Sur la route d’Impros à Épiskopi | La route d’Impros à Épiskopi est l’enchaînement de la route provinciale 55 de la province de La Canée et de la route provinciale 1 de la province de Réthymnon. La route provinciale 55 part d’une bifurcation à gauche de la route provinciale 54 de Vryssès à Chora Sfakion, au nord du village d’Impros, à environ 810 m d’altitude, et escalade le flanc sud-ouest du mont Angathès (βουνό Αγκαθές) jusqu’à environ 1 120 m d’altitude ; la route redescend ensuite en direction d’Asfendos (Άσφενδος) puis de Kallikratis, à environ 750 m d’altitude ; environ 2,5 km après Kallikratis, la route atteint la bordure avec la province de Réthymnon. La route provinciale 1 de la province de Réthymnon atteint d’abord le village de Myriokéfala (Μυριοκέφαλα), à environ 580 m d’altitude, puis Argyroupoli (Αργυρούπολη), à 280 m, et continue en direction du nord vers Épiskopi (Επισκοπή), à 120 m, en longeant la vallée de la rivière Moussélas.
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| Le village de Kallikratis (Καλλικράτης / Kallikrátis) | Kallikratis est un petit village agricole de basse montagne, situé au bord d’un petit plateau bien irrigué coincé entre deux extensions orientales du massif montagneux des Montagnes Blanches : au nord, le mont Angathès, ou Agkathès (βουνό Αγκαθές) qui culmine à 1 511 m d’altitude ; au sud, le mont Kryonéritis (βουνό Κρυονερίτης) qui culmine à environ 1 310 m d’altitude. Le plateau de Kallikratis (οροπέδιο του Καλλικράτη) est à une altitude d’environ 750 m. Le village de Kallikratis se trouve sur la route provinciale 55 d’Impros à Épiskopi, à environ 16 km à l’est d’Impros, via Asfendos (Άσφενδος), et à environ 11 km au sud-ouest d’Asi Gonia (Ασή Γωνιά), ou à environ 13 km d’Argyroupoli (Αργυρούπολη), via Myriokéfala (Μυριοκέφαλα). Depuis la plaine côtière de Patsianos, une petite route de montagne monte du village de Kapsodasos (Καψοδάσος) jusqu’à Kallikratis, en suivant le rebord des gorges de Kallikratis ; cette route à revêtement, de 11,5 km de longueur, très spectaculaire, présente un grand nombre de virages en épingles à cheveux. La localité de Kallikratis ne compte qu’une dizaine d’habitants l’hiver et moins d’une cinquantaine d’habitants l’été ; il s’agit principalement d’éleveurs de bétail qui font paître leurs troupeaux de moutons et de chèvres sur le plateau pendant l’été et qui redescendent leur bétail vers la plaine côtière de Patsianos pendant l’hiver. La localité de Kallikratis fait partie de la communauté locale de Patsianos dans le dème des Sfakia. Selon la tradition locale, le toponyme du village de Kallikratis proviendrait du nom d’un drongaire originaire de la province des Sfakia, le drongaire Manoussos Kallikratis (Δρουγγάριος Μανούσος Καλλικράτης) ; ce drongaire, c’est-à-dire l’équivalent d’un chef de régiment, fut l’un des derniers défenseurs de la ville de Constantinople, à la tête de 1 500 Crétois, en mars 1453, avant le début du siège de la ville par les Turcs ; la ville tomba aux mains des Ottomans le 29 mai 1453. Le nom Kallikratis est aussi le nom de l’architecte athénien du Ve siècle avant JC, Callicratès, qui édifia le temple du Parthénon. Phonétiquement, « kallikratis » s’entend comme « kali-kratis » (καλή-κράτης), le « bon pouvoir » ; le nom du village est d’ailleurs parfois écrit, de façon erronée, « Kalikratis ». Comme toute la région des Sfakia le village de Kallikratis fut toujours rebelle aux occupations étrangères ; sous l’occupation ottomane, le village fut détruit, en partie ou en totalité, à trois reprises pendant les soulèvements crétois de 1770, de 1821 et de 1866. Sous l’occupation allemande, pendant la Seconde Guerre mondiale, la première organisation de la Résistance nationale, l’A E A K (Ανώτατη Επιτροπή Αγώνα Κρήτης), fondée à La Canée le 15 juin 1941, soit seulement deux semaines après la fin de la « Bataille de Crète », eut son siège pendant quelques mois dans la maison de l’un de ses fondateurs, le colonel Andréas Papadakis (συνταγματάρχης Ανδρέας Παπαδάκης) (1888 – 1947), maison située au lieu-dit Vourvourès (Βουρβουρές), entre Kallikratis et Asi Gonia ; de nos jours, on peut y voir une stèle rappelant la carrière du colonel Papadakis, un vétéran de la guerre des Balkans et de la guerre d’Asie Mineure. Aller à Vourvourès avec Google Maps (35.250659, 24.278571). Dans un premier temps l’A E A K aida au passage des troupes britanniques de la côte nord de l’île vers le port de Chora Sfakion d’où elles étaient évacuées vers l’Égypte ; le groupe de résistance opéra plus tard un poste de TSF permettant aux agents secrets britanniques du S O E de communiquer avec Le Caire ; ce poste de radio était installé dans la grotte d’Anémospilios (σπήλαιο Ανεμόσπηλιος), située entre Asfendos et Kallikratis.
Le 8 octobre 1943 le village de Kallikratis fut victime de représailles par la Wehrmacht pour avoir aidé des maquisards. Ces maquisards faisaient partie du groupe de résistance indépendant de Manolis Bandouvas (Μανώλης Μπαντουβάς) qui avait causé le massacre de Viannos en attaquant une compagnie de l’armée allemande près de Viannos en septembre 1943 ; Bandouvas et quelques maquisards s’étaient enfuis vers l’ouest dans le but d’être évacués par le S O E britannique depuis la plage de Rodakino. Dans leur fuite, les maquisards furent accrochés par une patrouille allemande dans la région de Kali Sykia, le 4 octobre, et tuèrent près d’une vingtaine de soldats allemands, avec l’aide de résistants de Kallikratis dirigés par deux frères d’une famille historique du village : Nikos Manousélis (Νίκος Μανουσέλης) et Andréas Manousélis (Ανδρέας Μανουσέλης). Le commandant allemand Bruno Braüer envoya dans le secteur le commando de chasse Schubert (Jagdkommando Schubert), une unité paramilitaire de sinistre réputation commandée par le sergent-chef Friedrich Schubert (Φριτς Σούμπερτ), pour interroger la population civile et découvrir le repaire des maquisards. Le 4 octobre, le commando Schubert tortura puis mit à mort une quinzaine de femmes à Kali Sykia, situé à une douzaine de kilomètres à l’est de Kallikratis. Le 6 octobre, les troupes régulières de la Wehrmacht encerclèrent le village de Kallikratis, après avoir envahi le plateau par différentes directions, tandis que le commando Schubert brutalisait et mettait à mort les habitants de Kallikratis ; trente-et-un civils furent mis à mort, principalement des hommes ; une vingtaine de femmes furent arrêtées et emprisonnées à la prison d’Agia, au sud-ouest de La Canée ; les maisons du village furent pillées et incendiées. Cependant, il ne semble pas que les Allemands purent apprendre la cachette des maquisards ; Bandouvas put être évacué vers l’Égypte au début du mois de novembre 1943. Les noms des trente-et-une victimes sont inscrits sur le monument aux morts situé à la sortie sud-est du village, sur la route provinciale.
Ces destructions et l’exode rural ont fait de Kallikratis un village presque désert où de nombreuses maisons sont en ruine ; d’autres maisons ne sont habitées que pendant l’été par des propriétaires crétois originaires du village. | _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) | Dans le centre du village, dans le quartier dénommé Pano Rouga (Πάνω Ρούγα), se trouve une église à deux nefs du XVe siècle : la première nef est dédiée à la Dormition de la Vierge (Κοίμηση της Θεοτόκου), la seconde à l’Archange Michel (Αρχάγγελος Μιχαήλ). Sur la façade sud se trouve un clocher-mur sculpté à trois cloches, construit en 1893 ; sur cette même façade on peut voir un intéressant cadran solaire. À côté de l’église se dressent les bustes de personnalités natives du village : le buste du pope Sifis (Joseph) Skordilis (Παπά Σήφης Σκορδίλης), descendant de la noble famille byzantine des Skordilis, héros de la Résistance contre les Turcs en 1774 ; le buste de Grégoire Papadopétrakis (Γρηγόριος Παπαδοπετράκης) (1828 - 1889), évêque du diocèse d’Iéra et Sitia (Ιεροσητείας), la métropole présente d’Iérapytna et Sitia. | _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) | À la sortie sud-est du village, on peut trouver un kafénio, ouvert en été, où l’on peut déguster les produits et la cuisine du terroir, notamment des fromages de chèvre et du pain cuit au four à bois, le kafénio « Η Δρυς » (« Le Chêne »).Sur la route descendant en virages serrés vers la plaine côtière, se trouve également une bonne taverne. _small.jpg)
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| Les gorges de Kallikratis (φαράγγι Καλλικράτη / farángi Kallikráti) | Depuis le plateau de Kallikratis coule un torrent saisonnier qui a creusé de profondes gorges qui entaillent la montagne sur environ 2,5 km de longueur et qui aboutissent dans la plaine littorale, entre les villages de Patsianos et de Kapsodasos ; le ruisseau, assagi, continue son cours à travers la plaine jusqu’à la plage de Frangokastello. Les gorges de Kallikratis (φαράγγι Καλλικράτη), ou gorges « kallikratiennes » (Καλλικρατιανό φαράγγι), sont traversées par un sentier de randonnée qui constitue la section 25 du chemin de randonnée européen E4, balisé en jaune et noir. Ce sentier est un sentier muletier pavé qui était autrefois utilisé en automne pour la transhumance des troupeaux entre les pâturages du plateau de Kallikratis et la plaine côtière, et en sens inverse au printemps.
L’entrée des gorges se trouve à environ 3,5 km au sud-ouest du village, sur la petite route en lacets qui relie Kallikratis à Patsianos, à une altitude d’environ 670 m ; la traversée des gorges à une longueur de 4 km ; la sortie des gorges se trouve à environ 120 m d’altitude ; le dénivelé est de 550 m pour une pente moyenne d’environ 13 %. Aller à l’entrée des gorges de Kallikratis avec Google Maps (35.231206, 24.241115). À environ 1,5 km à l’ouest des gorges de Kallikratis se trouvent les gorges d’Asfendos (φαράγγι Ασφένδου) qui descendent du village d’Asfendos (Άσφενδος) vers la plaine côtière ; il existe un chemin muletier dans ces gorges par lequel transhumaient les troupeaux ; il est possible d’effectuer un circuit en empruntant ces gorges pour remonter vers Asfendos puis retourner à Kallikratis par la route provinciale 55. |
| | Sur la route de Chora Sfakion à Frangokastello | La route provinciale 31 de Chora Sfakion à Rodakino (Επαρχιακή Οδός Χώρας Σφακίων - Ροδάκινου) dessert la côte sud-est du dème des Sfakia, en longeant le piémont sud du massif montagneux de l’Angathès, ou Agkathès (Αγκαθές), puis du massif du Kryonéritis (Κρυονερίτης) ; la route provinciale traverse d’abord la communauté locale d’Impros, où elle passe à la sortie des gorges d’Impros à Komitadès (Κομιτάδες), puis la communauté locale d’Asfendos (Άσφενδος) où elle traverse le village d’Agios Nektarios (Άγιος Νεκτάριος), à la sortie des gorges d’Asfendos ; la route atteint ensuite la communauté locale de Patsianos, passant à la sortie des gorges de Kallikratis et à proximité du château de Frangokastello ; la dernière communauté locale du dème, au coin sud-est du dème et de la province de La Canée, est la communauté locale de Skaloti (Σκαλωτή), qui marque l’extrémité occidentale du massif du Kryonéritis ; après Skaloti (Σκαλωτή), on peut quitter la route provinciale à droite, en direction de la petite station balnéaire de Lakki (Λάκκοι) (« les Fosses »), où se trouve une belle plage de sable gris (παραλία Λάκκες).Après Argoulès (Αργουλές) la route franchit la bordure avec la province de Réthymnon et devient la route provinciale 4 de la province de Réthymnon, se dirigeant vers Rodakino (Ροδάκινο) puis Sellia (Σελλιά). |
| Le village de Patsianos (Πατσιανός / Patsianós) | Patsianos, ou Patsanos (Πατσανός), est un petit village agricole d’une centaine d’habitants, situé au piémont sud du massif montagneux de l’Angathès, entre 100 m et 130 m d’altitude, à la sortie des gorges de Kallikratis, au bord d’une plaine littorale d’une longueur de 8 km, dont la largeur atteint jusqu’à 2,5 km ; l’activité primaire des habitants de Patsianos est la culture de l’olivier et de plantes fourragères, l’apiculture et l’élevage.Aller au village de Patsianos avec Google Maps (35.202942, 24.232819). Patsianos est le chef-lieu d’une communauté locale (Κοινότητα Πατσιανού) qui comprend aussi les villages de Kallikratis (Καλλικράτης), de Kapsodassos (Καψοδάσος) et de Frangokastello (Φραγκοκάστελλο). |
| Le village de Frangokastello (Φραγκοκάστελλο / Frangokástello) | Frangokastello est une localité plutôt récente qui s’est développée autour du château vénitien de Frangokastello dont il a pris le nom ; la localité se trouve sur la bande côtière au sud de la plaine de Patsianos. La localité est constituée d’un habitat dispersé, sans véritable centre, un peu plus dense aux abords du château et de part et d’autre de la route provinciale de Chora Sfakion à Rodakino ; l’activité de la localité est principalement tournée vers le tourisme, avec de nombreux logements de vacances, villas, appartements ou chambres chez l’habitant, et quelques tavernes. Frangokastello compte une population d’environ 150 habitants. Frangokastello fait partie de la communauté locale de Patsianos et se trouve à environ 15 km, par la route provinciale 31, à l’est de Chora Sfakion, le chef-lieu du dème, à environ 3 km au sud de la route provinciale. En été quelques autocars reliant Chora Sfakion à Plakias font halte à Frangokastello. La première plage que l’on rencontre à l’ouest du château de Frangokastello est la plage de Vatalos (Βάταλος) ; c’est une longue étendue de sable, de près de 2 km de longueur, entrecoupée de rochers qui forment de petites criques ; c’est une plage non équipée, sans parasols, seulement ombragée par des tamaris ; la mer y est calme et peu profonde. Immédiatement en contrebas du château se trouve la plage de Frangokastello (παραλία Φραγκοκαστελο) à proprement parler ; le torrent des gorges de Kallikratis s’y jette et crée un bassin d’eau douce entourée de végétation aquatique où barbotent quelques canards ; c’est une plage de sable fin qui est souvent très fréquentée en saison. À l’arrière de la plage se trouve la taverne « Fata Morgana » qui met à disposition sur la plage quelques parasols et chaises longues ; le sable est fin et l’eau cristalline, propice à la plongée sous-marine avec tuba. À l’ouest de la plage se trouve le petit port de pêche de Frangokastello d’où l’on peut faire des excursions en mer.
À environ 500 m à l’est du château se trouve la plage moins fréquentée d’Orthi Ammos (Ορθή Άμμος), c’est-à-dire le « Sable debout » ; en effet, de hautes dunes de sable se sont formées au pied des falaises sous l’effet des vents forts, particulièrement fréquents en automne. On accède à la plage d’Orthi Ammos par un escalier entre les dunes, qui commence à l’entrée d’un complexe hôtelier, de l’autre côté de la petite route côtière. La plage d’Orthi Ammos s’enfonce plus abruptement dans la mer que la plage de Frangokastello ; le sable de la plage est légèrement plus foncé et l’on trouve quelques dalles rocheuses dans les eaux peu profondes. Le nudisme est plutôt courant, mais pas exclusif, sur la plage d’Orthi Ammos.
La plaine littorale de Frangokastello est le théâtre d’un phénomène atmosphérique étrange : certains jours, entre fin mai et début juin, à l’aube, des formes humaines, tantôt denses, tantôt plus clairsemées, semblent défiler lentement dans la brume couvrant la plaine, certaines marchant, d’autres chevauchant, et disparaître dans la mer près du château ; ce rare phénomène dure généralement une dizaine de minutes ; pour que ce phénomène se produise il faut qu’il y ait certaines conditions atmosphériques : que la mer soit calme et l’atmosphère humide, que le vent du nord n’ait pas encore dissipé l’humidité matinale et que le soleil ne soit pas encore trop haut dans le ciel. Sur le plan scientifique ces ombres à forme humaine pourraient être une illusion d’optique provoquée par l’évaporation de la rosée matinale ; la légère brume créée par cette évaporation semble souvent créer diverses figures pouvant être perçues comme humaines.
Les habitants nomment ces ombres mouvantes des « Drossoulites » (Δροσουλίτες), c’est-à-dire les « ombres de la rosée », du mot « δροσούλα » (goutte de rosée), de « δροσιά » (« rosée ») suivi du diminutif « -ούλα ». Cela explique le nom d’une grande taverne située à l’arrière du château, nommée « Drosoulites » ; cette taverne a cessé ses activités. Le phénomène optique pourrait aussi être une sorte de « Fata Morgana » (Φάτα Μοργκάνα), une combinaison de mirages créés par la réfraction des rayons du soleil sur la brume matinale ; ce phénomène de « Fata Morgana » doit son nom italien à la fée Morgane des légendes arthuriennes, disciple de l’Enchanteur Merlin, qui avait le pouvoir d’édifier des palais au-dessus des flots. La taverne de la plage de Frangokastello a emprunté son nom de « Fata Morgana » à ce phénomène.
L’imagination populaire a rattaché ces ombres à forme humaine à un évènement tragique survenu le 17 et le 18 mai 1828 dans la plaine de Frangokastello : une bataille qui opposa 700 combattants Grecs et Crétois, commandés par Chatzimichalis Dalianis (Χατζημιχάλης Νταλιάνης) à une armée turque dix fois plus nombreuse ; les Grecs furent écrasés et perdirent 385 soldats. La légende populaire dit que ce sont les fantômes de ces soldats morts qui se manifestent sous la forme des Drossoulites vers la date anniversaire de ce massacre. |
| Le château de Frangokastello (Φρούριο Φραγκοκάστελλο / Froúrio Frangokástello) | Le château de Frangokastello est un château fort médiéval du XIVe siècle, édifié par les Vénitiens dans le coin sud-est de la contrée des Sfakia, à environ 15 km à l’est du village de Chora Sfakion, le chef-lieu des Sfakia.Le nom de Frangokastello, ou Frangokastélo, est le nom que la population sfakiote donnait à ce château vénitien ; le nom signifie « château franc » ou « château des Francs », car les Grecs, entre autres les Crétois, assimilaient les Vénitiens, catholiques de rite romain, aux Francs (Φράγκοι / Fránkoi), également catholiques de rite romain, qui avaient pris Constantinople et disloqué l’Empire byzantin lors de la IVe croisade en 1203, croisade dont faisait partie la République de Venise. Le nom d’origine du château était en réalité Castel di San Nichita (καστέλο του Αγίου Νικήτα), le « château Saint-Nicétas », du nom de la cité et de la basilique paléochrétienne d’Agios Nikitas (Άγιος Νικήτας) voisines du château, situées à environ 350 m à l’est. Les Vénitiens finirent par adopter le nom grec et nommèrent le château « Castel Franco » ou « Castelfranco », un nom similaire mais qui évoque un toponyme fréquent en Italie, Castelfranco, qui signifie « château libre », notamment libre d’impôts. C’est le nom local qui a subsisté : de nos jours, le château est nommé Frangokastello. C’est dès le début de l’année 1340 que les seigneurs de la province de Canea – notamment les Skordylis qui contrôlaient la région des Sfakia – envoyèrent à Venise un émissaire, Tomaso Vizzamano, pour demander, entre autres, la construction d’un château près de la basilique d’Agios Nikitas. Le Sénat de la République Sérénissime refusa tout soutien financier à cette construction, jugeant cette construction totalement inutile ; deux ans plus les seigneurs réitérèrent leur demande et reçurent le même refus. Cependant, le 10 février 1371, face aux demandes répétées des seigneurs, le Sénat décida de construire le château et, si nécessaire, avec des fonds publics. Le Castel San Nichita fut édifié entre les années 1371 et 1374 ; son achèvement fut longtemps retardé, les habitants du pays voyant d’un mauvais œil une telle réalisation : des troupes protégeaient les ouvriers toute la journée et ceux-ci passaient la nuit sur leurs navires en mer ; mais, selon la tradition locale, les Sfakiotes, accompagnés de leurs chefs, les six frères de la famille Patsos (Πατσός), détruisaient pendant la nuit ce que les Vénitiens construisaient pendant la journée ; les Vénitiens capturèrent les six frères Patsos, qui furent pendus aux tours et à l’entrée du château, et réussirent à achever la construction du château. La construction du château remploya les pierres taillées toutes prêtes de la cité antique en ruines d’Agios Nikitas.
Le château fut construit près du littoral, sur un promontoire de faible hauteur, seulement défendu au nord par un cirque de montagnes escarpées, traversées uniquement par des ravins servant de routes aux autochtones ; contrairement aux autres châteaux vénitiens, aucun village ne se développa autour du château de San Nichita ; il est resté une simple forteresse isolée au milieu d’une plaine déserte. Le rôle du château était de protéger la plaine côtière contre les attaques maritimes de pirates, mais aussi contre une population skafiote plutôt rebelle à la domination vénitienne. Le Castel Franco fut laissé à l’abandon, sans garnison, pendant un certain temps ; le château fut entièrement rénové par le provéditeur général Nicolò Donà (1593 – 1597), pour retomber dans un état d’abandon le plus sordide lorsque les provéditeurs de Sfakia enlevèrent « même la charpente des tours et des salles ». En 1631, l’ingénieur vénitien Raffaele Monanni trouva donc le château « avec de hauts murs, quatre tours et pas très ancien, mais inhabité », et le provéditeur Lorenzo Contarini proposa des travaux de restauration ; au moment du danger, Andrea Corner se mit effectivement au travail, dépensant mille lires, même s’il manquait des matériaux nécessaires à des restaurations plus radicales. Cependant, pendant la conquête ottomane de la région, vers 1646, le bâtiment fit ses preuves grâce au courage de la famille Papadopoli, qui le défendit avec acharnement jusqu’à sa reddition.
Le château de Frangokastello semble avoir été utilisé par les Ottomans ; pendant le soulèvement des Sfakia mené par l’armateur Ioannis Vlachos (Ιωάννης Βλάχος), dit « Ioannis Daskalogiannis » (Ιωάννης Δασκαλογιάννης) (« Maître Jean »), en 1770, les Turcs avaient leur quartier général dans le château de Frangokastello. Faute d’avoir reçu l’aide des troupes russes de Catherine II, Daskalogiannis dut capituler et fut arrêté par les Turcs ; il fut, par la suite, emprisonné dans la forteresse de Kandiye, l’ancienne Candia vénitienne, puis fut atrocement torturé et écorché vif le 17 juin 1771. Début mars 1828, vers la fin du soulèvement crétois de 1821 à 1828, le château de Frangokastello fut pris et occupé par des Grecs du continent, débarqués à Gramvoussa pour apporter de l’aide aux Crétois ; ces Grecs étaient commandés par Chatzimichalis Dalianis (Χατζημιχάλης Νταλιάνης), un Grec originaire de Delvinaki (Δελβινάκι) en Épire, à la tête de 700 soldats, dont 600 fantassins et une centaine de cavaliers. Dalianis et environ 385 Grecs décidèrent de s’enfermer dans le château, malgré le manque de vivres, au lieu de se réfugier dans les montagnes pour harceler les Turcs, comme les chefs sfakiotes le recommandaient et comme les Crétois l’ont toujours fait, avant et après eux. Cette décision leur fut fatale car, le 15 mai 1828, les Turcs mirent le siège au château avec une troupe de 8 000 fantassins et de 300 cavaliers, commandée par le pacha Mustapha Naili (Mustafa Nâilî Paşa, Μουσταφά Ναϊλή Πασά). Le 18 mai les Turcs attaquèrent ; les 385 Grecs ne purent résister et furent massacrés, y compris Dalianis ; les Turcs auraient eu 800 soldats tués. La légende veut que les corps des Grecs furent laissés sur place et furent ensevelis par le vent dans le sable de la plaine côtière, mais qu’une nonne du monastère d’Agios Charalambos retrouva le corps de Dalianis et l’enterra dans le cimetière du monastère.
Le pacha Mustapha Naili fit démanteler le château de Frangokastello afin qu’il ne puisse plus être utilisé par les rebelles crétois. Lors de son retour vers la garnison de Hanya le pacha et ses troupes pratiquèrent la « politique de la terre brûlée » en incendiant les forêts où pouvaient se cacher les rebelles sfakiotes ; cependant ils tombèrent dans des embuscades tendues par les rebelles, notamment près de Chalara (Χαλάρα), dans la région de Kryonérida (Κρυονερίδα) ; les Turcs perdirent près d’un millier de soldats supplémentaires. Les Turcs parvinrent à Hanya le 30 mai 1828. Le château de Frangokastello fut laissé à l’abandon, sans garnison, pendant de nombreuses années. Lors du soulèvement crétois suivant, de 1866 à 1869, Mustapha Naili était toujours le pacha de Hanya – au point qu’il gagna le surnom de « Giritli », c’est-à-dire le « Crétois » ; il fit réparer le château de Frangokastello. | _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) | _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) | _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) _small.jpg) |
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