίνιξ), de nos jours Loutro, était le port des deux cités d’Aradin et d’Anopolis. Le village d’Aradaina existait encore à l’époque byzantine, comme en témoigne Hiéroclès (Ιεροκλής), géographe byzantin du VIe siècle, qui mentionne la localité comme l’une des neuf cent douze villes de l’Empire ; il est possible que la localité ait été habitée sans interruption durant la première époque et la seconde époque byzantines, comme l’attestent les documents relatifs à la répartition des terres entre les douze aristocrates. À la fin du soulèvement de Daskalogiannis, en 1770, le village fut détruit par les Turcs en même temps que le village d’Anopoli qui était le centre du soulèvement. Le village d’Aradaina, autrefois important, aurait été déserté, en 1952, suite à une vendetta acharnée concernant la propriété d’une cloche à moutons … Depuis la construction du viaduc quelques personnes sont venues d’installer dans le village déserté. | _small.jpg) | | Un des derniers bâtiments qui subsistent, à Aradaina, est une église en forme de croix inscrite, datant du début du XIVe siècle, l’église Saint-Michel Archange (Αρχάγγελος Μιχαήλ) ; cette église a été édifiée à l’emplacement de la nef centrale d’une basilique paléochrétienne. Au-dessus de la croisée du transept se dresse un curieux dôme en forme de poivrière. L’intérieur de l’église conserve des fresques en mauvais état représentant la vie et la crucifixion du Christ, ainsi que le saint patron de l’église. Si l’église n’est pas fermée il est conseillé de se munir d’une lampe torche ; si elle est fermée, on peut tenter de se procurer la clé auprès d’une taverne d’Anopoli. | _small.jpg) |
| Les gorges d’Aradaina (φαράγγι Αραδαίνας / farángi Aradaínas) | Les gorges d’Aradaina font partie des trois plus célèbres gorges de la région des Sfakia accessibles au public sans équipements ni savoir-faire particuliers, avec les gorges de Samaria et les gorges d’Imbros ; ces trois gorges sont d’un attrait touristique à peu près équivalent, mais les gorges d’Aradaina sont peut-être les plus difficiles à parcourir, avant les gorges de Samaria et les gorges d’Imbros. Les gorges d’Aradaina, d’Aradéna ou d’Aradène doivent leur nom au village d’Aradaina qui marque le milieu de ces gorges ; le nom du village provient du nom de la cité antique d’Aradin (Αραδήν) située à cet emplacement, un peu à l’ouest des gorges. Les gorges d’Aradaina séparent le plateau cultivé d’Anopoli du plateau boisé d’Aradaina ; le village d’Anopoli est à environ 3,5 km à l’est des gorges.
Le cours d’eau qui a creusé les gorges d’Aradaina provient de ruisseaux qui drainent les versants sud des monts Mavri Kéfala (Μαύρη Κεφάλα) (1 649 m) et la rivière souterraine de la grotte de Drakolaki (σπήλαιο Δρακολάκι), vers 1 200 m d’altitude, Exo Kampous (Έξω Κάμπους), Mavra Gremna (Μαύρα Γκρεμνά) (1 751 m) (« les falaises noires »), Kédrokéfala (Κεδροκεφάλα) (1 719 m), Xylokéfala (Ξυλοκεφάλα) (1 337 m), plusieurs kilomètres en amont du village d’Aradaina. La longueur totale des gorges d’Aradaina est d’environ 15 km.
La descente des gorges débute près du village d’Aradaina, à environ 497 m d’altitude, à environ 80 m en contrebas du village ; si l’on a stationné son véhicule après le viaduc (point n° 1 sur la carte), il faut traverser le village abandonné en suivant le rebord des gorges vers le nord jusqu’à atteindre l’ancien sentier muletier qui permettait de franchir les gorges avant la construction du viaduc.
Sinon, on peut se garer environ 700 m avant le viaduc et emprunter le sentier, à droite, qui conduit à la partie orientale du sentier muletier (point n° 2 sur la carte) pour descendre au fond des gorges. Le sentier muletier est construit, en zigzag, sur des murs de soutènement ; sa partie orientale est plutôt en meilleur état que sa partie occidentale du côté du village.
La randonnée des gorges d’Aradaina est balisée en rectangles de couleurs rouge et vert ; il est important d’être attentif à ce balisage, parfois déroutant, pour éviter les voies sans issue. Aller à l’entrée des gorges d’Aradaina avec Google Maps (35.225214, 24.065490). | _small.jpg) | | Le sentier des gorges d’Aradaina débute par une partie plate et en pente modérée, d’environ 800 m de longueur, sur la gauche du lit du ruisseau qui est généralement à sec ; cette section passe sous le viaduc d’Aradaina, situé 138 m plus haut. | _small.jpg) | Le sentier atteint ensuite un obstacle causé par deux énormes rochers qui ont obstrué le fond des gorges sur une dizaine de mètres (point n° 3 sur la carte). Jusqu’en 2019 il n’était possible de franchir cet obstacle qu’en escaladant des échelles métalliques fixées aux rochers. En 2019 un étroit sentier de contournement a été créé sur le versant occidental des gorges ; cet étroit sentier débute à droite, environ 100 m avant l’obstruction. Pour les amateurs d’émotions fortes, ou si le sentier de contournement est en trop mauvais état, les échelles sont toujours en place et permettent de franchir les rochers. Après l’obstacle, la pente du sentier augmente ; après une demi-heure de marche, la gorge s’élargit et on atteint un embranchement, sur la gauche, qui conduit vers le village d’Agios Ioannis. Ce sentier, qui traverse les gorges, provient du village de Livaniana, via le lieu-dit Azogyrès (Αζωγυρές) où se trouve la petite chapelle Agios Athanasios (Άγιος Αθανάσιος).
Après une autre demi-heure de marche (point n° 5 sur la carte), le sentier passe entre deux hautes tours rocheuses, en contrebas du village en ruines de Sterni (Στερνί) ; sur la gauche un sentier indistinct permet de monter au village de Livaniana. Le sentier continue ensuite, entre des parois hautes de plus de 150 m, sur un lit de graviers encombré de gros rochers, sur environ 1,4 km, jusqu’à la plage de Marmara (point n° 6 sur la carte). Si l’on a garé son véhicule près du village d’Aradaina, il est possible de remonter au point de départ, depuis la plage de Marmara, par un autre trajet. Emprunter le sentier de randonnée E4 en direction de Loutro ; après 300 m, quitter le sentier E4, sur la gauche, par un sentier en escalier qui monte en zigzag sur le plateau (point n° 7 sur la carte) ; rejoindre la petite route qui relie Aradaina à Finikas, via Livadiana, et monter à gauche en direction de Livadiana (point n° 8 sur la carte) ; on peut faire une halte à la taverne du village, avant de continuer à monter jusqu’à Aradaina ; il est possible de court-circuiter quelques virages en épingle à cheveux en suivant un sentier balisé en bleu. On rejoint la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis environ 450 m avant le viaduc (point n° 9 sur la carte). | _small.jpg) | | Visite des gorges d’Aradaina : La randonnée des gorges d’Aradaina a une longueur de 5,5 km. Il faut compter 2 h 30 min de marche, sans les pauses, pour descendre les gorges ; 3 h 15 min dans le sens de la montée.
Le point de départ de la randonnée, près du viaduc d’Aradaina, se trouve à une altitude d’environ 580 m. Le point d’arrivée, sur la plage de Marmara, se trouve à environ 0 m. Le dénivelé négatif de la randonnée est d’environ 580 m, soit une pente moyenne d’environ 10 %. La visite des gorges d’Aradaina est gratuite, contrairement à celle des gorges d’Imbros. Les gorges sont ouvertes toute l’année mais il est préférable d’éviter les jours de grosse pluie. Dans leur dernière partie les gorges sont orientées nord-sud et exposées au soleil. Il faut prévoir de bonnes chaussures de marche pour franchir les zones de rochers. Près du point de départ se trouve un petit café où l’on peut acheter des provisions, notamment de l’eau en bouteille pour la randonnée ; il y a aussi une bonne taverne à l’arrivée sur la plage de Marmara. Dans l’ensemble la visite des gorges d’Aradaina est plutôt conseillée aux personnes en très bonne condition physique et familières des randonnées. Les personnes sujettes au vertige devraient s’abstenir et se contenter de la vue très spectaculaire des gorges depuis le viaduc. |
| La plage de Marmara (παραλία Μάρμαρα / paralía Mármara) | La plage de Marmara est une plage de taille modeste mais située dans un très bel environnement, à la sortie des gorges d’Aradaina. Comme son toponyme l’indique, la plage est située sur le socle de marbre de l’île de Crète, socle mis à nu par le décapage de la nappe supérieure de calcaire en plaques ; le mot Marmara signifie « les marbres » (μάρμαρο, le marbre, au pluriel μάρμαρα). La plage de Marmara est aussi connue sous le nom de « plage de Dialiskari » (Διαλισκάρι).La plage des Marbres se trouve à seulement 2 km à l’ouest, à vol de corbeau, de la station balnéaire de Loutro, mais aucune route ne permet d’y accéder en automobile. L’accès à pied à la plage est lui-même plutôt difficile : depuis Loutro, il est possible de suivre l’itinéraire de la section 14, puis de la section 13, du sentier européen de randonnée E4 pour atteindre la plage de Marmara, mais ce parcours emprunte un sentier en corniche, à une grande hauteur au-dessus de la baie de Finikas ; ce trajet est déconseillé aux personnes sujettes au vertige et il est exposé plein sud entre la roche et le précipice. Il faut compter entre 1 h 30 min et 2 h de marche depuis le port de Loutro, en passant par le village de Finikas et la plage de Lykos ; depuis Chora Sfakion, il faut compter plus de 4 h de marche. Une possibilité existe de venir en automobile jusqu’au village de Livaniana (Λιβανιανά) par une petite route en épingle à cheveux qui prend à gauche 500 m avant le viaduc d’Aradaina ; après Livaniana la petite route continue en direction de la plage de Lykos ; dans le dernier virage on peut trouver une aire de stationnement d’où par un sentier en direction de la plage de Marmara ; ce sentier rejoint le sentier de randonnée E4 que l’on peut prendre en direction de l’ouest ; ce trajet limite la marche à pied à une distance d’environ 600 m. On peut remonter les gorges d’Aradaina et redescendre depuis le village d’Aradaina vers Livaniana, en 8 km, pour récupérer sa voiture ; à Livaniana se trouve une petite taverne accueillante. Aller à Livaniana avec Google Maps (35.200930, 24.059955). La plupart des vacanciers séjournant à Loutro préfèrent utiliser les bateaux-taxis qui relient, pendant la saison touristique, la station balnéaire à la plage de Marmara, en environ 15 min et pour environ 7 € ; l’embarcadère se trouve sur le côté ouest de la plage, au pied de la taverne. Les marcheurs qui viennent à pied à la plage de Marmara empruntent plutôt le sentier de randonnée qui suit le fond des gorges d’Aradaina ; depuis le village d’Aradaina, il faut compter environ 1 h 30 min pour parcourir les 3,5 km de la longueur des gorges ; la plage de Marmara est une halte appréciée par les randonneurs, après la descente des gorges, avant le rejoindre Loutro en bateau. On peut aussi venir à la plage de Marmara en bateau-taxi et remonter les gorges d’Aradaina ou une partie des gorges, mais les premiers bateaux-taxis sont assez tard dans la matinée. Aller à la plage de Marmara avec Google Maps (35.196591, 24.058196). Malgré ces difficultés d’accès, la plage de Marmara est souvent bondée, en période estivale, car la plage est exigüe, avec une longueur d’environ 45 m et une largeur moyenne de 10 m ; le flot des vacanciers amenés par les bateaux-taxis sature rapidement la plage. Il s’agit d’une plage de gravier et de galets grisâtres charriés par le torrent des gorges d’Aradaina, pas particulièrement confortable ; en revanche, dans cet environnement rocheux, les eaux sont très limpides et tranquilles, avec la couleur turquoise caractéristique créée par la présence de carbonate de calcium dissous.
Sur les côtés de la plage apparaissent des plaques de marbre, surmontées de la couche de calcaire en plaques. Le socle de marbre est creusé de grottes marines où le fond marin est particulièrement apprécié pour sa richesse par les plongeurs avec tuba ; les plaques de marbre, lisses et colorées, offrent aussi des points commodes, mais glissants, pour plonger dans les eaux cristallines ou pour prendre un bain de soleil. On peut aussi observer, très clairement, la marque laissée par l’ancien niveau des eaux avant le basculement de la Crète du sud-ouest vers le nord-est.
La plage de Marmara est équipée de chaises longues et de parasols que l’on peut louer auprès de la taverne qui surplombe la plage du côté ouest. Cette taverne, nommée du nom de la plage « Dialiskari », propose aussi une bonne cuisine traditionnelle crétoise à des prix raisonnables ; comme la plage, la taverne peut être bondée et il est recommandé de réserver à l’avance. |
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| Le village d’Agios Ioannis (Άγιος Ιωάννης / Ágios Ioánnis) | Agios Ioannis est un hameau situé au piémont sud des Montagnes Blanches, à environ 790 m d’altitude. À environ 2 km au nord du hameau se trouve le plateau de Kroussia (οροπέδιο Κρούσια), situé à environ 1 240 m d’altitude ; le plateau dispose de plusieurs points d’eau où le bétail peut s’abreuver. Au nord du plateau se dressent le mont Koutsakas (Κούτσακας) (1 646 m) et le mont Zaranokéfala (Ζαρανοκεφάλα) (2 100 m) ; le mont Pachnès (Πάχνες) (2 452 m), le plus haut sommet des Montagnes Blanches, se trouve à environ 7,5 km au nord du hameau. Agios Ioannis n’est qu’à 2 km de la côte de la mer de Libye, une côte située près de 800 m plus bas.Agios Ioannis se trouve au bout de la route de Chora Sfakion à Agios Ioannis, à 20 km à l’ouest de Chora Sfakion, et à 5 km à l’ouest d’Aradaina, mais il faut compter plus de 30 min de conduite pour atteindre Agios Ioannis. Le hameau n’est accessible par une route à revêtement que depuis 1986, quand a été construit le viaduc d’Aradaina ; avant cette date, Agios Ioannis était un hameau enclavé : il fallait emprunter un sentier muletier en zigzag pour franchir les gorges d’Aradaina, ce qui rendait les déplacements très difficiles. Agios Ioannis compte une trentaine d’habitants, mais la localité est le chef-lieu d’une communauté locale du dème des Sfakia (Κοινότητα Αγίου Ιωάννου) qui comprend aussi le village abandonné d’Aradaina ; une autre localité de la communauté, Sterni (Στερνί), située à environ 1 km au nord de la sortie des gorges d’Aradaina, a été désertée depuis la fin du XIXe siècle ; il n’en reste que des ruines et son ancienne église, Saint-Basile (Άγιος Βασίλειος). La localité doit son nom à une église byzantine isolée, située un peu au sud du village, dédiée à saint Jean, l’église d’Agios Ioannis, qui est ornée d’icônes et de fresques datant du XIVe siècle. Parce qu’Agios Ioannis (Saint-Jean) est un toponyme très commun en Crète, on précise parfois Saint-Jean de La Canée (Άγιος Ιωάννης Χανίων) ou Saint-Jean des Sfakia (Άγιος Ιωάννης Σφακίων). Il existe notamment un village d’Agios Ioannis dans la vallée d’Amari.
Aller à l’église Saint-Jean avec Google Maps (35.226630, 24.021326). Le village compte plusieurs autres églises, dont l’église Notre-Dame (Παναγία), située près du cimetière, qui abrite aussi des fresques du XIVe siècle. Le village d’Agios Ioannis aurait été fondé à l’époque byzantine par des habitants de l’ancienne cité de Finikas ; c’était un village de capitaines de marine, notamment les Vardinogiannis (Βαρδινογιάννης). Ce sont les descendants de Giannis Vardinogiannis, né à Agios Ioannis, qui ont financé le viaduc d’Aradaina qui a permis de désenclaver le village ; certains des dix enfants de Giannis Vardinogiannis, nés à Épiskopi près de Réthymnon, notamment Vardis, Pavlos, Nikos, Georgios et Theodoros, ont constitué une fortune considérable dans divers secteurs économiques, notamment le transport maritime, le pétrole et la politique.
De nos jours, le village d’Agios Ioannis vit principalement de l’élevage du bétail, mais, dans le passé, l’exploitation forestière était une activité très importante grâce à la vaste forêt de Kormokopos (δάσος Κορμοκόπου), constituée de cyprès de Crète (Cupressus sempervirens varietas horizontalis), un cyprès à port en boule, et de pins de Calabre (Pinus brutia), qui entoure le village. Le nom même de la forêt indique son utilisation : ce nom est composé de « kormos » (κορμός), « une grume, c’est-à-dire un tronc d’arbre dont les branches ont été coupées », et de « kovo » (κόβω), « couper ». Le commerce de planches de cyprès a été, pendant des siècles, une des principales activités économiques des Sfakia aux époques vénitienne et ottomane. On peut découvrir ce qu’il subsiste de cette forêt grâce à un sentier de randonnée, bien balisé, qui relie le village d’Agios Ioannis à la grotte de Kormokopos, située dans le nord de cette forêt. Cette randonnée débute de l’ouest du village, à environ 800 m d’altitude, et monte en direction du nord-ouest, à travers la forêt, jusqu’à une crête située à 1 100 m d’altitude. Sur la gauche du sentier se dresse le mont Papakéfala (Παπακεφάλα) (1 015 m) dont le sommet offre de belles vues sur les gorges d’Élygia (φαράγγι της Ελυγιάς) et sur la baie d’Agia Rouméli. Le sentier redescend ensuite vers la grotte. Le trajet, de près de 3 km de longueur, prend environ 1 h 30 min de marche.
La grotte de Kormokopos (σπήλαιο του Κορμοκόπου) se trouve au début des gorges d’Élygia ; à côté de l’entrée de la grotte se trouve une source, qui coule toute l’année, où le randonneur peut se désaltérer. La grotte présente une vaste salle circulaire mais n’a pas de décoration de stalactites.
Aller à la grotte de Kormokopos avec Google Maps (35.251987, 24.000307). Une autre randonnée possible, à partir d’Agios Ioannis, emprunte un sentier muletier jusqu’à la côte, via le lieu-dit Sélouda (Σελούδα) ; le sentier arrive à la côte près de la petite église rupestre Saint-Antoine (Άγιος Αντώνιος), où le sentier rejoint la section 12 du chemin européen de randonnée E4 ; en suivant le chemin E4 en direction de l’ouest, on atteint le cap Plaka (άκρα Πλάκα), l’église Saint-Paul, puis le village côtier d’Agia Rouméli. Le dénivelé négatif de cette randonnée est d’environ 800 m et sa longueur est de 5 km ; il faut compter 2 h de marche pour atteindre Agia Rouméli.
Aller au lieu-dit Selouda avec Google Maps (35.214959, 24.023179). |
| L’église Saint-Paul (Άγιος Παύλος Σφακίων / Ágios Pávlos Sfakíon) | | L’église Saint-Paul des Sfakia (Άγιος Παύλος Σφακίων) aurait été fondée à l’époque byzantine, dans la première moitié du XIe siècle, par saint Jean l’Étranger (Όσιος Ιωάννης ο Ξένος), un moine ermite qui aurait fondé une dizaine de monastères et d’églises dans l’ouest de la Crète. Une légende locale veut que l’église d’Agios Pavlos aurait été fondée en mémoire du passage de l’apôtre Paul à cet endroit, même si l’on sait que le navire de l’apôtre Paul ne put pas accoster dans la région ; à proximité se trouve une source où, selon la tradition, l’apôtre aurait baptisé de nombreux païens ; cette source est, de nos jours, réduite à un filet d’eau. L’église Saint-Paul se trouve sur un petit promontoire au-dessus de la plage ; l’intérieur de l’église est décoré d’icônes et de fragments de fresques datant du XIIIe siècle. Un peu plus loin se trouve une taverne, ouverte seulement en été. Aller à la chapelle Saint-Paul avec Google Maps (35.222863, 24.000420). | _small.jpg) |
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| Personnages | | Daskalogiannis (Δασκαλογιάννης / Daskalogiánnis) | | Daskalogiannis fut le chef du premier soulèvement majeur des Crétois contre le joug ottoman en 1770 et 1771, soit un peu plus d’un siècle après l’achèvement de la conquête de la Crète par les Turcs. Daskalogiannis est le surnom de Ioannis Vlachos (Ιωάννης Βλάχος), né à Anopoli, dans les Sfakia, vers 1725 ; ce surnom, qui signifie « Maître Jean », ou « Mastroianni » en italien, lui a été donné parce que son père, un riche armateur, l’avait envoyé faire de longues études à l’étranger. En grec « δάσκαλος, au pluriel δάσκαλοι », nom masculin, signifie « maître d’école » ou maître dans son métier de façon plus générale. Son véritable patronyme « Βλάχος » signifie « Valaque », car ses ancêtres, comme d’autres armateurs sfakiotes, avaient vraisemblablement développé des activités commerciales en Moldavie-Valachie (Μολδοβλαχία), une contrée située au nord-ouest de la Mer Noire.
Vers le début des années 1750, des archives administratives mentionnent Ioannis Vlachos comme le maire d’Anopoli, qui était le chef-lieu du dème des Sfakia. Vers 1765, il est mentionné comme le chef de la région des Sfakia, une région qui n’était pas complètement contrôlée par les Ottomans et qui jouissait d’une semi-autonomie. Ioannis Vlachos est, par ailleurs, mentionné comme constructeur naval et comme armateur, propriétaire de quatre navires marchands à trois mâts attachés au port de Loutro. Durant les années précédant la guerre ouverte entre l’Empire russe de Catherine II et l’Empire ottoman, les Russes infiltrèrent des agents dans des pays orthodoxes soumis au joug ottoman, afin de susciter des soulèvements. Après la déclaration de guerre de l’Empire ottoman à l’Empire russe, le 6 octobre 1768, les affrontements débutèrent sur le front de la Mer Noire, de la Crimée et de la mer d’Azov, d’anciennes terres de l’Empire byzantin occupées par les Ottomans depuis le XVe siècle ; les troupes russes furent victorieuses et libérèrent ces territoires. L’objectif de la Russie, qui est le libre accès à la mer Méditerranée, n’était cependant pas encore atteint. En 1769, la tsarine envoya une flotte vers la Méditerranée, en faisant le tour de l’Europe depuis la mer Baltique par l’océan Atlantique, en direction de la péninsule de Morée (Μοριάς), de nos jours le Péloponnèse ; cette flotte était commandée par le comte Alexeï Grigorievitch Orlov (Алексей Григорьевич Орлов) et son frère Grigori Grigorievitch Orlov (Григорий Григорьевич Орлов), des proches de la tsarine. Avec leur frère Fiodor Grigorievitch Orlov (Фёдор Григо́рьевич Орло́в), les frères Orlov organisent des soulèvements parmi la population grecque du Péloponnèse et de la Grèce centrale ; ces soulèvements, organisés par les frères Orlov ou Orloff (Αδελφοί Ορλώφ), furent connus sous le nom de soulèvements orlofiens (επαναστάτης των Ορλωφικών, Орловское восстание), ou simplement Orlofika (Ορλόφικα). Au début de 1770, Daskalogiannis entra en contact avec des agents de l’Empire russe dans le Magne (Μάνη), autre région rebelle située dans le sud de la Morée. Daskalogiannis se vit promettre le renfort de troupes russes s’il conduisait un soulèvement en Crète contre les Ottomans ; Daskalogiannis accepta d’organiser et de prendre à sa charge les frais d’un soulèvement contre les autorités ottomanes dans les Sfakia. Le soulèvement débuta dans les Sfakia le 25 mars 1770, avec le hissage du drapeau grec sur l’église Saint-Georges d’Anopoli ; Daskalogiannis fit même frapper une monnaie dans une grotte proche de Sfakia. En avril 1770, après avoir amassé des vivres et des munitions, et fortifié des cols stratégiques dans les montagnes, les Sfakiotes expulsèrent le collecteur ottoman venu percevoir la capitation ; ils attaquèrent ensuite plusieurs Turcs installés dans les plaines de la région, les massacrèrent et s’emparèrent de leurs biens, contraignant les survivants à se réfugier dans les forteresses voisines ; cette première attaque contre les musulmans de Crète eut lieu à Pâques 1770, une date symbolique liée à la foi des orthodoxes asservis. Cependant, les renforts russes tardaient à arriver en Crète, la flotte russe étant occupée à pourchasser la flotte ottomane en mer Égée, et le soulèvement ne parvint pas à s’étendre aux plaines de l’île. Au contraire ce furent les pachas ottomans de Crète qui purent mobiliser 15 000 hommes pour écraser le soulèvement sfakiote, fort d’environ 1 300 hommes ; les Turcs, grâce à leur artillerie, parvinrent à s’emparer de points stratégiques tenus par les rebelles ainsi que de quelques villages, où ils perpétrèrent massacres et pillages ; les rebelles se réfugièrent alors sur les sommets montagneux et dans des lieux difficiles d’accès pour les Turcs, et entamèrent une guerre d’embuscades. Cette guerre se poursuivit jusqu’à l’hiver de 1770-1771, période où la situation devint critique pour les rebelles. Les Russes avaient pourtant remporté un succès notable, contre la flotte ottomane, à la bataille navale de Tchesmé près de Chios, le 6 juillet 1770, mais un hiver particulièrement rigoureux les aurait empêchés de venir au secours des Crétois. En mars 1771, les Sfakiotes proposèrent donc de cesser les combats en échange d’une amnistie ; les Ottomans acceptèrent de l’accorder, mais à des conditions léonines : les Sfakiotes devraient rendre leurs armes et leurs provisions, et libérer les musulmans capturés ; ils devraient payer la capitation qu’ils avaient refusé de payer l’année précédente ; les Sfakiotes ne devraient plus ravitailler les navires de guerre chrétiens approchant de leurs ports ; ils devraient porter les vêtements spécifiques des Grecs soumis ; les Sfakiotes ne devraient pas construire de tours, ni de nouvelles églises ; ils ne devraient ni réparer ni restaurer les églises existantes ; aucun symbole chrétien ne serait autorisé sur les bâtiments existants ; il serait interdit d’organiser des célébrations religieuses, de même que de faire sonner les cloches ; le pouvoir judiciaire à Sfakia serait retiré aux chefs de la communauté et serait administré par un juge de paix nommé par le gouvernement ottoman de Kandiye. Mais, surtout, les Ottomans exigèrent que les meneurs de la rébellion fussent livrés pour être jugés. Daskalogiannis aurait reçu une lettre de son frère, qui avait été capturé par les Turcs ; son frère l’assurait des intentions du pacha et lui conseillait de se rendre. Le 18 mars 1771, Daskalogiannis fit sa reddition, avec 70 de ses compagnons d’armes, au château de Frangokastello, à l’est de Sfakia ; il fut transféré à Su Kulesi, la forteresse de Kandiye, de nos jours Héraklion. Sur ordre du pacha de Kandiye, le 17 juin 1771, Daskalogiannis fut torturé puis écorché vif, devant la forteresse ; il mourut de ses blessures. La tradition dit qu’il endura ces tortures avec dignité et sans prononcer un mot ; plusieurs de ses compagnons auraient été mis à mort en même temps. Son frère, qui l’avait convaincu de se rendre, fut contraint par les Turcs d’assister à son supplice et en aurait perdu la raison. Loin de libérer la Crète, le soulèvement de Daskalogiannis fut désastreux pour la région des Sfakia qui tomba, pour la première fois, entièrement sous le joug ottoman. Daskalogiannis reste cependant pour les Crétois un héros national car il avait mis en jeu sa fortune et sa vie par pur patriotisme et pour sa foi orthodoxe. Sa mémoire est honorée par un buste à son effigie sur la place centrale d’Anopoli, son village natal ; d’autres statues, des bustes, des noms de rues ou de places publiques, se trouvent à La Canée, à Héraklion, le lieu de son supplice, et à Athènes. L’aéroport international de La Canée porte son nom, « Ioannis Daskalogiannis », ainsi qu’un transbordeur de la compagnie maritime Anendyk. L’épopée de Daskalogiannis est également immortalisée par des chansons et par des contes. |
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