Le sanctuaire d’Apollon (Ιερό του Απόλλωνα) | Le sanctuaire d’Apollon était le principal sanctuaire de l’île de Délos ; le hiéron lui-même, situé sur une vaste esplanade, comprenait trois temples dédiés à Apollon : d’abord le Temple de poros, dit Pôrinos Naos, désaffecté à l’époque hellénistique, puis le Temple des Athéniens construit à l’époque amphictyonique, enfin le Grand Temple qui, à l’époque hellénistique, contenait la statue d’Apollon Délien. Vers la fin du VIe siècle avant JC, on délimita partiellement le sanctuaire en le fermant avec un portique en L au sud-ouest, le portique des Naxiens. Depuis le Port Sacré, au sud, une Voie Sacrée, ou Avenue des Processions, conduisait au sanctuaire, précédé de propylées. Depuis le port archaïque, au nord, la Voie des Lions conduisait au sanctuaire de Léto et à l’entrée nord du sanctuaire d’Apollon. Pendant longtemps la ville de Délos ne s’est pas distinguée de cet espace sacré, qui garde sur ses bordures les bâtiments de l’espace civique : la salle du Conseil (Bouleutérion), la salle de l’assemblée du Peuple (Ekklésiastérion), le prytanée (Prytanéion) et ses autels. Au gré des décisions politiques, le sanctuaire s’est peu à peu enrichi de nouvelles constructions, temples, autels ou monuments votifs, avant d’être entièrement clos par un mur de péribole, des portiques, et divers édifices dont la fonction ou l’identification n’est pas toujours assurée. Si elle a tenté d’en structurer la bordure nord, la construction du portique d’Antigone, dans le 3e quart du IIIe siècle, a aussi entraîné le rejet hors du sanctuaire d’un vieil abaton, ou petit téménos hypèthre dont l’accès n’était permis qu’aux seuls initiés, et de la très antique fontaine des Nymphes minoïdes, dont l’eau sacrée devait servir aux besoins des cultes comme à des nécessités profanes. |
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| Le port sacré (Ιερό Λιμάνι) | Le port sacré (n° 1), qui date du VIIIe siècle avant JC, est l’un des plus anciens exemples de moles de protection ; il se présente comme une structure massive bâtie en blocs de granite local et qui s’étend sur environ 100 m. |
| Le port marchand (Εμπορικό Λιμάνι) | Le port de marchandises (n° 2) comprenait de nombreux magasins et entrepôts ouverts seulement du côté de la mer – sans communication directe avec la ville – ce qui montre que les marchandises étaient destinées à la réexportation immédiate. Strabon rapporte que Délos pouvait importer et exporter des dizaines de milliers d’esclaves en un seul jour, ce qui avait inspiré le dicton suivant : « marchand, aborde au port, décharge, tout est vendu ». |
| L’agora des Compétaliastes (Αγορά των Κομπεταλιαστών) | L’agora des Compétaliastes (n° 3), aussi nommée agora des Hermaïstes, était la place par où les pèlerins entraient dans le sanctuaire après avoir débarqué au Port sacré (n° 1). La place doit son nom à la confrérie de marchands des Compétaliastes, une confrérie de citoyens romains et d’affranchis qui honoraient les dieux Lares Compitales, divinités romaines des carrefours. D’autres confréries de marchands s’étaient installées sur cette agora, les Hermaïstes et les Apolloniastes, qui honoraient d’autres dieux, Hermès, Apollon, Héraclès ou Maïa. La place conserve les vestiges d’un autel monumental au dieu Hermès, datant de la fin du IIe siècle avant JC. L’agora était une place dallée parsemée de statues et d’autels en marbre dressées par ces guildes de marchands ; on peut voir au sol les trous creusés pour recevoir les pieux en bois qui supportaient les auvents des étals où les marchands vendaient aux pèlerins des ex-voto et des objets de piété. À l’est et au sud de la place se trouvaient aussi des boutiques en dur. L’agora des Compétaliastes était le lieu du commerce des grains, mais aussi des esclaves. |
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| La voie sacrée (Ιερή Οδό) | À partir de l’agora des Compétaliastes les pèlerins se rendant au sanctuaire d’Apollon empruntaient l’Avenue des Processions ou Voie Sacrée (n° 5). Cette voie, large de 13 m et bordée de monuments votifs, isolés ou en exèdres semi-circulaires, conduisait jusqu’aux Propylées du sanctuaire. La Voie Sacrée était bordée de deux portiques monumentaux, ou stoa, le Portique de Philippe V, à gauche, et le Portique de Pergame, à droite. Il ne reste de ces portiques que des morceaux d’architraves et des futs de colonnes jonchant le sol. Il y avait aussi de nombreuses statues dont subsistent encore quelques socles. |
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| | La basilique Saint-Cyriaque | À l’angle sud-est de l’agora des Déliens se trouvent les vestiges d’une basilique chrétienne du Ve siècle, dédiée à saint Cyriaque. |
| Les propylées (Προπύλαια) | Les propylées du sanctuaire (n° 8) ont probablement été construits par les Athéniens vers le milieu du IIe siècle avant JC. Ces propylées comportaient quatre colonnes de marbre blanc d’ordre dorique à l’avant et deux colonnes à l’arrière ; une dédicace du peuple athénien était gravée sur l’architrave. Il reste peu de chose de cette entrée monumentale du sanctuaire, mais il faut observer l’usure considérable des trois marches du seuil, témoignant de l’affluence des pèlerins antiques. À droite, en avant des propylées, se dresse un hermès barbu en marbre du IVe siècle avant JC, l’Hermès Propylaios (« qui est devant la porte »), érigé par les Amphictyons en 341 avant JC. |
| La maison des Naxiens (Οίκος των Ναξίων) | Après les propylées, mais avant les temples d’Apollon – sur la droite en entrant dans le sanctuaire – se trouve l’Oikos des Naxiens (n° 10), le bâtiment où se réunissait la confrérie religieuse de Naxos. Les oikoi étaient des bâtiments faisant partie des sanctuaires, mais qui n’étaient pas des lieux de culte ; on y entreposait des offrandes et du matériel. Cette « maison » des Naxiens, dont on peut voir les fondations, est un bâtiment de l’époque archaïque, bâti dans le premier quart du VIe siècle avant JC. C’était un bâtiment de forme allongé fait de grands blocs de granit ; l’entrée se trouvait sur le côté ouest, entre deux colonnes « in antis ». Au milieu du VIe siècle avant JC, une deuxième entrée fut ajoutée sur le côté est, avec un portique en marbre. Le toit, fait de marbre, était un toit à pentes soutenu par une colonnade de huit colonnes ioniques élancées. |
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| Le colosse des Naxiens | Devant le côté nord de l’oikos des Naxiens se trouvait une statue colossale d’Apollon, un ex-voto dressé par les Naxiens au début du VIe siècle avant JC. Cette statue en marbre de Naxos, d’environ 9 mètres de hauteur et d’un poids d’environ 15 tonnes, représentait Apollon sous la forme d’un kouros : un homme, nu, vu de face, aux cheveux longs, aux épaules robustes et au pied gauche placé légèrement devant le pied droit. Dans ses mains, Apollon tenait un arc et des flèches, ou les Trois Grâces. Un morceau survivant de la statue, le bassin, montrent les trous qui servaient à fixer la ceinture en bronze. Les cheveux lumineux du dieu étaient visibles depuis la mer, et la large Avenue des Lions se terminait à ses pieds. Même lorsque le sanctuaire fut recouvert de bâtiments, la tête d’Apollon était encore visible de tous les côtés. Cette statue de l’Apollon naxien a subi des dégradations et des tentatives de déplacement multiples : Selon Plutarque, le palmier en bronze dédié par Nicias est tombé et a abattu la statue. Les Naxiens l’ont restauré à sa base et c’est apparemment alors qu’ils ont inscrit sur le côté ouest du piédestal : « À Apollon de la part des Naxiens ». En 1416, le florentin Cristoforo Buondelmonti rapporte que lui et ses camarades tentèrent de relever le colosse : « nous avons également vu, dans une plaine sur Délos, un ancien sanctuaire construit de nombreuses colonnes et une énorme statue tombée sur le sol, si énorme que, bien que nous fussions plus d’un millier d’hommes et que nous eussions tous les équipements et toutes les cordes de nos navires, nous fûmes incapables de la relever. Ainsi, nous nous sommes découragés et l’avons laissé au même endroit ». En 1422, les Vénitiens firent une tentative pour emporter les fragments restants, mais échouèrent en raison de leur poids : les morceaux furent abandonnés devant le sanctuaire d’Artémis, à une cinquantaine de mètres plus au nord ; le haut du torse, partiellement couvert de boucles de cheveux, et une partie du bassin de la statue y sont toujours visibles. En 1445, Cyriaque d’Ancône fit l’esquisse les sections survivantes du colosse qui, selon le croquis, était tourné vers le nord, regardant vers les pèlerins qui débarquaient dans la baie de Skardanas et marchaient dans l’avenue des Lions pour atteindre la statue et le Kératon, but ultime de leur pèlerinage. Vers 1675, soit un capitaine britannique, soit le gouverneur vénitien de l’île de Ténos, ont découpé la tête de la statue, dont la trace a disparu. Une partie de la jambe gauche se trouve au British Museum et le Musée de Délos présente la main gauche. Il ne reste près de la Maison des Naxiens que le piédestal de la statue, un énorme bloc de marbre de 32 tonnes. Le piédestal porte l’une des premières inscriptions grecques, en alphabet grec archaïque : « Je suis du même marbre, la statue et le piédestal ». |
| Le portique des Naxiens (Στοά των Ναξίων) | Après les propylées, mais sur la gauche, se trouvent les ruines du Portique des Naxiens, construit vers la fin du VIe siècle avant JC ; l’édifice est très ruiné, mais son dallage en marbre est parfaitement conservé. Cette stoá, en forme de « L » coudé à 110°, fermait le sanctuaire d’Apollon dans l’angle sud-ouest. Dans l’angle du portique on remarque la base circulaire en granit qui soutenait le « palmier de Nicias », un arbre colossal de bronze élevé en 417 avant JC par l’Athénien Nicias pour symboliser le palmier sous lequel Léto avait mis au monde les jumeaux Apollon et Artémis. |
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| Le temple des Déliens (Ναός των Δηλίων) | Tout de suite après l’oikos des Naxiens, on rencontre le premier et le plus grand des trois temples d’Apollon, le Grand Temple (Μεγάλος Ναός) ou Temple des Déliens (n° 12). Sa construction par les Déliens a coïncidé avec des événements importants dans l’histoire de l’île. La construction, qui a été financée par le Trésor de la Ligue de Délos, a débuté vers 476 avant JC mais le processus de construction a été interrompu en 454 avant JC lorsque le Trésor de Délos a été transféré à Athènes. Les travaux ont recommencé pendant la période d’indépendance, après 314 avant JC, mais n’ont jamais été achevés et les colonnes, dispersées autour du temple, n’ont jamais été achevées ; les colonnes doriques en marbre blanc sont restées sans moulures et les chapiteaux sans sculptures finales. Le temple des Déliens est un édifice dorique et le seul temple périptère à Délos, avec des colonnades sur les quatre côtés : six colonnes sur les côtés courts et treize colonnes sur les côtés longs. Le temple comprenait trois parties : une cella, un pronaos, à deux colonnes in antis, et un opisthodome. À l’intérieur du temple se trouvaient la statue cultuelle du dieu Apollon et de nombreux siècles d’offrandes précieuses, qui en ont fait en une sorte du musée d’histoire du Sanctuaire. |
| Le temple des Athéniens (Ναός των Αθηναίων) | Le deuxième temple d’Apollon est le temple des Athéniens (n° 13) ou « Temple aux Sept Statues » érigé par les Athéniens pendant la brève période de répit qui suivit la paix de Nicias, entre 421 et 415 avant JC ; il fut probablement inauguré vers 417 avant JC par le général Nicias. Le temple des Athéniens est un temple en marbre, d’ordre dorique, amphiprostyle, c’est-à-dire avec des rangées de six colonnes à l’avant et à l’arrière, mais pas sur les côtés longs. Pour sa construction, Athènes envoya du précieux marbre blanc pentélique et des artisans expérimentés, qui travaillèrent probablement sous la supervision de Callicratès, l’architecte du Temple d’Athéna Niké sur l’acropole d’Athènes. À l’intérieur de la cella sept statues d’ivoire et d’or étaient placées sur une base monumentale en forme de fer à cheval, faite en marbre gris-bleu d’Éleusis ; de ces sept statues chryséléphantines vient le surnom de « Temple aux Sept Statues ». Les fouilles ont mis au jour de nombreux fragments de ces magnifiques acrotères ; ils se trouvent au Musée de Délos. L’acrotère central de l’est représentait Borée, le roi de Thrace, la personnification du vent du nord, enlevant la jeune princesse athénienne Orithye dont il s’était épris, fille du roi légendaire Érechthée et de Praxithée. Selon la légende, Borée saisit la princesse alors qu’elle dansait sur les rives de la rivière Ilissos et la conduisit en Thrace. Leurs descendants étaient les frères ailés Calaïs et Zétès et deux filles, Cléopâtre et Chioné. L’acrotère central du côté ouest représente Éos, déesse de l’aurore, enlevant le beau Céphale, un autre héros athénien, fils d’Hermès et de la princesse Hersé, sœur d’Orithye. |
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| Le temple de poros (Πώρινος Ναός) | Le troisième temple d’Apollon est le temple dit de « poros » (n° 14) ; c’est le temple le plus petit et le plus ancien des trois : il fut édifié au VIe siècle par le tyran athénien Pisistrate qui avait des visées annexionnistes sur les Îles Cyclades. Le temple doit son nom à la roche utilisée pour sa construction, le « poros », un tuf calcaire, plus ou moins dur, présent sur l’île de Délos. Le temple de « poros » (Porinos Naos) abritait une statue archaïque d’Apollon de 8 m de hauteur ainsi que le trésor de la Ligue de Délos. Près du « temple de poros » on remarque deux piédestaux qui supportaient des statues, l’un à frise dorique alternant rosaces et bucranes (têtes de bœuf), l’autre, en marbre bleu, portant une inscription en l’honneur de Philétairos, premier roi de Pergame. |
| Le kératon (Κερατών) | Au nord des propylées et face aux temples d’Apollon se trouvait l’Autel de Cornes (n° 15), le Kératon, édifié par les Athéniens au IVe siècle avant JC, probablement à l’emplacement où, selon la mythologie, se trouvait l’autel qu’Apollon-Phébus aurait lui-même construit avec les cornes de bêtes tuées sur le mont Cynthe par sa sœur Artémis, la déesse de la chasse. Callimaque est le plus ancien auteur qui nous apprenne qu’à l’âge de quatre ans Apollon avait arrangé un autel avec les cornes des chèvres que chassait Artémis : « À quatre ans Phoïbos établit les premières fondations dans la belle Ortygie près du lac arrondi. Artémis chassait les chèvres du Cynthe et sans cesse en apportait les têtes. Et Apollon réalisait les entrelacs d’un autel : avec des cornes, il construisit des soubassements ; avec des cornes, il arrangea un autel ; tout autour il dressa des parois de cornes » (Hymne à Apollon, vers 5 8-63). L’Autel de Cornes resta l’un des autels les plus sacrés tout au long de l’existence du sanctuaire : c’était « l’Autel de Délos », comme le nomment les textes anciens, là où avait lieu le sacrifice sanglant des bœufs offerts au dieu. Le grand dallage de marbre bleu qui s’étend au sud et à l’ouest du Kératon et y conduit ainsi depuis les Propylées, montre bien qu’il était le point de mire du sanctuaire. Durant les fêtes des Déliades on dansait autour de l’autel en l’honneur d’Apollon. |
| Le pythion (Πυθίων) | Un peu au nord-ouest du Kératon, et presque contigu à lui, se trouvait sans doute un autre édifice non moins important du culte apollinien, le Pythion (n° 19), dans lequel le dieu de Délos était honoré en tant que dieu pythien. Le Pythion avait été édifié par les Athéniens au début du IVe siècle, et correspond probablement au Pythion de Delphes, dédié à l’Apollon. C’était un bâtiment de plan insolite s’ouvrant sur le parvis de marbre bleu du Kératon ; il contenait probablement le palmier (φοίνιξ) au pied duquel Léto avait mis au monde Apollon et Artémis ; pour cette raison il comportait des fenêtres et un lanterneau afin d’assurer l’éclairage et la ventilation de l’arbre sacré. |
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| Les maisons ou trésors (Οίκοι ή Θησαυροί) | Au nord des trois temples d’Apollon se trouvaient cinq petits édifices disposés en quart de cercle : ces bâtiments en forme de temple étaient des oikoi (n° 24 à 28), des « maisons » ou salles des trésors qui abritaient les offrandes précieuses déposées par les cités grecques pour montrer au monde hellène leur piété et leur richesse. Ces oikoi datent des VIe et Ve siècles avant JC. |
| Le bouleutérion (Βουλευτήριο) | L’édifice archaïque oblong qui est identifié comme Bouleutérion (n° 29) a été fondé dans la première moitié du VIe siècle avant JC. Le Bouleutérion était le lieu de la réunion de la Boulè (Βουλή), une assemblée restreinte de citoyens désignés selon un mode inconnu. Le bâtiment avait un plan bipartite : la plus grande salle, la salle située au sud, avait deux entrées et une rangée axiale. À son angle nord-ouest, une colonne ionique portait une inscription votive à Athéna, protectrice de la ville. Des documents épigraphiques du IIIe et du IIe siècle avant JC suggèrent que, dans le Bouleutérion, on conservait des copies des décrets de l’assemblée. |
| Le prytanée (Πρυτανείον) | À l’est des temples se trouvait le Prytanée de la cité (n° 30), ou Prytanéion (Πρυτανείον), construit sans doute entre le milieu du Ve siècle et le milieu du IVe siècle avant JC. Le Prytanée accueillait les réunions des Prytanes (πρυτάνεις), des conseillers issus de la Boulè, renouvelés tous les mois, qui formaient le comité exécutif de la Boulè. Ce bâtiment, de plan à peu près rectangulaire, comportait plusieurs salles : un vestibule ouvert (prodomos), une cour, une salle de banquet et un local pour les archives ; une statue d’Hermès de haute taille se dressait dans la cour. Son entrée est située sur le côté sud. |
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| Le sanctuaire d’Artémis (Ιερό της Άρτεμης) | Au nord du prytanée, et contigu à celui-ci, se trouvait l’Artémision (Άρτεμίσιον), le sanctuaire d’Artémis (n° 22), la sœur jumelle d’Apollon, qui est comme imbriqué à l’intérieur du sanctuaire de son frère jumeau. L’artémision est un petit édifice ionique de l’époque hellénistique, construit en 179 avant JC sur l’emplacement de deux autres temples plus anciens. L’édifice, assis sur une base élevée, s’ouvrait vers l’est, sur la Voie Sacrée, par une colonnade de six colonnes ioniques dont on peut voir des fragments tronqués. On y a découvert une statue d’Artémis, offrande de Nicandre. Près du sanctuaire d’Artémis on peut aussi voir des fragments de la statue géante d’Apollon, le torse et le bassin, qui ont été traînés jusqu’ici. |
| L’ekklésiastérion (Εκκλησιαστήριο) | Dans l’ouest du sanctuaire se trouve le bâtiment de l’Ekklésiastérion (n° 38), lieu de réunion de l’Ekklésia du Peuple (Δήμος) de Délos, l’assemblée de tous les citoyens, qui avait un pouvoir de décision en tous domaines. Ce grand bâtiment comprenait deux salles adjacentes ; la salle de l’ouest avait une niche au milieu de son mur sud et des bancs de marbre courant sur les côtés. Le bâtiment de l’Ekklésiastérion a subi de nombreuses altérations pendant la période allant du Ve siècle au IIe siècle avant JC. |
| La graphé (Γραφή) | Face à l’Ekklésiastérion, de l’autre côté de la Voie Sacrée, se trouvait la Graphé (n° 37), un bâtiment où étaient entreposées des peintures. |
| Le thesmophorion (Θεσμοφόριο) | Également dans l’ouest du sanctuaire se trouve le Thesmophorion (n° 39), un bâtiment de Ve siècle avant JC, lié au culte de Déméter. |
| Le portique d’Antigone (Στοά του Αντιγόνου) | Fermant le sanctuaire au nord-est le portique d’Antigone (n° 34) fut édifié au début du IIIe siècle avant JC par le roi de Macédoine Antigone II Gonatas, ainsi que l’atteste une inscription sur l’épistyle. La stoá d’Antigone était longue de 120 m et comportait 48 colonnes doriques en façade. On reconnaît son plan à double galerie séparée par une file de colonnes et terminée par deux courtes ailes. Au long de la façade s’alignaient deux files de statues dont subsistent les bases ; la statue du proconsul romain Gaius Villienus donne une idée de la hauteur du portique et de l’aspect qu’a pu avoir le sanctuaire avec ses centaines de statues votives. Sur l’entablement dorique, une frise alternait des triglyphes avec des têtes de taureaux en relief. |
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| L’autel de Dionysos | À l’est du portique d’Antigone se trouvent les monuments votifs les plus étonnants du site de Délos : deux gigantesques phallus dressés chacun sur un pilier (n° 67). Il s’agit de l’autel de Dionysos, dieu du Vin et de la Fertilité. Vers 300 avant JC un mécène délien nommé Carystios fit ériger un phallus colossal sur un socle élevé, avec des représentations en relief du dieu Dionysos et de ses compagnons. Au IIe siècle avant JC, à côté de la base, un petit temple consacré au dieu Dionysos fut construit sous la forme d’une exèdre simple, et un second phallus fut placé symétriquement à l’autre extrémité. À l’intérieur de l’exèdre se trouvait la statue d’un Dionysos nu, assis, indolent, sur un trône entre deux statues d’acteurs dans le costume de Silenus le Vieux (Paposilenoi) ; cette statue est présentée au Musée. |
| La fontaine Minoé (Μινώα Κρήνη) | La Fontaine Minoé (n° 66) se trouve au nord-est du portique d’Antigone ; c’était un puits rectangulaire creusé dans la roche, avec une colonne centrale et un escalier permettant d’atteindre l’eau. La fontaine minoenne était la seule fontaine publique de l’île de Délos où l’alimentation en eau était privative. Elle date du VIe siècle avant JC, mais, selon une inscription, elle fut reconstruite en 166 avant JC. |
| Le néorion (Νεώριον) ou monument aux taureaux (Μνημείο με τους Ταύρους) | Dans le sud-est du sanctuaire – à l’arrière des temples d’Apollon – se trouvait un bâtiment que l’on désigne par le nom de Monument aux Taureaux (n° 31) en raison de la présence, à l’intérieur de ce bâtiment, de chapiteaux à tête de taureaux qui surmontaient deux demi-colonnes. Le motif de la tête de taureau était le symbole de la dynastie des Antigonides fondée par Antigone le Borgne : on retrouve ce motif ailleurs à Délos comme sur la stoá d’Antigone. Ce bâtiment de forme très allongée, d’environ 67 m de longueur par 9 m de largeur, était certainement un néorion (νεώριον) c’est-à-dire un monument commémoratif destiné à célébrer une victoire navale. Le bâtiment comprenait un prodomos, une longue galerie et une cella. La technique de construction paraît indiquer les dernières années du IVe siècle avant JC ou les premières années du IIIe siècle avant JC. Le néorion contenait un navire identifié parfois comme une trirème offerte à Apollon par Démétrios Poliorcète (règne de 336 à 283 avant JC), roi de Macédoine, après sa victoire navale cruciale de Salamine de Chypre en 306 avant JC ; parfois comme le navire amiral de son fils, Antigone II Gonatas (règne de 319 à 239 avant JC), offert par celui-ci pour célébrer sa victoire de Cos contre les Lagides au milieu du IIIe siècle avant JC. L’intérieur du Néorion était décoré de bas-reliefs représentant des Néréides, chevauchant des monstres marins, et des dauphins sautant par-dessus l’écume des vagues. La tête et les épaules d’une paire de taureaux faisaient partie de la décoration d’une entrée intérieure. |
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| La salle hypostyle (Υπόστυλη Αίθουσα) | À l’ouest du Dodécathéon, à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire et assez près de la mer, se trouve la salle hypostyle (n° 41). La salle hypostyle était une vaste salle, d’environ 56 m de longueur par 34 m de largeur. C’était le plus vaste édifice de Délos après l’agora des Italiens, avec environ 1 840 m² de surface. Sa construction date de 208 avant JC ; après 166 avant JC, quand l’île retomba sous la domination athénienne, le nom des Déliens fut remplacé par le nom des Athéniens dans l’inscription dédicatoire du monument. Le plafond de la salle était soutenu par des colonnes en poros, un tuf calcaire assez dur : neuf rangées de cinq colonnes, soit 44 colonnes en tout, la colonne du milieu omise pour dégager l’espace central. Les colonnes de la périphérie étaient de style dorique, les autres colonnes de style ionique. La salle était close sur trois côtés, mais la façade sud du bâtiment s’ouvrait sur l’agora de Théophraste (n° 40) par un portique formé de quinze colonnes doriques en poros, dressées sur des blocs de granite ; les stylobates, les entablements et les chapiteaux étaient en marbre blanc. La destination de la salle hypostyle n’est pas connue avec certitude ; peut-être était-elle un réfectoire pour la restauration des pèlerins et des marchands. |
| L’agora des Italiens (Αγορά των Ιταλών) | En sortant du sanctuaire par le nord, passant entre l’Ekklésisterion et la Graphé, on découvre sur la droite les fondations d’un très grand monument, l’agora des Italiens (n° 45). Les Italiens avaient commencé à s’installer sur Délos dès le IIIe siècle avant JC, leur présence devenant plus forte après le milieu du IIe siècle avant JC avec l’accroissement de la puissance de Rome. La plupart de ces Italiens étaient des banquiers ou des marchands du sud de l’Italie et de la Sicile, organisés en diverses confréries professionnelles, chacune sous le patronage d’un dieu : Apollon (Apolloniastes), Poséidon (Poséidoniastes) ou Hermès (Hermaïstes). Sur l’Agora des Compétaliastes, le centre de leurs activités commerciales, ils consacrèrent de nombreux monuments et autels. La plupart vivaient dans les nouveaux quartiers de la ville au nord du sanctuaire, où, vers la fin du IIe siècle avant JC, ils construisirent ce que l’on nomme aujourd’hui l’Agora des Italiens, lieu de rencontre pour les membres de la communauté italienne. Vers 130 avant JC, les marais situés au sud du Lac sacré furent asséchés et comblés de terre, parfois jusqu’à deux mètres d’épaisseur, et une partie du téménos (quartier sacré) de Léto fut sacrifiée pour permettre la construction de l’agora prestigieuse et luxueuse des Italiens. L’agora occupait une grande place rectangulaire, mesurant 48 m par 68 m ; elle était entourée d’un immense péristyle dorique comptant en tout 112 colonnes, dont deux sur le côté nord ont été restaurées avec leurs épistyles pour donner une idée de l’état d’origine. Sur le péristyle s’ouvraient les loges des négociants italiens ; les côtés sud et ouest de l’agora devaient abriter des ateliers car les archéologues y ont retrouvé des instruments de musique et des débris de sculptures. Cet immense complexe était le plus grand bâtiment de Délos. L’entrée de l’Agora des Italiens se trouvait du côté sud-ouest du bâtiment, juste au sud du temple de Léto : cette porte en marbre conduisait dans un grand espace extérieur entouré de colonnades à deux étages, avec quatre colonnes doriques en façade au rez-de-chaussée et des pilastres carrés à l’étage supérieur. L’épistyle ionien était gravé avec les noms des donateurs en grec et en latin. Derrière les colonnades du rez-de-chaussée se trouvaient des niches et des exèdres avec des statues honorifiques. Dans une telle exèdre se trouvait la statue de Gaius Ophellius Ferus, plus grande que nature, créée par les sculpteurs athéniens Dionysos et Timarchidès, comme l’indique l’inscription sur la base. Gaius Ophellius, un riche marchand de Campanie qui avait des intérêts commerciaux sur Delos, a payé pour la construction de la colonnade de l’Agora, peut-être sous la condition qu’il lui soit accordé un endroit pour placer sa statue. Naturellement, il a payé non seulement pour la construction de l’alcôve, mais aussi pour la statue. Il est représenté nu, son himation jeté sur son épaule gauche, avec un jeune corps vigoureux, à la manière des travaux de Polyclète et Praxitèle. Debout, sa main droite levée s’appuyant sur une longue lance et sa main gauche tenant une petit épée, imitant la position des statues d’Alexandre le Grand, il pouvait éventuellement tracer un parallèle entre ses succès commerciaux et les réalisations du conquérant. Dans une autre des niches de l’Agora, on trouva la tête de la statue équestre d’un homme en cuirasse. Le visage sans expression avec son regard fixe sévère et ses lèvres serrées révèlent quelqu’un habitué à donner des ordres. Le marbre fortement poli accentue encore l’expression froide de l’homme militaire. Deux statues de Gaulois du même site sont très différentes. Ils étaient probablement liés aux victoires des rois de Pergame contre les Celtes, ou à l’abattage des mercenaires celtiques par les soldats de Ptolémée II Philadelphe en 276 avant JC. La première statue dépeint un guerrier gaulois blessé, tombé sur son genou droit, mais continuant à lutter pour relever le bouclier caractéristique qu’il saisit dans sa main droite. Seule la tête frappante de la seconde statue, avec ses caractéristiques de sauvage barbare survit. Les deux statues soulignent la nature féroce des Gaulois afin de rendre la conquête des vainqueurs encore plus admirable. Dans ces œuvres, comme sur l’autel de Pergame et du Parthénon, les victoires des Grecs contre les « barbares » sont présentées comme des victoires de la Civilisation sur le Barbarie, de l’Ordre contre l’Anarchie, de la Loi contre la Violence, des réalisations comparables à celles de l’Olympien Dieux (bataille contre les Géants), élevant les rois victorieux au niveau des Divins Sauveurs. Sur le coin nord-ouest, il y avait des bains et des côtés des arbres, à l’extérieur de l’Agora, de nombreux magasins et ateliers. Dans le coin sud-ouest, dans l’atelier d’un sculpteur, on a trouvé un relief représentant Isis Pélagia, le protecteur des marins. La déesse, vêtue d’une longue robe cernée sous les seins, est debout sur la proue d’un navire de guerre avec ses pieds écartés pour résister à la force du vent. Avec ses deux bras et avec son pied gauche, elle maintient sa robe ouverte vers le vent, de sorte que son corps devient un mât, ses bras des vergues et son himation une voile. Avec la construction de cet édifice massif sur l’île sacrée, la superpuissance de l’époque proclamait ouvertement sa présence, son pouvoir et le rôle régulateur qu’il était déterminé à jouer en Mer Égée. |
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| Le temple de Léto (Λητώον) | À la sortie du sanctuaire d’Apollon, sur la droite, devant l’agora des Italiens, se trouve le temple de Léto ou Létôon (n° 44). Lorsque Léto avait trouvé refuge à Délos pour mettre au monde Apollon et Artémis, Léto avait promis à l’île d’y construire son temple. Le Létôon fut construit pendant la période archaïque, au VIe siècle avant JC. Le petit temple présentait deux colonnes in antis sur sa façade et était ceinturé à l’extérieur par une banquette en marbre ; à l’intérieur de la cella une saillie permettaient aux pèlerins de déposer leurs offrandes. |
| Le monument en granit (Μνημείο του Γρανίτη) | À gauche de la Voie Sacrée, en face de l’agora des Italiens, se dresse un imposant bâtiment (n° 43) – de 40 m de longueur et de 19 m de largeur – construit en énormes blocs de granite de l’île. Le bâtiment, divisé en 16 salles non communicantes, s’ouvrait sur la Voie Sacrée par sept portes ; ce bâtiment abritait probablement au rez-de-chaussée des boutiques ou des ateliers, mais il comportait aussi un étage dont on ignore la destination. |
| La terrasse des lions (Άνδηρο των Λεόντων) | Au nord du sanctuaire la Voie Sacrée prend le surnom de « Voie des Lions » lorsqu’elle passe au pied de la Terrasse des Lions (n° 47). Cette terrasse doit son nom à des statues de lions alignées, à des niveaux différents, le long de l’avenue qui conduisait les pèlerins débarquant au port archaïque de la baie de Skardana jusqu’au sanctuaire ; ces lions semblaient monter symboliquement la garde du sanctuaire d’Apollon face au Lac Sacré. La Terrasse des Lions est longue d’environ 50 mètres et large de 25 en moyenne et a la forme d’un trapèze irrégulier. Les Lions de Délos furent offerts par les Naxiens à l’époque archaïque, à la fin du VIIe siècle avant JC, dans le cadre d’un programme grandiose de construction qui devait montrer la suprématie de Naxos à tous les pèlerins helléniques ; les statues sont sculptées dans le marbre à gros grain de Naxos, teinté de gris, semblable à celui du Colosse des Naxiens. Les lions se présentent assis sur leurs pattes postérieures, leurs pattes antérieures rigoureusement droites, la tête projetée en avant et la gueule ouverte dans un rugissement éternel, avec un corps élancé laissant voir leurs côtes. Du point de vue morphologique ces lions sont plutôt des lionnes, avec une crinière à peine marquée. Les dimensions, comme le caractère du travail, varient notablement d’une figure à l’autre. Le plus petit lion est long de 1,74 m à la base, et haut de 1,64 m. Le plus grand mesure, de la tête à la queue, 3,21 m. Le corps est toujours étiré et maigre à l’excès ; les pattes de derrière, bien assises, sont d’un heureux modelé, celles de devant paraissent trop grêles ; l’ossature n’est guère indiquée que dans la région des côtes ; la facture de la tête est sommaire et brutale ; la gueule s’ouvre largement ; les mèches de la crinière ne sont indiquées que superficiellement, par des stries parallèles un peu ondulées. Le style est encore barbare, mais la rudesse même de l’exécution contribue à la puissance de l’effet : ces lions devaient impressionner les pèlerins par leur formidable aspect, car la plupart d’entre eux n’avaient jamais vu de lions. Il semble que la Terrasse des Lions ait toujours été un espace ouvert et libre, peut-être une sorte de place publique. Après la construction du temple de Léto, vers 540 avant JC, les lions devaient surtout être considérés comme les gardiens du téménos de Léto. La Terrasse des Lions est finalement devenue, au IIe siècle avant JC, une sorte d’esplanade, important carrefour de communication entre les quartiers nord d’habitation, le port de Skardana, l’agora des Italiens et le sanctuaire d’Apollon. La Terrasse des Lions a probablement été détruite au début du Ier siècle avant JC, car des parties des lions furent utilisées comme matériaux de construction pour le mur construit en 67 avant JC par le Romain Gaius Triarius pour protéger le sanctuaire. Le témoignage des premiers voyageurs montre que des parties des lions étaient visibles jusqu’au XVIIIe siècle. Des parties des lions ont été découvertes en 1886 et 1894, bien que la plupart des pièces aient été trouvées en 1906 par les archéologues français. Ces lions devaient être à l’origine au nombre de neuf, voire seize ; des lions d’origine cinq survivent, plus ou moins mutilés. Les statues que l’on voit sur le site sont des copies : en 1999 les originaux ont été transférés au musée de Délos où ils sont présentés. L’un des lions, sans tête, a été emporté par l’amiral vénitien Francesco Morosini en 1687 ; ce lion a été affublé d’une nouvelle tête mal assortie datant de la fin du XVIIe siècle, et garde, depuis, la Grande Porte de l’Arsenal de la Sérénissime République de Venise. |
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