Le lac sacré (Ιερή Λίμνη) | Le relief de l’île de Délos est fait de quelques collines à pente douce ; dans la partie basse de l’île se trouvait autrefois un lac d’eau douce qui était alimenté par des cours d’eau temporaires qui coulaient du mont Cynthe pendant les précipitations hivernales, tel l’Inopos qui coulait à travers le quartier du théâtre. Ce lac (n° 46), de forme ovale, était entouré d’un muret de pierres sèches ; selon la mythologie, les cygnes sacrés d’Apollon y nageaient et le lac était un lieu du culte d’Apollon. Dans les années 1925 le lac fut asséché et comblé avec de la terre car ses eaux stagnantes étaient le foyer d’épidémies de paludisme. Les archéologues français du site de Délos plantèrent en son milieu un palmier, symbolisant le palmier au pied duquel Léto avait mis au monde Apollon et Artémis. |
| Le quartier du lac (Συνοικία της Λίμνης) | Le Quartier du Lac a été construit autour de ce lac, au nord du sanctuaire d’Apollon, entre la Terrasse des Lions et la baie de Skardana. Le Quartier du Lac était principalement un quartier d’habitations, d’échoppes et d’équipements collectifs construits le long de rues rectilignes. Les maisons de Délos variaient considérablement dans leur plan d’étage, déterminé par la forme et la taille de la parcelle, les souhaits du propriétaire, combien il pouvait se permettre de dépenser et les changements apportés par les générations successives. Une caractéristique commune est qu’elles regardaient toutes vers l’intérieur : les pièces étaient construites autour d’une cour centrale à partir de laquelle elles recevaient la lumière et l’air, et il n’y avaient pas de fenêtres extérieures au rez-de-chaussée. De cette façon, les bâtiments étaient plus sûrs, plus frais, plus silencieux et protégés du bruit de la ville, tandis que la vie privée des résidents était à l’abri de l’activité incessante des rues animées. Les maisons étaient généralement spacieuses et confortables ; il y en a très peu, dont le rez-de-chaussée ait une superficie inférieure à 120 m² ; beaucoup couvre plus de 500 m², une superficie doublée si l’on tient compte du fait que la plupart des maisons avaient plus d’un étage ; il y en avaient qui occupaient trois ou quatre niveaux. Du rez-de-chaussée, un escalier, en bois ou en pierre, menait au dernier étage (hyperoon), où les visiteurs n’étaient pas admis. C’était généralement là où se trouvaient les chambres des femmes et des enfants, tout comme l’isteon (la salle de tissage avec le métier à tisser) et d’autres chambres privées richement décorées et meublées. Dans certains cas, l’hyperoon était un appartement indépendant, accessible par un escalier extérieur. Les murs de pierre des maisons étaient recouverts à l’intérieur et à l’extérieur avec du plâtre. À l’extérieur, le plâtre était généralement laissé blanc, tandis qu’à l’intérieur – par incision, relief ou peinture – il imitait de la maçonnerie en marbre ou des éléments d’architecture de bâtiments plus somptueux. Les murs des salles secondaires étaient laissés blancs, mais ceux des pièces principales étaient colorés en tons chauds terreux (ocre ou rouge) et avaient une frise étroite décorée habituellement avec un motif géométrique, des motifs floraux stylisés ou, plus rarement, des figures humaines. Même les plafonds étaient décorés de couleurs, nécessitant de nombreuses heures de dur labeur. Les salles secondaires avaient des sols en terre battue, souvent renforcés par des coquillages brisés ou des déchets d’ateliers de porphyres. Certaines pièces, en particulier dans les étages supérieurs, avaient peut-être des planchers en bois. Les salles en plein air, comme certaines rues de la ville, étaient parfois pavées de dalles de granit. Mais la méthode la plus courante pour couvrir les planchers, en particulier dans les maisons, mais aussi dans les bâtiments publics, était avec des mosaïques faites à partir d’une variété de pierres placées dans un solide lit de mortier sur une sous-couche spécialement préparée. Les planchers de mosaïque sont durables, impressionnants, mais aussi pratiques car ils peuvent facilement être nettoyés et lavés. On peut imaginer certaines de ces habitations en observant les ruines de la Maison du Lac, de la Maison au Diadumène ou de la Maison des Comédiens. |
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| La maison du lac (Οικία της Λίμνης) | La Maison du Lac (n° 59) est une demeure élégante bâtie sur une parcelle de forme irrégulière entourée de rues. Cette maison date de l’époque hellénistique, dans les dernières décennies du IIe siècle avant JC ; elle fut habitée par au moins deux générations de la même famille et fut détruite par un incendie en 69 avant JC. De la rue, une double porte, dont le côté droit était laissé ouvert, mène à un petit espace carré ou rectangulaire, le porche ou proauleion (προαύλιον) (A) à droite duquel se trouve le thyrorion (θυρωρείο) (B), la loge occupée par le portier ou thyroros (θυρωρός). Le thyroros était un serviteur de confiance dont le travail n’était pas seulement d’ouvrir la porte aux visiteurs, mais aussi de surveiller les allées et venues du foyer. En face de l’entrée principale, il y a une deuxième porte fermée, menant à l’aulê (αυλή) (C), l’atrium central à ciel ouvert entouré de colonnades, le péristyle ou peristulon (περίστυλον) (D), qui assure l’aération et l’éclairement de la maison. Sous la partie centrale de la cour, se trouve une grande citerne qui collecte l’eau de pluie reçue par le toit. Le toit de la citerne repose sur des arcs en « poros » et est recouvert d’un sol en mosaïque qui se trouve à un niveau inférieur à celui du au sol du péristyle. Pendant les mois d’été, ce bassin était probablement rempli d’eau, ce qui mettait en valeur les couleurs de la mosaïque et devait créer une sensation de fraîcheur par la lente évaporation de l’eau sous l’action du vent. Cette mosaïque avec des motifs géométriques simples est assez bien conservée ; on peut aussi voir un chapiteau d’une des colonnes du péristyle. On remarque le joli puits de la cour, reconstitué récemment, ainsi qu’un second, percé, par manque d’espace, dans l’épaisseur du mur. Autour de l’atrium se trouvent les salles de réception, les salles auxiliaires, les chambres à coucher des esclaves, les ateliers de travail et les celliers. Au rez-de-chaussée se trouve également l’exèdre (E), une salle d’été ouverte en avant, l’andrôn (άνδρών) ou oikos (F) - la salle de réception et de restauration, dans laquelle se tenaient les banquets ou symposion (συμπόσιον), ainsi que les chambres à coucher des hommes (G). Sur les murs du quartier des hommes subsistent de nombreux vestiges de fresques. Habituellement, les chambres à coucher des femmes et des enfants sont à l’étage supérieur et à l’arrière de la maison afin que la forte lumière du soleil et le bruit ne dérangent pas le sommeil des gens ; ces chambres sont assez petites pour être facilement chauffées pendant l’hiver. L’andrôn (F) est généralement orienté vers le sud pour recevoir le maximum de lumière en hiver et l’ombre en été. Un petit appartement avec entrée et atrium séparés est peut-être le xénon (ξένων) (H), les chambres des invités. À côté de l’entrée secondaire, loin des pièces principales, se trouve les latrines ou apochoretérion (αποχωρητήριον) (I) et la cuisine ou mageireion (μαγειρείον) (K). Une porte fermée isole ces deux zones du patio pour éviter que les maîtres de la maison ne soient incommodés par des odeurs désagréables. Les bains étaient dans une pièce séparée avec des baignoires en terre cuite. Aux coins de la maison, sur des bases en granit, on peut encore voir en relief les emblèmes des Dioscures, un bouclier entre deux chapeaux coniques, destinés à écarter les influences sinistres, tout comme les phallus ou la massue d’Héraclès. |
| La palestre du lac (Παλαίστρα της Λίμνης) | La palestre du lac (n° 61) se trouve dans la zone plate située au nord-est du Lac sacré ; dans cette zone les puits fournissaient de l’eau douce tout au long de l’année. Une palestre (παλαίστρα) était – dans la Grèce antique – un centre sportif et éducatif où les adolescents âgés de 12 à 16 ans pratiquaient la gymnastique et le pentathlon grec (lutte, course à pied, saut en longueur, lancer du javelot, lancer du disque), mais aussi les bonnes manières et la discipline. La palestre et le gymnase étaient les centres de la vie sociale de la population masculine : les hommes de tous âges y passaient beaucoup de temps : les garçons et les jeunes pour s’éduquer et s’exercer, les hommes adultes pour maintenir leur bonne condition physique, les anciens pour admirer ou pour commenter, et tous pour prendre des nouvelles et engager des conversations. C’est cette ambiance de la palestre qui est souvent évoquée dans les dialogues platoniciens. La palestre du lac occupe une superficie de 1 300 m² et se compose d’une cour centrale avec une citerne, autour de laquelle se trouvaient des colonnades, des zones d’exercice, des exèdres pour des conversations, des conférences et des leçons, des vestiaires, des bains, des salles où étaient stockés les huiles et les onguents, des latrines, et cetera. Le long du mur oriental se trouvent des niches pour recevoir des offrandes et des inscriptions honorifiques. La palestre du lac fut la première palestre de la cité de Délos ; elle fut construite au IIIe siècle avant JC au-dessus des ruines d’un bâtiment antérieur de fonction peut-être similaire. Deux autres palestres existaient dans la zone du lac : la palestre de granite (Παλαίστρα του Γρανίτη) (n° 60) et la palestre de Staseas (n° 57). La palestre du lac fut restaurée et réorganisée au IIe siècle, entre 150 et 100 avant JC. Malgré ces travaux, la palestre du lac devint insuffisante avec l’augmentation importante de la population. Au début du Ier siècle avant JC, un nouveau gymnase (n° 72), beaucoup plus grand, fut bâti à quelques minutes à pied au nord-est du lac, près du stade (n° 73). La palestre du lac fut incendiée en 69 avant JC pendant le raid des pirates d’Athénodoros de Rhodes ; les ruines de la palestre furent utilisées en 67 pour la construction par Gaius Triarius d’un mur défensif (n° 62) le long de son côté est. |
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| La maison au Diadumène (Οικία Διαδούμενου) | La Maison au Diadumène (n° 55) était la plus grande maison de la cité antique de Délos, avec 36 m de longueur par 26 m de largeur ; elle occupait une superficie de 958 m², la seule cour faisant 266 m². La Maison au Diadumène semble avoir été trop grande pour une simple maison d’habitation privée ; elle hébergeait peut-être une confrérie, tout comme le bâtiment situé un peu plus à l’ouest, la Loge des Poséidoniastes. La maison doit son nom à une statue qui fut découverte en 1894 avec deux autres statues, dans la grande salle de réception : une copie romaine en marbre de la statue en bronze du célèbre Diadumène (διαδούμενος, « celui qui ceint son bandeau »), œuvre de Polyclète, sculpteur grec du Ve siècle avant JC. Cette copie du Diadumène, datée d’environ 100 avant JC et à laquelle il ne manque que les mains, est exposée au Musée national archéologique d’Athènes. Parmi les ruines de la maison on remarque les hautes bases cylindriques, en marbre blanc, qui soutenaient les colonnes grises des portiques de l’atrium ; l’une d’elles comporte des sculptures inachevées en relief. |
| La loge des Poséidoniastes (Ιδρύματος των Ποσειδωνιαστών) | La Loge des Poséidoniastes (n° 49) se trouve à l’ouest du Lac sacré ; quatre colonnes, visibles au nord-ouest de la Terrasse des Lions, marquent l’emplacement de ce bâtiment. Durant la période hellénistique, toutes les personnes originaires d’une même région se rassemblaient dans des confréries, créant un microcosme familier et sécurisé sous la protection de leurs divinités ancestrales. L’Établissement des Poséidoniastes fut construit au IIe siècle avant JC en tant que sanctuaire religieux, centre commercial et foyer social pour les négociants, les armateurs et les propriétaires d’entrepôts originaires de la ville phénicienne de Bérytos (Berytus à l’époque romaine), l’actuelle ville de Beyrouth au Liban. Ces marchands, attirés à Délos par l’important développement économique de l’île, formaient la Confrérie des Poséidoniastes, placée sous la protection de leur dieu ancestral Baal, assimilé par eux au dieu grec Poséidon. | | Une grande cour à péristyle, avec une citerne souterraine, se trouve au centre du complexe. Sur le côté sud-ouest de cet atrium se trouvaient des autels et de petits temples où étaient adorés Baal (Poséidon / Neptune), Astarté (Aphrodite / Vénus) et Eshmoun (Asclépios / Esculape). À cette triade protectrice fut ajouté, pendant les premières années de l’hégémonie romaine, à la fin du IIe siècle avant JC, le culte de la déesse Rome, dont la statue cultuelle, mutilée de la tête, est conservée sur place jusqu’à ce jour. Dans l’une des salles situées du côté sud de la cour à péristyle fut découverte une célèbre statue d’Aphrodite nue, se débattant dans les bras du dieu Pan aux pieds de bouc qui l’a surprise dans son bain. Un Éros volant essaye de repousser Pan, la déesse est prête à frapper Pan avec sa sandale, mais tous les deux sourient. Jusqu’à l’époque romaine le dieu Pan, les Satyres et les Centaures n’avaient pas de femmes dans leur monde, c’est pourquoi ils attaquaient souvent des mortels, femmes ou garçons, des nymphes ménades ou des déesses. Sur le socle, une inscription dédie la statue à ses dieux ancestraux par Dionysos, fils de Zénon de Théodoros, originaire de Bérytos. Ce groupe de statues d’Aphrodite, de Pan et d’Éros, datant de 150 à 125 avant JC, découvert en 1904, est aujourd’hui exposé au Musée national archéologique d’Athènes. À l’extérieur de la Loge des Poséidoniastes, à l’angle sud-ouest de l’édifice, se trouve une inscription chrétienne précoce gravée à la hâte sur le marbre : « Christ vient en aide à ton serviteur Pierre ». Sur les côtés est et sud du bâtiment se trouvaient de nombreux ateliers et échoppes. | |
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| L’îlot des joyaux | À côté de la Loge des Poséidoniastes s’est développé l’îlot des Joyaux (n° 50), l’un des quartiers les plus récents de la ville antique. Ce quartier fut aussi le premier quartier à être brûlé pendant le raid de 69 avant JC ; aussi la plupart des bijoux qui ont été trouvés sur Délos sont des objets peu coûteux, principalement de la pâte de verre, parce que les bijoux les plus précieux ont été pillés par les pirates ou emportés par ceux qui ont réussi à s’échapper. Deux femmes ont cependant eu le temps, malgré la panique, d’enterrer leurs bijoux, sans jamais pouvoir revenir et les récupérer. On a donc mis au jour le contenu des boîtes à bijoux de deux dames particulièrement riches du Ier siècle avant JC : la boîte à bijoux de la première dame contenait une paire de boucles d’oreilles en or avec des cupides, un médaillon d’or avec le buste d’Aphrodite, un second médaillon en or décoré d’hématite et de pâte de verre, un collier avec de nombreux morceaux d’or et des perles. Dans une autre maison de l’îlot – dans un petit trou creusé à la hâte dans le sol et recouvert d’une pierre – on a découvert les économies et les bijoux d’une autre femme : trois pièces d’argent, deux bijoux en or avec un buste d’Aphrodite et d’Éros, trois chaînes en or avec des médaillons, trois paires de boucles d’oreilles en or et une bague en or. Dans les deux cas, avec les bijoux, les pièces de monnaies détenues à ce moment-là ont été enterrées : dans le premier cas, il n’y avait qu’une tétradrachme athénienne d’argent, mais dans la maison plus riche, il y avait une petite fortune : 59 tétradrachmes d’argent, 3 statères rhodiens dorés et 2 demi-statères. |
| La maison des comédiens (Οικία Κωμωδών) | L’îlot de la Maison des Comédiens (n° 53) est le quartier le plus septentrional et le plus récent de la cité antique de Délos ; il fut construit dans le dernier quart du IIe siècle avant JC au bord de la baie de Skardana, au nord de l’îlot des Joyaux. |
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