Le Centre d’Interprétation des Moulins de Tiscamanita est installé dans un moulin à vent et ses bâtiments annexes (maison du meunier) datant du XIXe siècle, mais restaurés avec soin. Ce musée ethnographique présente l’histoire de la meunerie, les différents types de moulins, la construction des moulins, la culture céréalière et la fabrication du « gofio » à Fuerteventura, depuis l’époque préhispanique jusqu’à l’époque contemporaine. Durant des siècles, le gofio fut la base de la nourriture des habitants de l’île, les Mahos aborigènes puis, après la conquête normande et espagnole, les Majoreros. Le gofio – comme les Mahos eux-mêmes – est d’origine berbère. Il s’agit d’une farine de céréales grillées, riche en protéines, en vitamines et en sels minéraux essentiels à l’alimentation humaine ; le gofio est mangé sous de nombreuses formes. L’importance vitale du gofio pour la survie humaine lors des famines en a fait – et en fait toujours – l’aliment emblématique des îles Canaries et de leur culture populaire. Les aborigènes récoltaient des grains de céréales sauvages comme l’orge et le froment, qu’ils grillaient, puis concassaient dans des mortiers de pierre creusés en forme de navire, et broyaient dans des moulins à main constitués de deux pierres tournant l’une sur l’autre. Les colons espagnols reprirent l’utilisation des moulins à main des Mahos, sans beaucoup les améliorer, et utilisèrent – en plus de l’orge et du froment – le seigle et le maïs, quand cette céréale originaire d’Amérique du Sud fut introduite en Europe. L’un de ces moulins à main peut être vu dans la cuisine du Centre d’interprétation ; le visiteur peut lui-même faire l’essai de moudre une poignée de grains comme le faisaient les aborigènes. Plus tard, on utilisa la « tahona », une meule dressée verticalement et tractée circulairement par des chevaux, des bœufs ou même un groupe d’hommes ; la « tahona » était généralement située dans le logement même du paysan. La mouture des grains et la fabrication du gofio constituaient souvent un évènement social. À la fin du XVIIIe siècle les moulins à vent firent leur apparition dans le paysage de Fuerteventura, profitant des vents alizés soufflant presque continuellement sur l’île. Les premiers moulins à vent furent introduits depuis la Castille, sur le modèle des géants contre lesquels se battait Don Quichotte. Ces moulins dits « mâles » (molinos) étaient de solides bâtiments de maçonnerie de pierre et d’argile, blanchis à la chaux, avec une forme conique circulaire, couronnée par une vis en bois, qui était tournée par une barre pour orienter les pales au vent. Le « molino » comporte deux ou trois niveaux : à l’étage inférieur sont rangés les ustensiles employés par le meunier ; à l’étage du milieu, la farine ou le gofio est recueilli, tandis que le dernier étage abrite le mécanisme de broyage, une machinerie de bois et de fer. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, ces moulins « mâles » partagèrent le paysage insulaire avec des moulins « femelles », les « molinas », plus frêles et surtout plus pratiques d’utilisation, inventés par Isídoro Ortega Sánchez (1843-1923), originaire de Santa Cruz de La Palma. La « molina » a l’avantage sur le « molino » que toutes les manipulations des céréales et les procédés de broyage sont effectués sur un seul étage, éliminant ainsi le besoin de monter et de descendre les échelles de meunier, chargé avec de lourds sacs de grains. Dans le centre d’interprétation une maquette permet de comprendre la différence entre les deux types de moulins, qui sont largement répandus sur l’île. On peut voir un spécimen de « molina » à Tefía, entre autres. Au XXe siècle, les moulins cohabitèrent aussi avec les éoliennes d’extraction d’eau, nommées localement « chicagos » en raison de leur popularité aux États-Unis, malgré leur origine européenne. Les moulins à vent remplacèrent peu à peu les moulins à main et les tahonas ; les paysans préféraient porter leur blé, leur millet et leur orge au meunier, qui percevait sa part du grain ou d’autres produits agricoles jusqu’au XXe siècle, quand fut généralisé le paiement en argent. Les ailes des moulins à vent tournèrent dans le ciel de Fuerteventura jusqu’à ce que les changements économiques ne les poussent à la retraite, dans la seconde moitié du XXe siècle, quand le métier de meunier disparut presque complètement de l’île. À coté du musée, un magnifique exemplaire de moulin « mâle » attend l’arrivée des visiteurs. On peut le découvrir de l’intérieur et – si le vent est favorable – le voir fonctionner. Si on a la chance de parler avec le meunier il expliquera la meunerie et les beaux termes qu’elle emploie : le grain passe de la trémie à l’auget, et de là, espacés par la secousse rythmique qu’imprime le mouvement du babillard, tombe entre les meules et perd sa consistance sous la morsure des cannelures ; le gofio ou la farine tombe de l’auge dans le sac qui l’attend à l’étage inférieur, enveloppant le bâtiment d’un arôme intense. Le Centre d’interprétation des moulins a été ouvert à la fin de 1997 ; il fait partie du Réseau des musées de Fuerteventura, dépendant du département du Patrimoine Historique du Chapitre Insulaire (Patrimonio Histórico del Cabildo Insular). Il forme un ensemble ethnographique et historique avec le Centre d’Artisanat du Moulin d’Antigua (Centro de Artesanía Molino de Antigua), le Musée du Grain de La Oliva (Museo del Grano) et l’Eco-musée de La Alcogida (Ecomuseo de La Alcogida) de Tefía. Ces moulins sont reliés par la « Route des Moulins » (« Ruta de los Molinos »). Visite du Centro de Interpretación de los Molinos de Tiscamanita : Si on arrive de Tuineje par la route FV-20, tourner à gauche, puis à droite, derrière le bar de Tío Pepe. Horaire : ouvert du mardi au samedi, de 10 h à 18 h. Téléphone : 00 34 928 164 275 Tarif : 2 €. Le Centre présente de nombreux objets et panneaux d’information sur l’histoire de la meunerie ; un guide gratuit est disponible en différentes langues. Après la visite, le personnel du Centre offre aux visiteurs un sucrerie à base de gofio – moulu dans le moulin du Centre – d’huile et de sucre. Il est également possible d’acheter du gofio. |