| L’Achilléion, le palais de Sissi sur l’île de Corfou | |
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| Présentation générale | L’Achilléion est un palais de style néo-classique édifié, à la fin du XIXe siècle, sur l’île de Corfou pour l’impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, Élisabeth de Wittelsbach, familièrement nommée « Sissi (Sisi) ». |
| Étymologie et toponymie | Le nom d’« Achílleion » – en grec classique Άίλλειον, en grec moderne Αχίλλειο – fut donné à son palais par l’impératrice en hommage au héros grec légendaire de la guerre de Troie, Achille (Άιλλεύς), dont Élisabeth admirait la force et la beauté, illustrées par Homère dans l’Iliade. |
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| Le palais de l’Achílleion est situé sur la côte orientale de l’île de Corfou, à 10 km au sud-sud-ouest de la ville de Corfou. L’Achílleion se trouve à 400 m à l’est du village de Gastoúri (Γαστούρι), et à 2 km au nord de la station balnéaire de Benítses (Μπενίτσες). Depuis la ville de Corfou il faut prendre la route 25 en direction de l’aéroport, puis jusqu’à Miliá (Μηλιά) où il faut tourner à gauche en suivant la route 25 en direction de Gastoúri ; le trajet prend une quinzaine de minutes On peut aussi prendre la route côtière en direction de Lefkímmi et tourner à gauche au niveau du cap de Pounta et prendre la route 25 dans l’autre sens en direction de l’Achílleion. Le palais était situé autrefois dans le dème auquel il avait donné son nom, le dème d’Achílleio, mais ce dème a été fusionné avec le dème de Corfou par la réforme de l’administration locale en 2011. L’Achílleio est devenu un district municipal du dème de Corfou. Le palais se trouve au sommet d’une colline boisée, culminant à 145 m d’altitude, qui domine la baie de Benítses et le chenal de Corfou. Depuis le belvédère de l’Achilléion la vue porte, en direction du nord, jusqu’à l’îlot de Pontikoníssi (Ποντικονήσι) et la ville de Corfou ; depuis les jardins la vue porte, en direction du sud-est, jusqu’au cap de Lefkímmi (Akra Lefkimmis). |
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| Le palais de l’Achilléion (Αχίλλειον / Achílleion) | L’impératrice Élisabeth d’Autriche (1837-1898) éprouvait une véritable passion pour le héros légendaire Achille, le vainqueur du roi Hector de Troie ; en 1885 elle visita les ruines de l’antique cité, mises au jour dans les années 1870 par l’archéologue autodidacte Schliemann, et se recueillit sur la tombe d’Achille ; en 1887 elle entreprit un nouveau voyage en Grèce pour suivre le périple de son héros préféré à travers la mer Égée. À cette occasion elle fit la connaissance du consul de l’Empire austro-hongrois à Corfou, le baron Alexander Freiherr von Warsberg (1836-1889), un fin connaisseur de la culture grecque ancienne, qui lui servit de guide lors de ce voyage. À la fin du voyage Warsberg retourna à Corfou pour y reprendre son poste et l’impératrice l’accompagna dans l’île qu’elle connaissait déjà. Warsberg lui montra une villa, la villa Vraila, appartenant à un riche Corfiote, Petros Vrailas Armenis. En novembre 1888 Élisabeth revint à Corfou et décida d’acheter le domaine de la villa Vraina, d’une superficie de 20 ha, et de s’y faire construire un palais dédié au héros Achille. L’impératrice écrivit : « Je veux un palais avec des colonnades et des jardins suspendus, protégé des regards indiscrets, un palais digne d’Achille qui méprisait tous les mortels et ne craignait même pas les dieux. » Élisabeth prit contact avec l’architecte danois Theophil Edvard von Hansen pour concevoir son palais, mais, après avoir vu les premiers dessins de Hansen, préféra confier le projet à l’architecte italien Raffaele Carito qui terminera les plans du palais en 1889. La conception architecturale était destinée à représenter un ancien palais phéacien ; les Phéaciens étaient un peuple légendaire, évoqué dans l’Odyssée, dont on pense qu’ils étaient les premiers habitants de l’antique Corcyre, l’actuelle Corfou. En janvier 1889 l’impératrice Élisabeth fut éprouvée par la tragédie de la mort mystérieuse de son seul fils, l’archiduc Rodolphe ; elle chargea de la direction des travaux le baron Warsberg, puis, après la mort de celui-ci, peu de temps après le début des travaux, le baron August von Bucovich, un capitaine de corvette de la marine austro-hongroise, devenu entrepreneur de transport ferroviaire. La construction de l’Achílleion dura deux années, s’étalant sur les années 1890 et 1891. Édifié quelques décennies après la mise au jour des ruines de Pompéi et d’Herculanum, l’Achílleion est un vaste bâtiment de marbre blanc et de style néo-classique pompéien. Le palais comprend 128 pièces réparties sur un rez-de-chaussée et deux étages, dont de vastes salles décorées de fresques et de motifs antiques. À l’époque d’Élisabeth, le rez-de-chaussée était réservé à l’impératrice tandis que les étages devaient accueillir l’empereur François-Joseph et l’archiduchesse Marie-Valérie. L’impératrice s’occupa elle-même de la décoration, inspirée de la mythologie grecque et du personnage d’Achille, illustrant des scènes héroïques et tragiques de la guerre de Troie. La passion d’Élisabeth pour la mythologie grecque se perçoit dans tout l’édifice ; aux murs, de nombreux tableaux rappellent les scènes les plus héroïques de l’Iliade ; la moindre pièce de mobilier est incrustée de motifs helléniques. |
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| L’entrée du palais | Le domaine de l’Achílleion s’ouvre sur un portail monumental dont la grille métallique est rehaussée d’une inscription dorée qui rappelle le nom grec du palais (ΑΧΊΛΛΕΙΟΝ). De part et d’autre de cette inscription se trouvent des chevaux ailés tandis que des méandres et d’autres motifs géométriques composent la grille. À gauche du portail se trouve l’ancienne conciergerie du palais, devenue de nos jours la billetterie ; sur la gauche se trouve aussi la « Maison des Chevaliers » que Guillaume II fit construire pour héberger sa suite. Une fois le portail passé, un chemin conduit le visiteur vers le bâtiment principal du palais. Dans la cour il y a un autre bâtiment qui abritait les écuries de l’impératrice Élisabeth ; il fut plus tard utilisé comme école élémentaire du village de Gastoúri. Dans la cour d’entrée se trouve une statue d’« Hermès se reposant » située en face du palais ; le revêtement du pied droit de la statue est usé à force d’être frotté par les visiteurs qui y voient un porte-bonheur. Cette statue se trouvait à l’emplacement actuel de l’Achille mourant, quand celle-ci fut elle-même remplacée par l’Achille victorieux. |
| | Le porche d’entrée | L’entrée dans le palais se fait par un porche (n° 1 sur le plan) constitué par deux colonnes de style dorique et deux piliers qui soutiennent la terrasse du premier étage. Guillaume II avait fait fermer le porche au moyen de fenêtres en cristal, mais cette structure a été démontée lors de la restauration de 1962. Sous le porche, sur le côté gauche, se trouve une statue, presque en grandeur nature, de l’impératrice Sissi ; cette statue avait été commandée par l’empereur Guillaume II et placée à l’origine dans les jardins, sous une gloriette ; plus tard la gloriette fut détruite et la statue déplacée à l’entrée du palais. Cette statue est l’un des deux exemplaires réalisés par le sculpteur allemand Ernst Gustav Herter (1846-1917) ; l’autre exemplaire se trouve sur la place située en face de la gare centrale de Salzbourg en Autriche. Élisabeth est représentée d’une manière simple, dépourvue de tout symbole de la puissance impériale ; vêtue d’une robe austère, portant un crucifix à son cou, un cadeau de son fils, mort peu auparavant ; son visage est triste et maîtrisé, affecté par cette perte cruelle. La porte d’entrée, créée par l’atelier Caponetti à Naples, est ornée de lions, de griffons et de méduses. Les deux bas-reliefs principaux représentent Zeus sur un char, qui lance la foudre sur les Titans, et Achille sur un quadrige qui tourne son regard, protégé par son bouclier. |
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| Le vestibule de l’entrée | Le vestibule d’entrée de l’Achílleion (n° 2 sur le plan) était aussi utilisé comme salle de réception pour recevoir les invités illustres. Le vestibule a un plafond orné de magnifiques décorations, dont une fresque remarquable qui occupe la plus grande partie du plafond, la fresque « Les Quatre Saisons et les Heures » (Le quattro Stagioni e le Ore) ; cette fresque est une œuvre des peintres italiens de Naples Vincenzo Galloppi (1849-1942) et Salvatore Postiglione (1861-1906) ; sa réalisation a duré dix-huit mois. Cette fresque aurait été l’une des œuvres préférées d’Élisabeth. La fresque allégorique montre des personnages féminins et des angelots qui représentent les saisons de l’année : les trois cupidons qui jouent avec des fleurs symbolisent le printemps ; les quatre angelots qui volent dans le ciel, tenant des coquilles Saint-Jacques, sont la représentation de l’été ; les deux cupidons dans les bras des femmes sont les symboles de l’automne ; les quatre femmes autour du feu, sur le côté opposé de la rivière, représentent l’hiver. Les Heures, filles de Zeus et de Thémis, gardiennes des portes de l’Olympe, dansent dans le ciel en se tenant par la main. Le vestibule est dominé par un imposant escalier en marbre menant au 1er étage ; au pied de l’escalier se tiennent des statues de bronze d’Héra, avec un paon à ses pieds, et de son époux légitime Zeus, avec un aigle à ses pieds. Sur le côté gauche du vestibule se trouve une cheminée de marbre de Portovenere, un précieux marbre noir de la région de La Spezia ; la cheminée est ornée d’une horloge en or fin datant de l’époque d’Élisabeth et de deux statuettes, œuvres du sculpteur allemand Fritz Heinemann (1864-1932), qui représentent Athéna, la déesse de la sagesse, des arts et de la guerre, et Hébé, la déesse de la jeunesse, fille de Zeus et d’Héra. Sur le mur du côté droit du vestibule on peut voir une copie d’un portrait de l’impératrice Élisabeth âgée de 27 ans, peint par le peintre allemand Franz Xaver Winterhalter (1805-1873), le célèbre peintre des cours européennes. Élisabeth avait fait venir le tableau original de Vienne ; ce tableau original est de nos jours conservé à la Hofburg, la résidence impériale à Vienne. Aux coins de la salle, en face de l’entrée, se trouvent deux amphores de porcelaine florentine de couleur turquoise représentant des épisodes de la mythologie grecque. | |
| La chapelle catholique de l’impératrice Élisabeth | La chapelle catholique, où priait l’impératrice Élisabeth, est située immédiatement à droite de l’entrée (n° 3 sur le plan). Cette chapelle recèle des œuvres d’art : au-dessus de l’autel, une « Vierge à l’Enfant » par Franz von Matsch (1861-1942), également auteur de la fresque du « Triomphe d’Achille », située dans le grand escalier ; la fresque du plafond en forme de voûte représente le « Procès de Jésus » devant Ponce Pilate ; son auteur est inconnu. Sur la gauche de la chapelle se trouve une statue de le « Vierge à l’Enfant », une œuvre du sculpteur italien Baldassare Polari ; comme l’indique l’épigraphe de la base, il s’agit d’une copie de la statue dorée placée au sommet du clocher de la basilique Notre-Dame de la Garde, à Marseille, protectrice des marins et des pêcheurs. D’autres statues et bas-reliefs ornent la chapelle : saint Janvier, statue d’albâtre du saint patron de la ville de Naples, San Gennaro ; la visite de Notre-Dame à Élisabeth ; une « Vierge avec Jésus » et une « Naissance de Jésus », deux œuvres des frères florentins Luca et Andrea Della Robbia. Dans l’une des vitrines sont conservés les parements sacrés que le pape Pie IX avait offerts à Élisabeth en décembre de 1869 quand l’impératrice fut reçue en visite officielle. Élisabeth se trouvait à Rome pour assister à l’accouchement de sa sœur cadette Marie-Sophie qui vivait en Italie ayant épousé François II de Bourbon, le dernier souverain du Royaume des Deux-Siciles. |
| La salle de l’impératrice Élisabeth | La salle de l’impératrice est située juste après la chapelle (n° 4 sur le plan) ; cette salle conserve de nombreux souvenirs de l’impératrice Élisabeth d’Autriche : différents bibelots et autres menus objets ayant appartenu à la souveraine. Sur la commode se trouvent des chandeliers ayant appartenu à Sissi ; accroché au mur au-dessus de la commode, un plateau montre une peinture du château de Miramare, près de Trieste, qui était une des propriétés de la famille impériale autrichienne. Dans une vitrine on peut voir des bustes d’empereurs en porcelaine, un modèle préparatoire d’une statue de Sissi, deux petites amphores de Murano (Venise), une amphore, de forme élancée, en porcelaine de Capodimonte (Naples), représentant des bateaux au milieu de la mer. Quelques photographies rappellent des moments dans la vie de l’impératrice, y compris une triste photographie du cénotaphe de son fils Rodolphe. Dans deux cadres sont exposées des photographies et des documents du « Département de justice et police du Canton de Genève » concernant l’assassinat de Sissi et ses funérailles. La photographie de l’anarchiste italien Luigi Lucheni, entre des gardes, venant d’être arrêté, crée un certain trouble parce que l’homme sourit d’avoir réussi son dessein criminel dément. D’autres objets comprennent : un album avec des photographies de la construction de l’Achílleion et du jardin, une biographie de François-Joseph ; un poème pour le premier anniversaire de leurs fiançailles ; une copie d’un tableau de Franz von Matsch représentant Guillaume II au cours des célébrations des 60 années de son règne dans le château de Schönbrunn à Vienne ; deux lithographies d’Élisabeth et de François-Joseph à 17 et 24 ans, âges auxquels ils convolèrent en mariage ; un portrait d’Élisabeth à l’âge de 29 ans. |
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| Le bureau du kaiser Guillaume II | Dans le bureau du kaiser Guillaume II (n° 5 sur le plan) de nombreux objets personnels de l’empereur d’Allemagne sont exposés. Au-dessus de l’écritoire, un cadre présente son portrait en uniforme d’amiral de la marine allemande sur la terrasse de l’Achílleion ; on remarque que le kaiser ne montre pas son bras gauche, caché derrière son dos, car il avait l’habitude de dissimuler l’infirmité de son bras gauche, atrophié par un accouchement difficile. Ce portrait est l’œuvre de Willy Stöwer, un peintre de marine allemand. Ce tableau est l’un des nombreux tableaux réalisés par Stöwer qui était souvent présent à la cour impériale et qui accompagnait l’empereur lors de ses voyages. Les trois peintures de navires que l’on peut voir sont de ce même auteur : les deux tableaux sur la droite montrent le yacht « SMY (Seiner Majestät Yacht) Hohenzollern », du nom de la dynastie de l’empereur, le tableau sur la gauche représente l’« Implacable », un navire de guerre britannique qui avait accosté à Corfou en 1908. La salle du kaiser présente aussi une maquette de son yacht, le « Hohenzollern », rappelant le goût du kaiser pour la mer et la navigation. Une curiosité est l’écritoire de l’empereur, dont le siège est une selle de cheval pivotante, confirmant qu’il n’y a qu’un seul endroit « Wo der Kaiser zu Fuß hingeht ». Sous la peinture du château de Hohenzollern, au clair de lune, il y a un poêle de porcelaine intéressant, avec un intérieur en fonte. À côté de la fenêtre, sur une commode, sont disposées une table de toilette bavaroise en porcelaine et une cruche avec le monogramme royal et les armoiries prussiennes. Sont présentées aussi des photographies acquises par la société du baron Hartmann von Richthofen, qui avait loué l’Achílleion en 1962 pour en faire un casino : Guillaume II, avec son épouse Augusta-Victoria, sa fille Vittoria-Louise, sa sœur Sophie et le roi de Grèce ; certaines photographies illustrent les fouilles sur l’île subventionnées par Guillaume II et la phase de transport des parties de la statue de l’« Achille victorieux », puis le remontage de la statue dans le jardin. |
| Le fumoir | La première salle à gauche du vestibule est l’ancien fumoir (n° 6 sur le plan), qui est utilisée de nos jours comme boutique du musée. La fresque du plafond, d’un auteur inconnu, dépeint l’amour et la psyché, protagonistes de l’histoire célèbre de l’écrivain romain Apulée (Lucius Apuleius) dans son ouvrage « Les Métamorphoses ». |
| La salle à manger de l’impératrice Élisabeth | Sur la gauche du vestibule se trouve ensuite la vaste salle à manger de l’impératrice Élisabeth (n° 7 sur le plan), dont les murs bleus sont décorés d’angelots en stuc, survivants de la précieuse décoration de style rococo des murs et du plafond à l’époque de Sisi. On peut y voir une cheminée en marbre richement ornée de dessins et de bas-reliefs de personnages de la mythologie grecque. Au-dessus de la cheminée se trouve une des plus belles peintures de l’Achílleion, un tableau de Ludwig Thiersch (1825-1909) représentant la rencontre d’Ulysse et de la princesse phéacienne Nausicaa. Le peintre bavarois était professeur à l’Académie des beaux-arts à Athènes entre 1852 et 1855. Amateur des sujets mythologiques et religieux, Thiersch fixe le conte de l’Odyssée d’Homère au moment où Nausicaa, lumineuse et sereine, pas du tout intimidée par la nudité d’Ulysse lui donne ses vêtements. L’homme est à genoux, dans la crainte de se montrer nu, et avec un léger geste montre sa gratitude. Homère raconte qu’Ulysse, après avoir fait naufrage avec son navire à Schérie, terre des Phéaciens, s’endormit sur la plage ; Nausicaa, fille d’Alcinoos, roi des Phéaciens, alla à la mer avec ses servantes pour laver ses vêtements ; réveillé par les cris des filles, Ulysse sortit des buissons où il dormait, complètement nu ; à sa vue, les servantes s’enfuirent, mais Nausicaa offrit ses vêtements à Ulysse. La peinture et l’histoire sont étroitement liées à l’île, parce que quelques érudits du mythe supposent que Schérie est précisément Corfou, identifiant dans Ermones la plage où Ulysse s’est endormi. Parmi les meubles se trouvent une chaise longue semblable à un triclinium de la Rome antique, un bureau blanc, quelques lampes et une petite table avec un style excentrique : le pied de la table est une statuette représentant une cariatide. C’est l’un des nombreux objets qui témoignent de l’amour d’Élisabeth pour la Grèce antique. La vaisselle était placée sous le signe du dauphin et l’on retrouve cet animal à la fois sur l’argenterie, la verrerie, la porcelaine et le linge de maison. |
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| L’étude de l’impératrice | Le meuble principal de la salle d’étude de l’impératrice est, bien sûr, son bureau en bois dont la table, simple et légère, contraste avec les pieds massifs, sculptés de griffons, l’un des symboles de l’Empire austro-hongrois ; ces griffons sont répétés, à une échelle réduite, sur les pieds de la chaise. À côté du bureau se trouve une chaise longue. La bibliothèque est ornée de marqueterie représentant les têtes des déesses Athéna, Déméter, Héra et Perséphone ; cette bibliothèque contient une collection de poèmes de Heinrich Heine, un auteur allemand aimé par Élisabeth ; les biographies de Guillaume II ; un livre sur l’Achílleion de l’historien Constantin Anastasios Christomanos, professeur de grec d’Élisabeth, et auteur de sa fameuse biographie « Élisabeth de Bavière » ; des photographies des membres de la maison de Hohenzollern. Au-dessus de la bibliothèque se trouve une peinture de Guillaume II sur le yacht impérial « SMY Hohenzollern ». À côté du tableau, une des épées du kaiser. La plupart des statuettes qui ornent la salle d’étude de « Sisi » sont des copies modernes d’œuvres exposées au Musée archéologique de Naples ou aux musées du Vatican. Le plus intéressant est l’Apoxyomène (άποξυόμενος, « celui qui nettoie »), une œuvre de Lysippe datant de la fin du IVe siècle avant JC. L’original de cette statue a été perdu, mais il en existe plusieurs copies anciennes. Le jeune homme est représenté nettoyant son corps au moyen d’un strigile, une sorte de racloir utilisé par les athlètes pour nettoyer leur corps de la poussière, de la sueur et de l’huile utilisée dans les courses. |
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| Le grand escalier | En face de l’entrée se dresse un escalier monumental fait de marbre, avec une rampe d’appui en bronze, entouré des statues de Zeus (à droite) et d’Héra (à gauche). Cet escalier est inspiré de celui de l’Opéra Garnier à Paris. | | | En haut de la cage d’escalier on découvre une grande fresque, de 10 m par 4 m, qui représente le « Triomphe d’Achille », une œuvre du peintre autrichien Franz von Matsch (1861-1942) datant de 1892, illustrant la victoire d’Achille sur Hector, le roi de Troie. Achille (Άχιλλεύς) traîne derrière son char, autour des murailles de Troie, le corps sans vie d’Hector (Έκτωρ) afin de venger la mort de Patrocle (Πάτροκλος), le meilleur ami d’Achille tué de la main d’Hector ; Achille, orgueilleusement dressé sur son char, enveloppé d’un nuage de poussière, brandit le casque d’Hector. La scène se déroule sous les murs de la citadelle de Troie ; la foule des Troyens assiste impuissante au triomphe de leur ennemi. Au-dessus de la porte de la citadelle on remarque une croix gammée, antique symbole solaire de bien-être et de bonheur, un des symboles découverts par l’archéologue Heinrich Schliemann, lors des fouilles de Troie dans les années 1870. | |
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| La salle de bal | Au premier étage de l’Achílleion, à l’arrière du portique des Muses, se trouvait la salle de bal du palais. Cette salle connut une certaine célébrité à partir de l’année 1962 quand l’Achílleion fut loué à une société gérée par le baron Hartmann von Richthofen pour y installer le casino de Corfou. Le rez-de-chaussée de l’Achílleion fut transformé en musée consacré à l’impératrice Élisabeth et au kaiser Guillaume II ; Richthofen parvint à récupérer une partie des objets ayant autrefois appartenu aux collections du palais. La salle de bal du premier étage fut transformée en salle de casino ; en 1981 cette salle de casino fut utilisée pour tourner une séquence d’un film de la série des James Bond, « Rien que pour vos yeux » (« For your eyes only »), de John Glen, avec Roger Moore et Carole Bouquet. Une autre séquence du film montre l’« Agent 007 » rentrant du casino vers la ville de Corfou par la route côtière où l’on aperçoit le « Pont du Kaiser » situé en contrebas de l’Achílleion. En 1983 le bail de location prit fin et l’Achílleion devint exclusivement un musée, géré par l’Office Hellénique du Tourisme ; le casino de Corfou fut transféré dans ce qui était à l’époque l’hôtel Hilton, situé à la pointe de la presqu’île de Kanóni. |
| Le péristyle des Muses | Au premier étage, accolé à la salle de gala, se trouve le « Péristyle des Muses » ; ce péristyle des Muses est plutôt un portique des Muses, en forme de lettre « L » constitué de colonnes de style dorique. Devant le portique, adossées aux colonnes, se trouvent les statues des neufs Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne, protectrices des arts et des sciences, qui donnent son nom au portique ; ces statues sont des copies de celles des jardins de la Villa Borghese à Rome. Devant la branche courte du portique se trouvent des statues des Trois Grâces antiques, déesses du charme et de la beauté. On peut reconnaître chacune des Muses à ses attributs traditionnels, mais une plaque de cuivre y aide quelque peu : Terpsichore, avec sa lyre, la muse de la danse et de l’art choral ; Euterpe, la muse de la musique et de la poésie lyrique, inventrice de divers instruments de musique dont le aulos, la double flûte qu’elle tient dans sa main droite ; Uranie, la muse de l’astronomie et de la géométrie, tient un petit instrument pour mesurer la sphère céleste ; Thalie, la muse de la comédie, a une plume et une feuille roulée, contrairement à la représentation classique avec le masque comique ; Érato, la muse de la poésie amoureuse, avec sa tête entourée d’une guirlande de roses, d’une part une lyre et dans l’autre un plectre ; Clio, la muse de l’histoire, avec une trompette à la main et une feuille dans l’autre ; Melpomène, la muse de la tragédie, avec un masque tragique ; Polymnie, réfléchie et songeuse, la muse de la poésie chorale et des hymnes sacrés et héroïques ; Calliope, la muse de la poésie épique, censée avoir inspiré Homère, représentée avec un doigt sur la joue et une feuille dans l’autre main. Cette stoá a beaucoup perdu de sa magnificence originelle en raison des modifications effectuées par Guillaume II en 1907 et par la société du baron von Richthofen après 1962. Le plafond à caissons qui, à l’époque de l’impératrice, avait des couleurs vives est, de nos jours, d’un blanc uniforme et les fresques murales, qui relataient des épisodes de la mythologie de la Grèce antique, ont été effacées pour faire place aux grandes portes-fenêtres de la salle de bal devenue un casino. Sous le portique, adossés à des pilastres, se trouvent les bustes de ceux que l’impératrice Élisabeth considérait comme les plus grands philosophes, poètes ou orateurs de l’Antiquité grecque ; ces bustes sont des copies de statues exposées au Musée archéologique de Naples. Dans cette « Galerie des Philosophes » on trouve : Démosthène (Δημοσθένης), homme politique athénien du IVe siècle avant JC (384-322 avant JC), l’un des plus grands orateurs de la Grèce antique ; Sophocle (Σοφοκλής), né à Athènes au Ve siècle avant JC et l’un des plus grands poètes tragiques de la Grèce antique ; Lysias (Λυσίας), né à Syracuse en 445 avant JC, mais qui a vécu la plus grande partie de sa vie à Athènes où il a été un éminent orateur et logographe (écrivain pour le paiement des harangues judiciaires) ; Métrodore (Μητρόδωρος), l’un des plus grands philosophes épicurien, né en 331 avant JC à Lampsaque, ville grecque de Mysie, région historique de l’Asie mineure ; Platon (Πλάτων), l’un des plus grands philosophes de l’histoire, qui vécut à Athènes entre les Ve et IVe siècles avant JC ; Homère (Όμηρος), poète grec, auteur de l’Iliade et de l’Odyssée ; le philosophe grec Carnéade de Cyrène (Καρνεάδης) (214-129 avant JC), connu pour ses théories sur l’impossibilité de savoir ; Euripide (Εύριπίδης) (485-406 avant JC), dramaturge de l’île grecque de Salamine, auteur de la fameuse tragédie « Médée » ; Périandre (Περίανδρος), philosophe et tyran de Corinthe du VIIe-VIe siècle avant JC ; Zénon d’Élée (Ζήνων) (489-431 avant JC), philosophe de Magna Graecia ; Antisthène (Άντισθένης) (444-365 avant JC), philosophe cynique ; Posidonios d’Apamée (Ποσειδώνιος) (135-51 avant JC), philosophe stoïcien. Sur la base de chaque buste se trouve gravé le nom grec du personnage. Un intrus s’est glissé parmi ces douze grands hommes de l’Antiquité : le treizième buste est celui, non pas de Judas, mais du dramaturge et poète anglais qui vécut entre les XVIe et XVIIe siècles, William Shakespeare, car Élisabeth considérait qu’il était digne de figurer parmi ces grands hommes. |
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| Le jardin des Muses | Le « Jardin des Muses » est en réalité une grande terrasse dallée de dalles blanches et noires disposées en quinconce. Cette terrasse est bordée sur son côté ouest par le portique des Muses qui donne son nom à la terrasse. La cour est agrémentée de quelques parterres végétaux plantés de cyprès, de palmiers, de cycas, de bougainvillées et cetera. Sur le côté opposé au portique, à l’est, se trouve un banc semi-circulaire en marbre blanc, tournant le dos à la mer. Ce banc est équipé d’une petite table ronde, elle aussi en marbre. C’est ici que s’asseyait l’impératrice Élisabeth pour pleurer son fils Rodolphe ou pour y attendre l’arrivée du navire apportant le courrier à Corfou ; pour cette raison ce banc est surnommé la « Véranda des Larmes ». À l’époque de Sissi le banc était couvert d’un chapiteau richement décoré qui a été supprimé par Guillaume II. L’élément le plus intéressant de cette cour est la fontaine centrale qui est ornée de deux sculptures en bronze. À côté du bassin se trouvent une petite sculpture en marbre et la statue en bronze du Satyre avec le petit Dionysos (Bacchus) sur ses épaules, une réplique en bronze par le sculpteur berlinois Ernst Gustav (1846-1917) ; l’original est une sculpture en marbre visible au Musée archéologique de Naples. Certains nomment parfois cette statue le « Musicien aux Cymbales ». Au milieu du bassin se trouve une singulière sculpture en bronze, « Arion et le Dauphin ». Les deux protagonistes ont leurs corps tellement enroulés qu’ils semblent ne former qu’un seul être. Arion de Méthymne était l’un des plus grands joueurs de cithare de la Grèce antique. Sa musique ravit Périandre, philosophe et tyran de Corinthe, qui, cependant, se priva de son art en convainquant le garçon de voyager pour que le monde pût écouter sa musique. Arion alla en Sicile et en Italie ; grâce à son art, il devint riche et célèbre ; quand il décida qu’il était temps de retourner à Corinthe, il embarqua sur un navire à Tarente dans les Pouilles, mais les marins, qui voulaient lui voler toutes ses richesses accumulées, décidèrent de le tuer ; ils lui permirent de se suicider pour obtenir un enterrement digne, sinon ils l’auraient jeté dans la mer ; Arion demanda à pouvoir jouer une dernière fois ; il joua de la cithare et chanta une louange à Apollon : sa musique attira quelques dauphins ; dès qu’il eut fini, il sauta dans la mer et l’un des dauphins le sauva en l’emmenant au sanctuaire de Poséidon au Cap Ténare en Laconie, à la pointe méridionale du Péloponnèse en Grèce ; arrivé sur la rive, désireux de revenir immédiatement à Corinthe, Arion oublia de remettre à la mer le dauphin qui mourut ; Arion retourna à Corinthe et raconta l’histoire à Périandre qui ordonna d’enterrer le dauphin et de lui ériger un monument funéraire. Lorsque les marins retournèrent à Corinthe, Périandre feignit de ne rien savoir et leur demanda des nouvelles d’Arion ; ils répondirent qu’il voyageait autour de l’Italie, plein de gloire et de richesse ; Périandre répondit : « Demain, vous jurerez devant le monument du dauphin ! » et les mit en prison ; le lendemain, devant le lieu de sépulture du dauphin, ils jurèrent qu’ils avaient dit la vérité, mais Arion apparut, les laissant stupéfaits ; le tyran fit crucifier les marins près de la tombe du dauphin. Dans ses livres l’astronome Hyginus raconte qu’Apollon, enchanté par la musique d’Arion, le plaça parmi les étoiles avec le dauphin qui l’avait sauvé. Même aujourd’hui, il est possible de les observer dans le ciel parce qu’ils ont été transformés en la constellation de la Lyre et du Dauphin. Enfin, sur le côté nord du jardin des Muses, au début de l’escalier descendant vers le Jardin d’Achille mourant, sont placées deux statues qui se font face, des œuvres splendides d’un auteur inconnu ; ces statues sont nommées parfois « Les Coureurs », parfois « Les Lutteurs » ou « Les Assaillants ». Ce sont des copies de statues du Ier siècle avant JC exposées au Musée archéologique national de Naples ; elles avaient été trouvées dans le grand péristyle de la « Villa des Papyrus » à Herculanum ; elles étaient elles-mêmes des copies d’une statue grecque en marbre du IVe-IIIe siècle avant JC. L’incertitude sur le nom de ces statues vient du fait que les historiens ont longtemps débattu sur le genre d’athlète dont il s’agissait. Le geste de la main droite pourrait faire penser à une prise, donc à un lutteur, mais le physique mince, la forte inclinaison du torse en avant et les pieds avec les talons levés faire penser plus vraisemblablement la thèse qu’il s’agit d’une poussée vers l’avant typique du coureur sur la ligne de départ. On peut admirer la restitution dynamique de l’acte athlétique qui implique tous les muscles du corps et l’expression du visage de l’athlète, déterminé à gagner la course. Dans le coin sud-est du jardin des Muses, sur une petite terrasse circulaire en saillie, Sisi avait fait construire un petit temple dédié au poète allemand Heinrich Heine dont elle admirait l’œuvre. Ce petit temple, en forme de rotonde, était constitué de six colonnes d’ordre ionique soutenant une coupole ; sous la coupole se trouvait la statue de Heine, réalisée par le sculpteur danois Louis Hasselriis (1844-1912). Près de la rotonde, Sisi avait fait édifier le cénotaphe de Rodolphe, le monument funéraire en mémoire de son fils. En 1907 l’empereur allemand Guillaume II acquit le palais de l’Achílleion et, en 1908, il fit retirer et vendre la statue de Heine, celui-ci n’ayant pas été tendre pour le kaiser dans certains de ses poèmes et de ses pamphlets, et qui signait de façon provocante « Heine, Prussien libéré » ; la statue de Heine erra de Hambourg, en 1908, à Altona, en 1927, pour finir, depuis 1939, dans le jardin botanique du port de Toulon, dans le sud de la France. À la place de la statue de Heine, Guillaume II fit installer une statue de l’impératrice Élisabeth commandée au sculpteur Ernst Herter (1846-1917). Plus tard le petit temple fut détruit et la statue de Sisi fut déplacée sous le porche du palais, où on peut encore la voir aujourd’hui. |
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| Le jardin d’Achille mourant | On accède à la seconde terrasse de jardins, le jardin d’Achille mourant (Αχιλλεύς θνήσκων), par quelques marches d’escalier placées entre les deux statues des « Coureurs ». La pièce maîtresse de ce jardin est une statue représentant le héros Achille mortellement blessé par une flèche, tirée par Pâris, qui lui a percé le talon, la seule partie de son corps qui fut vulnérable. Selon la légende bien connue, la mère d’Achille, Thétis, avait plongé le nouveau-né dans le fleuve Styx afin de le rendre invulnérable, mais le talon par lequel elle le tenait n’avait pas était protégé. Cette statue d’Achille mourant (Sterbender Achill) est une œuvre créée à Berlin en 1884 par le sculpteur allemand Ernst Gustav Herter, spécialiste des œuvres inspirées de la mythologie grecque ; le héros étendu, coiffé d’un casque d’hoplite mais sans cuirasse ni bouclier, tente d’arracher la flèche de son talon ; une expression de douleur sur le visage et le regard tourné vers le ciel, il semble chercher de l’aide auprès de l’Olympe. L’impératrice Élisabeth acquit la statue, après la construction de l’Achílleion, pour la placer dans ses jardins, près du belvédère, là où se trouve de nos jours la statue d’Achille victorieux. | |
| Le jardin d’Achille victorieux | La troisième terrasse de jardins porte, de nos jours, le nom de jardin d’« Achille victorieux » (« Νίκων Αχιλλεύς »), car une énorme statue d’Achille domine cette terrasse. À l’emplacement de cette statue se trouvait, à l’époque de Sisi, la statue d’« Achille mourant » ; mais, après qu’il avait acquis le domaine de l’Achílleion, en 1907, l’empereur d’Allemagne Guillaume II fit déplacer la statue d’« Achille mourant » vers la seconde terrasse. Le roi de Prusse avait, lui aussi, de l’admiration pour le héros mythique de la guerre de Troie, mais l’épisode de la mort d’Achille ne convenait pas à son tempérament belliqueux, voire belliciste. En 1909, Guillaume II commanda la statue d’un Achille victorieux (Siegreicher Achill) au sculpteur allemand de Potsdam, Johannes Götz (1865-1934). Le kaiser fit venir à Corfou l’archéologue Reinhard Kekulé von Stradonitz, qui était également son conseiller, pour obtenir des conseils sur l’emplacement de la statue. Comme on peut le voir sur quelques photographies de l’époque, exposées dans la chambre de l’empereur, l’imposante statue fut transportée par bateau en plusieurs blocs pour être réassemblée sur place. La colossale statue d’« Achille victorieux » de l’Achílleion serait la plus grande statue d’Achille existante : cette statue de bronze mesure près de 6 m de hauteur, et 11,5 m en comptant la hauteur du piédestal en marbre et la lance ; la lance mesure à elle seule 7,5 m ; la statue pèse 4,5 tonnes. Le guerrier Achille est représenté au moment de sa victoire, sans doute après qu’il avait tué Hector et avant d’être lui-même tué par une flèche de Pâris, le frère d’Hector. La silhouette est gracieuse, le visage, jeune et agréable, légèrement incliné vers le haut, exprimant l’assurance et l’orgueil ; bien que stationnaire, la position des jambes révèle qu’il est prêt à combattre. Achille porte l’uniforme complet des hoplites avec le casque et la cuirasse, ainsi que des genouillères de protection décorées de têtes de lion ; il est armé d’une lance et protégé d’un bouclier décoré au centre d’un bas-relief à l’effigie de la Gorgone Méduse, symbole de prudence et de puissance, qui devait pétrifier tous les ennemis. Cette haute statue, de nos jours entourée de palmiers, se dresse face au nord et à la ville de Corfou. À l’époque de Guillaume II, le casque et la pointe de la lance étaient dorés afin que le kaiser pût, par temps clair, localiser la statue depuis son navire ancré dans le port de Corfou ; de nos jours, la dorure est altérée et n’est plus reconnaissable. C’est aussi Stradonitz qui aurait conseillé au kaiser de faire graver sur le piédestal de la statue, au-dessous du nom d’Achille en grec (ΑΧΙΛΛΕΥΣ), la dédicace en grec : « ΓΕΡΜΑNΩΝ ΚΡΑΤΕΩΝ ΓΟΥΛΙΈΛΜΟΣ ΤΟΝΔΕ ΑΧΙΛΗA ΣΤΗΣΕΝ ΠΗΛΕΙΔΗΝ ΜΝΗΜΑ ΕΠΙΓΙΓΝΟΜΕΝΟΙΣ 1910 ». « Le chef allemand Guillaume a érigé ce Péléide Achille comme un mémorial pour la postérité 1910 ». Lorsque l’Achílleion fut occupé et transformé en hôpital de la Marine par les troupes françaises, pendant la Première Guerre mondiale, les Français firent effacer cette inscription. La terrasse d’Achille était l’endroit préféré de l’empereur Guillaume II, comme il avait été celui de l’impératrice Élisabeth : elle avait l’habitude de s’y asseoir sous un grand parasol pour lire et écrire, surtout au coucher et au lever du soleil, quand elle pouvait profiter d’une atmosphère de paix et de silence, et d’une vue imprenable de l’île, auprès de la statue de son héros préféré. Dans le Jardin d’Achille victorieux on peut aussi voir deux statues, à côté d’une baignoire en marbre ; bien que similaires ces statues représentent deux sujets différents : l’une représente une des Hespérides, ces jeunes femmes qui, selon la mythologie grecque, vivaient sur une île comme gardiennes d’un jardin avec des fruits magiques, et l’autre représente Déméter, la déesse de l’agriculture. La jeune femme nue représentée par une sculpture de marbre blanc est Phryné, une œuvre de l’artiste allemand Fritz Heinemann (1864-1932). Phryné était le nom de scène de Mnésareté, une femme grecque qui vivait au IVe siècle avant JC et qui était une hétaïre, c’est-à-dire une prostituée, d’une beauté extraordinaire, qui avait de nombreux amants influents. Elle posait comme modèle pour des sculpteurs célèbres, et eut une longue relation professionnelle – et même amoureuse, selon certains – avec Praxitèle. Son corps parfait était idéal pour sculpter les statues d’Aphrodite, déesse de la beauté. Cependant, sa renommée et sa richesse n’étaient pas vues d’un bon œil par les Athéniens les plus traditionalistes ; elle était devenue une menace pour les politiciens et les aristocrates. Elle fut accusée d’impiété, un crime qui, à l’époque, lui faisait encourir la peine de mort. En particulier, elle fut accusée d’organiser des festins obscènes, d’avoir corrompu des jeunes gens, d’avoir dilapidé les biens de nombreux hommes et d’avoir introduit le culte d’une nouvelle divinité. Phryné fut défendue par Ipéride, l’un des plus grands orateurs de l’histoire grecque, avec qui il est dit qu’elle avait aussi une relation amoureuse. Bien qu’Ipéride écrivit, pour le procès de Phryné, l’un des meilleurs et des plus célèbres discours de l’époque, mais il ne réussit pas à convaincre les juges. Puis, par un coup de théâtre, il enleva le chiton de Phryné, découvrant son magnifique corps nu devant les juges pour que sa beauté décrète son innocence. Le sculpteur Heinemann montre Phryné juste au moment où elle est dénudée : avec sa main gauche elle retient sa robe et avec sa main droite elle semble vouloir se recoiffer. Phryné paraît avoir conscience de son immense beauté, l’étalant sans gêne, avec une légère vanité et une pincée d’exhibitionnisme et de provocation. Élisabeth voulut cette statue dans son jardin, signe de sa grande sagesse qui lui permettait d’apprécier la beauté féminine au-delà de tout jugement moral. | |
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| Le belvédère | À l’extrémité nord du jardin d’Achille victorieux se trouve un belvédère équipé d’une balustrade d’où la vue est magnifique : par temps clair on peut apercevoir la lagune d’Halikiopoulos, l’îlot de Pontikonissi et la ville de Corfou, et, au-delà, la côte de l’Épire, la côte sud-ouest de l’Albanie et le mont Pantokrator, au nord de l’île de Corfou. Au pied du belvédère les vallées verdoyantes et les collines à la végétation luxuriante descendent jusqu’à la mer. | |
| Le bois de l’Achílleion | Depuis les jardins du palais un chemin permet de descendre jusqu’au « Pont du Kaiser ». Ce chemin traverse un bois à l’abondante végétation, composée de myrtes, de citronniers, d’oliviers et de lauriers roses. Sous les jardins, au-delà d’une petite porte verte, se trouve une statue en marbre de Lord Byron (1788-1824), célèbre poète anglais que l’excentrique Sisi admirait pour son amour de la liberté et son affection pour la Grèce. Au cours des dernières années de sa vie, Byron participa activement à la guerre d’indépendance grecque en 1821. En 1824, Byron était à Missolonghi, l’invité de son ami Alexandros Mavrokordatos, le patriote et futur premier ministre de la Grèce. Dans cette ville non loin de Patras, Byron mourut à l’âge de seulement 36 ans, à cause de sa mauvaise santé, aggravée par sa participation aux activités révolutionnaires. L’auteur inconnu de cette statue a représenté le poète dans une attitude réfléchie : assis sur un fauteuil, sa main gauche soutient pensivement sa tête, son visage apparaît distingué et mature, malgré son jeune âge ; sa main droite tient un livre ouvert reposant sur sa jambe. Le manteau est moulé avec beaucoup de précision. Cette représentation est l’une des rares œuvres dans l’Achílleion qui ne soit ni un sujet de la mythologie grecque, ni un sujet de l’antiquité classique. | |
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| Histoire | L’impératrice d’Autriche Élisabeth découvrit pour la première fois l’île de Corfou en 1861, alors qu’elle n’avait pas encore 24 ans, mais avait déjà donné quatre enfants, dont un fils, à son époux l’empereur François-Joseph. La raison de son voyage fut officiellement d’améliorer sa santé par un séjour dans un pays ensoleillé, mais en réalité elle voulait s’éloigner de la cour des Habsbourg car son mariage avec François-Joseph était en train de sombrer et l’atmosphère de la cour lui était de plus en plus insupportable. Sisi fut charmée par le climat, les paysages et la végétation de l’île ; elle s’éprit aussi de la civilisation hellénique. L’impératrice ne rentra à Vienne que deux ans plus tard. Au cours des années qui suivirent, Sisi multiplia les voyages en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et ne retrouva son époux que rarement ; en 1867 elle fut pourtant couronnée reine de Hongrie et son époux roi de Hongrie. Élisabeth voyagea en train, mais le plus souvent à bord de son yacht impérial que François-Joseph lui a offert, le « Miramar », un yacht à vapeur de 92 m de longueur, servi par un équipage d’une centaine de marins et de quatorze officiers. Elle retourna en Grèce et sa passion pour la culture et la mythologie de la Grèce antique se renforça, notamment pour le héros Achille, à travers la lecture des poèmes d’Homère, l’Iliade et l’Odyssée. En octobre 1885 l’impératrice visita les ruines de Troie et se recueillit sur le tombeau d’Achille. En 1887 elle parcourut la mer Égée sur les traces d’Ulysse ; son guide, lors de ce périple, était le baron Alexander Freiherr von Warsberg qui, à la fin du voyage, lui fit découvrir une propriété sur l’île de Corfou, une villa près de Gastoúri ayant appartenu philosophe et homme politique grec, Petros Vrailas Armenis, mort en 1884. En 1888, Sisi retourna à Corfou et séjourna pendant deux mois dans la villa Vraila ; elle décida d’acheter la propriété et de s’installer à Corfou, ce qu’elle fit l’année suivante, en 1889. Cette année 1889 frappa Sisi d’un deuil tragique, le suicide de son fils Rodolphe, âgé de 30 ans, qui abattit sa maîtresse, la baronne Maria Vetsera, et retourna l’arme contre lui, dans un pavillon de chasse à Mayerling. Sisi se consacra à son projet avec l’énergie du désespoir, pour échapper aux tragédies de sa vie : en 1886, elle avait perdu son ami le plus cher, le roi Louis II de Bavière ; en 1888, son père Maximilien, alors qu’elle se trouvait à Corfou ; en 1889, son fils Rodolphe. Elle fit dessiner les plans de son palais par l’architecte italien Raffaele Carito ; l’ancienne villa Vraila fut démolie et le palais de Sisi fut édifié en deux années, de 1890 à 1891. Sisi donna à son palais d’été le nom d’« Achílleion » en l’honneur de son héros préféré, Achille. En 1892, Sisi, qui était déjà âgée de 55 ans, put enfin habiter dans son palais et y reprendre des forces. Ses deux enfants survivants, Gisèle et Marie-Valérie, n’y vinrent qu’une seule fois ; son époux, l’empereur François-Joseph, n’y serait jamais venu. L’impératrice séjourna à l’Achílleion chaque année, du printemps à l’automne, jusqu’à sa mort ; elle portait sur elle un minuscule album qui contenait des photographies de son palais et de ses jardins. Sisi séjourna pour la dernière fois à l’Achílleion en 1896. Le 10 septembre 1898 l’impératrice Élisabeth fut assassinée à Genève par un anarchiste italien, Luigi Luccheni, qui la poignarda dans le cœur, d’un coup de lime qu’il avait cachée dans un bouquet de fleurs ; Sisi mourut en quelques minutes ; elle avait 60 ans. En souriant, l’abruti qui venait d’assassiner Sisi répondit au commissaire qui l’avait arrêté et qui lui demandait la raison de son geste criminel : « Parce que je suis anarchiste ; parce que je suis pauvre ; parce que j’aime les ouvriers et que je veux la mort des riches ». Élisabeth de Bavière repose dans la crypte impériale à Vienne aux côtés de son époux et de son fils Rodolphe. Après la mort de Sisi le palais fut hérité par sa fille cadette, l’archiduchesse Marie-Valérie d’Autriche, mais celle-ci s’en désintéressa et n’y séjourna pas ; un grande partie du mobilier fut emportée en Autriche pour meubler des « salles corfiotes » ; de même que la vaisselle, les couverts et les tableaux et une partie des statues. Beaucoup de ces objets furent ensuite vendus par les héritiers et perdus à jamais pour reconstituer le cadre dans lequel vivait Sisi à l’Achílleion. Le palais resta inhabité pendant près de dix ans, confié à la garde de Ferdinando Bontempo, un officier du « Miramar ». En 1907, après de longues négociations, l’empereur d’Allemagne Guillaume II (1859-1941) fit l’acquisition de l’Achílleion qu’il avait vu en 1890, alors que le palais était en construction, puis, plus tard, en 1905. Au cours de l’année 1908, le kaiser fit rénover le palais et construire un autre bâtiment de 40 pièces, la « Maison des Chevaliers », pour y héberger sa suite ; il confia ces travaux à l’architecte Ernst Ziller, architecte allemand et auteur de nombreux bâtiments publics et religieux en Grèce, comme le Théâtre national et le palais présidentiel d’Athènes ; en 1914, il fit installer l’électricité alimentée par un générateur, ce qui fut la première installation électrique à Corfou ; le palais fut remeublé avec du mobilier berlinois, moins élégant mais plus fonctionnel que les meubles de l’époque de Sisi. Le kaiser imposa aussi sa marque dans les jardins en faisant remplacer la statue d’Achille mourant par une statue d’Achille victorieux, et en faisant enlever la statue du poète Heinrich Heine, pour la remplacer par une statue de Sisi. Guillaume II confia l’aménagement des jardins au botaniste allemand Carl Ludwig Sprenger. Il fit construire une jetée et un pont pour y accéder depuis les jardins de l’Achílleion. Quant la restauration de l’Achílleion fut achevé, l’empereur y invita les dignitaires de toute l’Europe à des fêtes et à des concerts. Guillaume II séjourna à l’Achílleion pendant plusieurs semaines chaque printemps, pour assister aux célébrations de la Pâques grecque, jusqu’en mai 1914, à la veille de l’éclatement de la Première Guerre mondiale ; le palais d’été du kaiser, très privé à l’époque de Sisi, devint une sorte de centre de la diplomatie européenne. Quand l’empereur était absent, le palais pouvait être visité par les touristes et la population pour un prix d’entrée de 2 drachmes. L’Achílleion fut à nouveau inoccupé jusqu’à ce qu’il fut occupé, au début de 1916, par les troupes françaises qui en firent un hôpital de la Marine nationale ; vers la fin de la guerre, le bâtiment prit le nom d’Hôpital Tribondeau, du nom d’un médecin militaire de l’hôpital, mort en service de la « grippe espagnole », en 1918. Des troupes serbes battues par l’armée austro-hongroise s’y replièrent également. À Gastoúri, en contrebas de l’Achílleion, il existe encore un cimetière français où reposent les soldats décédés des suites de leurs blessures. Une partie des collections du palais fut dérobée et des dégradations furent commises par les soldats français et serbes. Après la Première Guerre mondiale, l’Achílleion, propriété de l’ex-empereur d’Allemagne, fut attribué à la Grèce, aux termes du traité de Versailles de 1919, comme réparation de dommages de guerre ; la Grèce, sous le gouvernement d’Elefthérios Venizélos, avait tardivement déclaré la guerre à l’Allemagne en 1917. En 1925, pour trouver des fonds pour entretenir le palais, l’État grec vendit aux enchères de nombreux objets des collections de l’Achílleion. Le bâtiment fut utilisé pour abriter un orphelinat destiné à des enfants arméniens de Constantinople, rescapés du génocide ; ensuite le palais abrita des services administratifs ; en 1937, le palais accueillit une partie des collections du Musée de Corfou. Dans les années 1930, le palais fut transformé en hôtel. En octobre 1940, l’Italie déclara la guerre à la Grèce et l’attaqua depuis sa colonie d’Albanie, mais ce ne fut qu’à partir de 1941 que la Grèce fut vaincue et occupée par les Italiens, assistés des Allemands. Le palais de l’Achílleion fut utilisé comme quartier général et comme hôpital par les Italiens, puis, après la défection de l’Italie, en 1943, par les Allemands. Très endommagé par la guerre, le palais de l’Achílleion fut utilisé pour abriter des écoles et des villages d’enfants. De 1962 à 1983 l’Achílleion fut loué à une société de casino, dirigée par le baron von Richthofen ; le palais fut restauré et un casino fut installé aux deux étages supérieurs du bâtiment. Le rez-de-chaussée fut transformé en musée consacré à ses deux illustres anciens propriétaires, l’impératrice Élisabeth et le kaiser Guillaume. Depuis 1983, le palais est géré par l’Organisation Grecque du Tourisme (Ελληνικός Οργανισμός Τουρισμού, EOT) ; le casino fut progressivement déplacé à Kanóni. Après une restauration exemplaire, l’Achílleion fut transformé en musée et ouvert au public en 1994. |
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| | Conditions de visite | Visite de l’Achilléion (Ahíllio) : Le palais se trouve dans le village de Gastoúri, sur la route côtière, à environ 10 km au sud de la ville de Corfou. Il existe un autobus municipal qui relie directement la capitale au palais en une demi-heure (ligne n° 10 ; départ Odos Mitropolitou Methodiou, 2, près de la place Saint-Roch (Plateia Saroko, Piazza San Rocco). Horaires des bus sur le site de la compagnie : https://www.astikoktelkerkyras.gr. Adresse : 49084 Gastoúri Horaires d’été (du 1er avril au 31 octobre) : tous les jours, de 8 h à 20 h. Horaires d’hiver (du 1er novembre au 31 mars) : tous les jours, de 9 h à 16 h. Tarif d’entrée : 8 € ; tarif réduit : 6 € ; familles : 15 € ; groupes de plus de 15 personnes : 5 € ; gratuit pour les enfants de moins de 5 ans. Téléphone : 00 30 26610 56245 Site sur la Toile : www.achillion-corfu.gr Le palais de l’Achílleion est l’un des sites les plus visités de l’île de Corfou et regorge généralement de groupes de touristes. Il est préférable de venir dès l’ouverture, spécialement en été, notamment si l’on se déplace en voiture automobile afin de pouvoir trouver une place de stationnement, toutes les places étant ensuite occupées par les autocars d’excursion. Plus tard dans la journée, la visite des salles est déplaisante en raison de la foule. Prévoir de 60 à 90 min pour la visite du palais, plus un temps indéfini pour flâner dans le parc. Ne pas oublier de prendre un audio-guide à l’entrée, car les panneaux d’explication sont assez rares ; mais il faut laisser une carte d’identité en garantie. Il y a un grand café avec terrasse, le café Bella Vista Nova, juste à côté du palais, avec des vues magnifiques. |
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