| Le château Saint-Ange ou Angélokastro (Angelókastro) sur l’île de Corfou | |
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| Présentation générale | Angelókastro était un château dont on peut voir les ruines dans le nord-ouest de l’île de Corfou, près de la station balnéaire de Palaiokastrítsa. Le château fut successivement byzantin, angevin puis vénitien, suivant le destin de l’île, bien que, en raison de sa situation exceptionnelle, le château lui-même ne fut jamais pris. Hormis les remparts il ne reste que peu de vestiges de la forteresse, mais le site offre des vues splendides sur la côte rocheuse de la région et le nord de l’île. |
| Étymologie et toponymie | L’origine du nom « Angelókastro » (Αγγελόκαστρο) semble se rattacher à la dynastie byzantine des Comnènes Anges (Κομνηνοί Άγγελοι / Komnenoí Ángeloi), despotes de l’Épire, notamment Michel Ier Doúkas (règne de 1205 à 1215) et son fils Michel II Doúkas, dit Michel II Ange, (règne de 1230 à 1266) qui auraient fait renforcer la forteresse au début du XIIIe siècle. Le mot doúkas signifie « duc ». Lorsque les Angevins de Naples s’emparèrent de Corfou, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ils déformèrent le nom vernaculaire en « Castel Sant’Angelo » ; la première référence documentaire au château se trouve dans un document angevin des archives napolitaines, datant de 1272, qui le désigne comme Castrum Sancti Angeli (« Château du Saint Ange »), en l’honneur de l’archange saint Michel. Les documents vénitiens du XVIIe siècle nomment le château, en vénitien, « Castel Sant’Angelo » ou « Castello Sant’Angelo », « Château Saint-Ange ». |
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| Le château d’Angelókastro est situé au sommet d’un piton rocheux qui culmine à environ 305 m d’altitude (265 m au-dessus du niveau de la mer) ; ce piton fait partie du massif du Pantokrator. Les faces ouest et sud se présentent comme des falaises qui assurent une défense naturelle du château. Pendant de nombreux siècles, cette situation exceptionnelle a fait d’Angelókastro une position stratégique pour la défense du nord-ouest de l’île de Corfou et pour le contrôle du détroit entre la mer Adriatique et la mer Ionienne ; par ce détroit passait une grande partie du commerce maritime de Venise, de Raguse, de Kotor et d’autres cités marchandes. Par temps clair il est possible d’apercevoir la capitale, Corfou, situé à 21 km à l’est-sud-est ; il était possible à la garnison de signaler l’approche d’un ennemi. Avec le château de Gardíki (Γαρδίκι), bâti par les Byzantins sur la côte sud-ouest de l’île, au nord de la lagune de Korissía (Κορισσία), le château de Kassiópi (Κασσιόπη), bâti par les Angevins sur la côte nord-est, et les deux forteresses de la ville de Corfou, bâties par les Vénitiens, l’ancienne citadelle et le nouveau fort, Angelókastro formait un réseau défensif qui couvrait l’ensemble de l’île de Corfou. En ligne droite, le château n’est qu’à 1,5 km de Palaiokastrítsa, mais, pour s’y rendre en voiture depuis cette station balnéaire, il faut compter environ 10 km, en passant par Lákones (Λάκωνες), Makrades (Μακραδες) puis Kríni (Κρήνη) ; en chemin on peut s’arrêter au belvédère du restaurant Bella Vista, à la sortie de Lákones, qui, de fait, offre une belle vue sur Palaiokastrítsa ; 5,5 km après Lákones, la route aboutit à un parking où se trouve la billetterie du château et une petite taverne, nommée sans surprise Castelo Sant’Angelo. Il faut ensuite grimper le sentier, dallé et en bon état, mais assez escarpé, qui monte au château (environ 15 min de montée). |
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| Les ruines du château Saint-Ange (Φρούριο Αγγελόκαστρο / Froúrio Angelókastro) | 1 : Entrée (Είσοδος). 2 : Ruines de l’église Saint-Jean (Άγιος Ιωάννης). 3 : Barbacane du nord (Βόρεια προτείχισμα). 4 : Tour ronde (Κυκλικός πύργος). 5 : Portail principal (Κεντρική πύλη). 6 : Chapelle Sainte-Dominique (Άγία Κυριακή). 7 : Baraquements (Κτίρια) et citernes (Δεξαμενές). 8 : Citadelle (Άκρόπολη) et chapelle Saint-Michel Archange (Αρχάγγελος Μιχαήλ). La fortification du piton rocheux où s’élève Angelókastro a consisté en la construction de remparts sur les faces nord et est, les faces ouest, nord-ouest et sud étant protégées par la nature escarpée du terrain. Les murs étaient surmontés de créneaux, dont quelques merlons ne survivent que dans le coin nord-ouest de la muraille. Au point culminant, situé au nord, se trouvait la citadelle, dont la porte principale était protégée par une tour circulaire. Derrière la porte principale se trouvaient les baraquements de la garnison dont il ne reste que des ruines ; trois citernes souterraines approvisionnaient le château en eau potable. Il y avait aussi une petite porte du côté sud. Le style architectural d’Angelokastro n’était peut-être pas purement byzantin et a pu être influencé par des éléments architecturaux francs ou du sud de l’Italie, bien que les détails de cette influence ne soient pas perceptibles aujourd’hui, en raison de son état de ruine actuel. Cependant les vestiges, clairsemés mais puissants, impressionnent encore les visiteurs de nos jours. | |
| La chapelle Sainte-Dominique | Dans le nord-est de la forteresse se trouve une minuscule chapelle rupestre dédiée à sainte Dominique (Αγία Κυριακή / Agia Kyriakí) (n° 6 sur le plan). La chapelle a été construite en creusant dans la masse rocheuse sous un énorme rocher. La chapelle recèle des peintures murales qui sont datées du XVIIIe siècle. |
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| | Les tombes anthropomorphes | À l’ouest de la chapelle Saint-Michel se trouvent sept tombes, creusées dans la roche, qui ont la forme de corps humains. On ne connaît pas encore l’origine de ces tombes anthropomorphiques. |
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| Histoire | Le château byzantin | La date de construction du château d’Angelókastro n’est pas connue avec certitude ; cependant on pense qu’elle date des XIe et XIIe siècles. En effet, au début du XIe siècle les Normands de Sicile commencèrent à attaquer les possessions de l’Empire byzantin dans le sud de l’Italie ; en 1017 les byzantins perdirent leurs derniers territoires d’Italie et l’île de Corfou se retrouva alors à la frontière occidentale de l’Empire. Les attaques des Normands contre Corfou amenèrent les empereurs de Constantinople à renforcer la défense de l’île au nord-ouest, notamment l’empereur Manuel Ier Comnène (règne de 1143 à 1180). En 1204, la IVe croisade prit Constantinople et disloqua l’Empire byzantin ; quelques morceaux de l’Empire purent être conservés par des successeurs des Comnènes ; les Comnènes Anges furent despotes de l’Épire de 1205 à 1259 ; de 1204 à 1214 l’île de Corfou fut occupée par les Vénitiens ; en 1214, Michel Ier Ange Comnène Doúkas (Μιχαήλ Κομνηνός Δούκας) s’empara de Corfou et renforça la défense de l’île. C’est sous son règne, et sous le règne de son fils Michel II, que les châteaux d’Angelókastro et de Gardíki furent renforcés. En 1259 Michel II Doúkas céda Corfou et une partie de l’Épire à son gendre, Manfred Ier de Sicile. En 1266 Manfred fut vaincu et tué à la bataille de Bénévent par Charles Ier d’Anjou (Carlo I d’Angiò) ; aux termes du traité de Viterbe les Angevins de Naples prirent possession des terres de Manfred, dont faisait partie Corfou. |
| Le château angevin | Les Angevins de Naples prirent possession de Corfou en 1267. En 1272, Giordano Sanfelice, un familier de Charles Ier, prit possession de la forteresse d’Angelókastro au nom du roi de Naples ; le procès-verbal de cette prise de contrôle de la forteresse est le plus ancien document écrit attestant de l’existence du château ; ce document se trouve dans les archives napolitaines. C’est à cette époque que la forteresse fut nommée pour la première fois Castrum Sancti Angeli, le château du Saint Ange, nommé plus tard Castello San Angelo par les Vénitiens et Angelókastro par les Grecs. En 1386, après la mort par empoisonnement du roi Charles III de Naples, Corfou se plaça sous la protection de la République Sérénissime de Venise (en vénitien : Serenìsima Repùblica Vèneta), mais la population était divisée entre Venise, Gênes et Naples. Ainsi, les occupants du château d’Angelókastro, restèrent fidèles au successeur de Charles III, le roi Ladislas Ier de Naples, et résistèrent pendant une année à la prise de contrôle vénitienne ; finalement la remise de la forteresse aux Vénitiens s’effectua pratiquement sans pertes humaines et la forteresse fut remise aux Vénitiens en bon état. |
| Le château vénitien | Le château d’Angelókastro eut une importance accrue sous la domination vénitienne, car la sûreté de la navigation dans le détroit de la mer Adriatique était une préoccupation majeure de la puissance maritime qu’était la République de Venise. Ainsi le gouverneur de la forteresse (« castellano ») était nommé par le bailli vénitien (« bailo ») et non par le Conseil de Corfou, bien que les capitulaires (« capitoli »), privilèges accordés à Corfou lors de son entrée dans la République de Venise, prévoyaient la nomination aux charges publiques par le Conseil de Corfou. Le Conseil obtint plus tard que le gouverneur d’Angelókastro fut élu parmi les nobles de l’île. À partir de ce moment-là, et jusqu’à la fin du XVIe siècle, Angelokastro éfut la capitale officielle de Corfou, car le Provveditore Generale del Levante y résidait. La forteresse dut assez vite affronter de nouveaux ennemis : en 1403 une flotte génoise, forte de 10 000 mercenaires, débarqua à Palaiokastrítsa. Les Génois se rendaient en Terre sainte pour prendre part aux croisades et étaient placés sous le commandement du maréchal de France Jean II Le Meingre, connu sous le nom de « Boucicault ». Après leur débarquement, ils assiégèrent le Castel Sant’Angelo pendant un an ; les Génois brûlèrent et pillèrent les environs ; ensuite, ils tentèrent de s’emparer du château ; après des combats acharnés contre la garnison corfiote, sous la direction d’un noble corfiote, ils furent finalement repoussés. À partir du XVIe siècle débutèrent les attaques turques contre l’île de Corfou ; Corfou devint alors le siège du Provéditeur Général du Levant (« Provveditore Generale del Levante »), commandant de la flotte vénitienne dans cette partie de la Méditerranée. Le premier grand siège de Corfou eut lieu en 1537 : Soliman le Magnifique dépêcha une force de 25 000 hommes sous le commandement de l’amiral Hayreddin « Barberousse » pour attaquer Corfou. Les Ottomans débarquèrent dans la baie de Govino, aujourd’hui Gouviá, et se dirigèrent vers la ville de Corfou, détruisant le village de Potamós alors qu’ils se dirigeaient vers la ville. Le Vieux Fort, seule fortification de la ville de Corfou à cette époque, et Angelókastro furent les deux seuls endroits de l’île qui ne tombèrent pas aux mains des envahisseurs ottomans. Lorsque les Ottomans attaquèrent Angelókastro, 3 000 villageois se réfugièrent dans la forteresse. L’armée d’invasion fut repoussée quatre fois par la garnison corfiote et ne réussit pas à forcer les défenses du château. Dans son « Historia sui temporis ab anno 1494 ad annum 1547 », publiée à Paris en 1553, et traduite en français par Denis Sauvage en 1555, l’historien italien Paolo Giovio raconte l’invasion ottomane de Corfou ; l’auteur mentionne Angelókastro, parmi tous les châteaux de Corfou, et loue la bravoure de ses défenseurs. Alors qu’elle se retirait de Corfou, l’armée ottomane dévasta les zones non défendues de la ville de Corfou et de l’île. Au total, environ 20 000 personnes, qui ne trouvèrent pas refuge dans l’un ou l’autre des châteaux, furent tuées ou emmenées en esclavage. En août 1571, les Ottomans firent de nombreuses tentatives pour conquérir Corfou. L’amiral Kiliç Ali Paşa – un renégat italien né Giovanni Dionigi Galeni – fut envoyé à Corfou par l’empire ottoman en tant que chef d’une force d’invasion et déploya les deux tiers de ses hommes pour assiéger et tenter de conquérir Angelókastro, tandis que le reste de son armée attaquait la ville de Corfou. Après avoir pris Parga et Mourtos, aujourd’hui Sývota, sur la côte ouest de l’Épire, ils attaquèrent l’île de Paxos (Παξοί / Paxi) et y débarquèrent une force. Par la suite, ils débarquèrent sur la côte sud-est de Corfou et créèrent une grande tête de pont allant de la pointe sud de l’île à Lefkími jusqu’à Ýpsos, dans la partie centrale de l’île de Corfou. Ces zones furent complètement pillées et brûlées comme lors des affrontements précédents. Une force ottomane, en route pour la ville, occupa d’abord et détruisit le village de Potamós. Bien que le château de la ville de Corfou fut resté ferme, le reste de Corfou fut détruit et la population en général à l’extérieur des châteaux était sans défense et subit de lourdes pertes, tandis que des maisons, des églises et des bâtiments publics furent incendiés dans les faubourgs de la ville. La garnison Angelókastro, composée d’environ 4 000 paysans des villages voisins, résista avec succès à la force d’invasion et les Ottomans ne réussirent pas à établir une tête de pont sur le flanc nord-ouest de l’île. Après leur siège infructueux, l’armée ottomane se retira d’Angelókastro et se dirigea vers la ville de Corfou à travers les montagnes avec l’intention de poursuivre son siège de la ville. La garnison d’Angelókastro a mis un terme à leurs plans en sortant du château et en faisant rouler des rochers sur les Turcs alors qu’ils se dirigeaient à travers les montagnes pour retourner à la ville de Corfou. À la suite de ces événements, Kiliç mit fin au siège de l’île en détruisant des vignes et des arbres fruitiers au cours de sa retraite, avant de partir avec sa flotte. Ces défaites ottomanes au château de la ville à l’est et à Angelókastro à l’ouest se sont avérées décisives et les Ottomans ont abandonné leurs tentatives de conquérir Corfou. Angelókastro protégea à nouveau la population de la région lors du deuxième grand siège de Corfou par les Ottomans en 1716. En 1797, après la prise de Venise par Bonaparte, l’île de Corfou devint brièvement française ; en 1799 l’île fut reprise par la coalition des Russes, des Turcs et des Anglais. Les troupes napoléoniennes reprirent l’île en 1807 et la tinrent jusqu’à la fin du Premier Empire français, en 1814. De 1814 à 1864 l’île de Corfou fut un protectorat britannique ; les Britanniques se désintéressèrent de la forteresse d’Angelókastro, qui commença à tomber en ruines, vaincue par le passage du temps sans avoir jamais été prise. |
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| | Conditions de visite | De 1999 à 2009, le château fut fermé au public pour des fouilles archéologiques et des travaux de reconstruction et de sécurisation. Le site est désormais sécurisé par des parapets en câbles d’acier. Horaires d’été : tous les jours sauf les lundis, de 10 h à 18 h. Horaires d’hiver : l’accès est libre et gratuit hors-saison ; la lourde grille de fer est normalement entrouverte. Prix d’entrée : 2 €. Téléphone : 00 30 26610 47919 Le site d’Angelókastro est idéal pour pique-niquer pendant les torrides journées d’été : il y règne en permanence une agréable brise. |
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