L’île de Délos semble avoir été habitée depuis le IIIe millénaire, vers 2500 avant JC, comme en atteste les ruines d’une forteresse en pierre découvertes au sommet du mont Cynthe, d’où les habitants pouvaient facilement surveiller la mer autour de l’île pour voir venir des ennemis. L’historien Thucydide identifie ces premiers habitants comme des pirates cariens qui auraient finalement été chassés de l’île par le roi mythique de la Crète, Minos. Au IIe millénaire, vers 1500 avant JC, l’île fut habitée par des colons mycéniens qui s’établirent dans la petite plaine située près de la mer. Pendant cette période mycénienne, de 1400 à 1200 avant JC, l’île fut plutôt prospère, comme en témoignent notamment les vestiges d’un palais et les objets précieux retrouvés au cours des fouilles. Au Ier millénaire avant JC ce sont les Ioniens qui font de Délos un centre panhellénique politique et religieux comparable à Olympie et à Delphes, où l’on vient en pèlerinage pour célébrer le culte apollinien. Le sanctuaire d’Apollon est fondé vers le IXe siècle avant JC. Autour du Lac sacré, ont lieu des célébrations en l’honneur d’Apollon, d’Artémis et de Léto, avec des fêtes somptueuses, des sacrifices, des processions, des danses, des concours gymniques et des concours musicaux. Considérée comme le lieu de naissance des dieux jumeaux Apollo et Artémis, Délos gardera ce rôle l’île sacrée pendant les époques archaïque (entre le VIIIe siècle et le VIe siècle avant JC) et classique (aux Ve et IVe siècles avant JC). Capitale de la confédération des îles Cyclades, Délos connaît son apogée religieuse au VIIe siècle avant JC sous la domination des Naxiens ; les monuments édifiés sur l’île sont très nombreux, comme la Maison des Naxiens, les Terrasse des Lions, le Colosse des Naxiens, le Portique des Naxiens. Au VIe siècle avant JC, les Athéniens prennent le contrôle de l’île. Vers 550 avant JC, le tyran athénien Pisistrate impose une première purification de l’île pour en préserver le caractère sacré : en déplaçant toutes les sépultures loin de la zone du sanctuaire, en interdisant de naître et de mourir à Délos, ce qui obligeait à emmener les femmes enceintes et les mourants sur l’île voisine de Rhénée. Au Ve siècle, en 478 avant JC, après les guerres qui opposent Grecs et Perses, se forme la Ligue de Délos réunissant l’Attique et les Cyclades, pour prévenir tout retour des Perses. Le Trésor de la ligue, alimenté par les tributs précieux des cités participantes, est déposé dans le sanctuaire d’Apollon à Délos, dans cinq Oikos. En 454 ce Trésor est transféré à l’Acropole d’Athènes, signe de l’hégémonie grandissante de la cité athénienne sous le stratège Périclès. En 426 avant JC, pendant le Guerre du Péloponnèse, une deuxième purification de l’île est ordonnée après une épidémie : toutes les sépultures, même éloignées du sanctuaire, sont transférées, avec leur mobilier funéraire, dans une grande fosse commune sur l’île de Rhénée ; la population permanente de l’île est provisoirement expulsée. Après cette purification les Jeux déliens sont créés ; ces Jeux déliens seront célébrés tous les cinq ans, au mois de mai : les pèlerins couronnés de fleurs processionnent sur l’Avenue des Processions, sacrifient des bœufs, participent à des danses sacrées devant l’autel du dieu, assiste à des banquets et à des concours sportifs au stade et au gymnase, musicaux et dramatiques dans le théâtre de la cité. En 422 avant JC, pour apaiser les dieux, les Athéniens commencent la construction d’un nouveau grand temple d’Apollon, en marbre pentélique blanc, le Temple des Athéniens. À la fin du IVe siècle, à la suite de la proclamation de Tyr en 315 avant JC, Délos retrouve son indépendance et une population permanente. Le sanctuaire d’Apollon devient le centre religieux de la ligue des Nésiotes (« ligue des insulaires »), fondée en 314 par le roi de Macédoine Antigone le Borgne. Aux IIIe et IIe siècles avant JC, Délos, indépendante, connaît un essor prodigieux et devient le principal port et entrepôt de la mer Egée, avec la construction de quais et de chantiers navals. Délos est le principal marché de céréales de la Méditerranée orientale, ainsi qu’un centre de stockage et de redistribution pour l’huile, le vin et le bois. Au début du IIe siècle, vers 200 avant JC, l’île de Délos et la ligue des Nésiotes tombent dans l’orbite de Rhodes, qui est allié à la Macédoine contre l’Empire romain. En 168 avant JC, à la suite de la défaite de la Macédoine dans la Troisième guerre macédonienne, Rome donne l’île de Délos aux Athéniens, alliés des Romains contre les Macédoniens. Délos retombe sous la domination athénienne. En 166 avant JC, les Romains proclament le port de Délos comme port franc, dans le but d’affaiblir le commerce de Rhodes, selon Strabon ; la prospérité de l’île de Délos va en être démultipliée. La petite île devint rapidement la plaque tournante du commerce en Méditerranée et « le plus grand centre commercial qu’il y eut sur toute la Terre », « maximum emporium fuerit totius orbis terrarium » (Sextus Pompeius Festus, IIe siècle après JC). Délos est aussi le principal marché d’esclaves, sur lequel 10 000 malheureux sont mis à l’encan chaque jour. La cité devient cosmopolite ; ses habitants comptent alors de nombreux négociants, armateurs et banquiers venant de Grèce ou de contrées lointaines comme l’Italie, l’Égypte et la Syrie, attirés par le statut de port franc. Ces étrangers fortunés développent des quartiers résidentiels, attirant de nombreux maçons, artistes et artisans, qui construisent pour eux de luxueuses demeures, richement décorées de fresques et de mosaïques au sol ; ils édifient, au-dessus de la cité, des sanctuaires dédiés aux dieux de leur pays natal. Au début du Ier siècle avant JC, la prospérité de Délos est à son apogée et la ville compte 25 000 habitants. Mais la prospérité de l’île et ses relations amicales avec les Romains furent la cause de sa destruction : Délos fut attaquée et pillée deux fois : en 88 avant JC, les troupes de Mithridate VI Eupator, roi du Pont, en guerre contre Rome, font une incursion éclair sur Délos, saccagent l’île, détruisent ses temples et ses monuments, et exterminent 20 000 personnes ; en 69 avant JC, les pirates d’Athénodore, un allié de Mithridate, achèvent la destruction de la cité. Après ces destructions l’île de Délos déclina rapidement ; les pèlerinages, qui étaient la source de sa prospérité, disparurent progressivement, les anciennes religions perdant de leur importance face au christianisme naissant ; les routes commerciales, rendues peu sûres par la piraterie, se détournèrent de Délos. À la fin du IIe siècle après JC, on ne trouvait plus à Délos que quelques habitations. Au IIIe siècle l’île fut christianisée et devint au IVe siècle le siège du diocèse des Cyclades. Au VIe siècle, l’île fut totalement abandonnée, ne disposant pas de ressources naturelles qui la rendraient autonome. Délos fut successivement la possession des Byzantins, des Slaves, des Sarrasins, des Vénitiens, des Chevaliers de Saint-Jean et des Ottomans, transformée en carrière, les colonnes de ses temples brûlées pour en tirer de la chaux et ses maisons laissées à l’abandon, et pillée par les pirates à la recherche de trésors. |