| Le village de Skrip (Škrip) dans l’île de Brač en Croatie | |
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| | Étymologie et toponymie | Le toponyme Škrip (prononcer « chkripe ») provient du mot latin scrupus, qui signifie « caillou pointu » (confer scrupulus, « scrupule », petit caillou gênant dans la sandale), par référence aux débris d’extraction des carrières de Rasohe qui fournirent la pierre du palais de Dioclétien à Split. À l’époque vénitienne, Skrip se nommait en italien Scripea. |
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| Škrip est perché sur les collines au milieu d’un chaos pierreux dans la partie centrale de la côte nord de l’île de Brač. Le village se situe à une altitude de 250 m à environ 3,5 km de la mer. Il fait face aux crêtes du Mosor près de Split, de l’autre côté du canal de Brač. Skrip est à 12 km du port de Supetar accessible par ferry depuis Split. On peut arriver à Škrip par une route pittoresque qui descend vers le village depuis Nerežišća et le plateau de Vidova Gora ; serpentant entre les tumulus de pierre et les murets, cette route offre des vues spectaculaires sur le canal de Brač et les montagnes de la riviera de Makarska. Du cimetière du village on peut contempler une large vallée qui s’étend de Postira et Splitska à l’intérieur des terres. | |
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| | Les ruines illyriennes | Les fortifications illyriennes furent construites pour défendre l’île de Brač contre la pénétration grecque (IVe et IIIe siècle avant JC), qui fut effectivement arrêtée. Mais même ces murs massifs n’ont rien pu contre un ennemi beaucoup plus puissant, les légions romaines, au cours des siècles suivants. Les murailles illyriennes sont visibles près de la base occidentale de la tour de Radojković. De là, elles s’étendent sur environ 25 mètres vers le nord où se trouvait l’énorme porte principale. Puis les murailles tournent vers l’est, où se trouvait une petite porte, dont le souvenir est encore conservé dans le nom de Vroca (vratca, la petite porte). La suite de la muraille s’étend vers le sud, le long de la rue du village, jusqu’à la falaise de Kuka (le crochet, la falaise abrupte). Sur le côté sud se trouve la falaise qui sert de mur naturel de protection. Ces murailles, que l’on reconnait à la taille massive des blocs de pierre, ont été construites sur le modèle grec d’un mur cyclopéen, ce qui fit penser pendant un temps qu’elles étaient l’œuvre d’une colonie grecque, mais des recherches archéologiques récentes ont montré qu’il s’agit de constructions illyriennes : les Illyriens s’inspiraient des méthodes de construction des Grecs. |
| Les ruines romaines | La période romaine à Škrip s’étend du IIIe siècle avant JC au Ve siècle après JC, et les traces laissées dans Škrip par les Romains sont beaucoup plus importantes et plus visibles que celles des Illyriens. Pendant la période romaine des centres de vie s’établirent le long de la côte, tandis que dans l’intérieur des terres persistait une tradition préhistorique peu influencée par les Romains. L’ère de la paix romaine, la « Pax Romana », et les ressources spécifiques offertes par Brač, notamment les carrières de pierre excellente, contribuèrent à la formation de colonies le long de la côte. On n’a pas découvert de traces de grandes colonies qui auraient eu un statut et le caractère d’une municipalité : il s’agissait principalement de petites colonies développées dans le voisinage des carrières, des vignes ou des oliveraies. Les grappes de bâtiments formées autour des domaines agricoles étaient connues sous le nom de « villa rustica ». Des vestiges de « villae rusticae » romaines ont été découverts à Bol au-dessus de Rat, à Bunje près de Novo Selo, à Povlja et à Žalu. | L’histoire romaine locale rappelle la proximité des carrières historiques de Rasohe, de Stražišće et de Plate, située entre Škrip et Splitska, où des traces d’extraction de la pierre sont encore visibles. L’extraction de la pierre était importante pour toute la province romaine de Dalmatie, et il suffit de souligner l’importance des carrières de Brač pour la construction du palais de Dioclétien à Split. Les architectes romains organisèrent l’extraction de la pierre, notamment lors de l’expansion de Salona. Les carrières ont été exploitées avant la période de Dioclétien, comme le confirme une inscription du IIe siècle après JC trouvée dans les environs de Škrip ; l’inscription mentionne un directeur de théâtre (Centurio Quintus Silvius curagens theatri), qui est occupé à la construction du théâtre de Salona. Mais c’est la construction du palais de Dioclétien à Split qui donna le signal de l’exploitation massive et de l’arrivée d’une nouvelle population de tailleurs de pierre. Depuis les carrières, la pierre était transportée jusqu’au port de Split, puis vers Salone (aujourd’hui Solin) et Split, où l’empereur Dioclétien construisait son palais monumental. La carrière de Rasohe conserve le bas-relief le plus important de l’antiquité sur Brač : il représente Hercule sculpté directement dans la roche. Le bas-relief a probablement été réalisé à la fin du IIIe siècle ou au début du IVe siècle, quand la pierre était extraite pour le palais. Quelques autres représentations du héros ainsi que quelques autels votifs dédiés à Hercule (Héraclès) ont été trouvés, car les soldats et les tailleurs de pierre révéraient le culte d’Hercule pour sa force physique. Des autels votifs des divinités orientales Mithra et Baal ont également été découverts ; ils témoignent de la présence sur l’île de soldats et de tailleurs de pierre venus de tout l’Empire, notamment du Moyen-Orient. | Les monuments romains ont été trouvés en abondance à Škrip : on peut mentionner l’« étang » (lokva), un réservoir avec un escalier en pierre, creusé dans la roche près de l’entrée du cimetière. Il y avait d’autres réservoirs dans les environs de Škrip, ainsi que des puits d’eau de source. C’est tout à fait explicable si on garde à l’esprit qu’il y avait des centaines d’esclaves qui travaillaient dans les carrières voisines. Les contremaîtres des esclaves et les nobles de la Škrip romaine érigèrent des sanctuaires aux divinités païennes de Jupiter, Héraclès, Mitra, Mercure et Liber ; dans Škrip, ils construisirent des sarcophages de pierre et d’autres tombes pour leurs familles et pour eux-mêmes. | Škrip s’enorgueillit de posséder le plus grand cimetière de l’antiquité romaine existant encore sur l’île. C’est de ce cimetière que proviennent des centaines de bas-reliefs et de fragments, conservés principalement dans le musée local, le musée de l’île de Brač. Les archéologues pensent que juste en dessous de ce cimetière se trouvent les restes d’un temple romain. Pour les Romains, Škrip était le plus grand atelier de fabrication de sarcophages autour de l’Adriatique orientale. Tout au long du village sont éparpillés des sarcophages achevés ou inachevés, ou des fragments de sarcophages utilisés à des fins diverses dans les siècles qui suivirent. Quelques sarcophages se trouvent près du mur sud du château fortifié de Cerinić. Le couvercle d’un sarcophage se trouve à côté de la paroi orientale du château ; le second sarcophage est encastré dans le mur du jardin, sur le côté droit de la voie qui longe le mur nord du château. Un autre sarcophage se trouve en travers du sentier dans le jardin. Quelques tombes sont creusées dans la roche, comme celle qui se trouve dans le jardin sur le côté sud de la place, où, à côté de la tombe d’un homme adulte, se trouve une plus petite tombe destinée à un enfant. Beaucoup de sarcophages furent complètement détruits ; dans d’autres cas, les gens utilisèrent leurs cavités pour stocker l’huile, et les couvercles furent utilisés comme abreuvoirs. Beaucoup de sarcophages, sans leur fond, furent utilisés pour encadrer des portes comme, par exemple, sur la petite église Saint-Michel que l’on peut voir sur la colline voisine au-dessus de Dol, au sud-est de Škrip. | Le plus grand et le plus beau mausolée est encastré au-dessus de la base massive des murs illyriens, au bas de la tour de Radojković. Ce mausolée romain bien conservé date du début du IIIe siècle après JC. Il fut construit à peu près à la même époque que le palais de Dioclétien à Split ; il a en commun avec celui-ci quelques éléments architecturaux. Le mausolée repose directement sur les vieux murs illyriens. Il s’agit d’une chambre funéraire de forme carrée, avec une voûte en berceau, faite de blocs de pierres taillées disposées régulièrement, avec deux grandes arches voûtées en pierre au-dessus de la crypte. L’entrée de la chambre funéraire se trouve sur le côté oriental. Sous l’escalier en bois il y avait une petite ouverture qui a servi de sortie pour les personnes qui avaient scellé le mausolée de l’intérieur. Il s’agit probablement du mausolée de quelque noble romain. Mais, selon la légende locale, ce mausolée aurait été le dernier lieu de repos de deux nobles Romaines, l’épouse de l’empereur romain Dioclétien, Priscilla, et sa fille Valeria, qui en tant que chrétiennes auraient été cachées à Škrip en raison de leurs croyances religieuses et y seraient mortes. |
| L’église Sainte-Hélène (Crkva Svete Jelene) | L’église paroissiale Sainte-Hélène (Župna Crkva Svete Jelene) se trouve sur la place principale de Škrip. L’église Sainte-Hélène est le monument le plus récent de Škrip : la construction de l’édifice baroque fut commencée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, en 1768, et achevée au début du XIXe siècle. L’église Sainte-Hélène possède la façade baroque la plus harmonieuse de l’île de Brač . L’intérieur de l’église recèle un exemple rare d’un bel autel doré et deux tableaux d’autel originaux de valeur, œuvres de l’éminent peintre maniériste vénitien, Palma le Jeune (Jacopo di Antonio Negretti, dit Palma il Giovane, 1544-1628), élève du Titien et du Tintoret : le « Baptême du Christ » et « Marie avec les saints ». Deux autres œuvres du peintre ont été volées en 1974 et n’ont jamais été retrouvées : « Saint Roch et sainte Claire » et « Saint Jérôme et saint Augustin ». La tradition populaire voudrait que sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, serait originaire de Brač, mais c’est un sujet de dispute entre plusieurs villages (Selca, Škrip). L’empereur romain Constance Ier, se serait perdu dans cette région alors qu’il chassait, et aurait rencontré la belle Hélène, une jeune fille simple. Le père de la jeune fille, un berger local, aurait donné refuge à l’empereur dans sa modeste demeure et Hélène aurait raccommodé ses vêtements déchirés par l’errance à travers les bois. Constance en serait tombé amoureux et l’aurait immédiatement prise avec lui. Leur fils deviendra le futur empereur Constantin. À la fin de sa vie, Hélène aurait recherché et trouvé à Jérusalem la croix sur laquelle Jésus fut crucifié ; pour cette raison, on la nomme sainte Hélène de la Sainte-Croix (Sveta Jelena Križarica). |
| La chapelle du Saint-Esprit (Crkva Svetog Duha) | Dans le cimetière de Škrip se trouvent deux chapelles : à gauche la chapelle du Saint-Esprit (Sveti Duh), à droite la chapelle Saint-Jean (Sveti Ivan). La plus intéressante est la chapelle du Saint-Esprit car elle a été édifiée à trois époques distinctes : sa construction a commencé sous l’Empire romain sur les fondations d’une basilique antique ; elle s’est poursuivie lorsque les chrétiens s’enfuirent de Salone (la Salona romaine) au VIIe siècle ; elle fut achevée à l’époque romane (XIe et XIIe siècles). C’est l’un des plus beaux exemples de l’architecture préromane de Croatie. La chapelle du Saint-Esprit adopte la forme d’une basilique à trois nefs. Les nefs latérales ont été ajoutées au XVIe siècle et la chapelle carrée, un siècle plus tard. | La chapelle du Saint-Esprit fut la première église paroissiale du village. Parmi les tombes à l’intérieur de la chapelle, la plus importante est celle de Cerinić. En face de la chapelle se trouvent quelques vieilles tombes croates, dont les pierres tombales sont gravées de gouvernails, de faux, de haches, de houes, d’épées ou de boucliers : ce sont probablement des symboles qui indiquent la profession des défunts. Derrière le cimetière, sur le bord de la falaise où est dressée une croix de pierre, s’ouvre un panorama splendide, avec des vues intéressantes sur l’intérieur de l’île de Brač . |
| | Le palais et la tour de Radojković (Kula Radojkovića) | La haute tour carrée de Radojković fut érigée au XVIe siècle, pendant les guerres qui opposaient la République de Venise à l’Empire Ottoman. On y discerne trois strates de construction qui montrent trois différentes couches ethniques. Les fondations sont des murs cyclopéens en gros blocs de pierre taillés irrégulièrement ; elles datent de 1 500 ans avant JC et sont des constructions illyriennes. Au-dessus se trouve la partie romaine dans laquelle est encastré un mausolée romain. La partie supérieure de la tour est bâtie dans un style rustique, avec des pierres de petite taille jusqu’au sommet ; l’utilisation de pierres de petite taille, qui ont probablement été trouvées en abondance dans les environs, fait penser que la tour fut construite assez rapidement en raison d’un danger qui approchait. | Sur tous les côtés, vers le haut de la tour, sont intégrés des fenêtres placées au-dessus de consoles de protection. Dans tous les murs se trouvent des meurtrières, et la tour est entourée d’une cour fermée par une muraille. La tour de Radojković servit de tour de guet et de défense pendant la période troublée des raids turcs, lors de l’invasion turque de la partie continentale de la Dalmatie. | |
| Le musée de l’île de Brač (Muzej Otoka Brača) | Le Musée de l’île de Brač est hébergé dans l’ancien palais Radojković. Ce musée régional, créé en 1979, comprend une collection archéologique et lapidaire, et une collection ethnographique de nombreux outils et autres éléments de la culture matérielle et spirituelle des habitants de Brač. | | Le musée archéologique présente les résultats des fouilles menées dans la grotte préhistorique locale de Kopačina à Donji Humac, ainsi que dans des ruines romaines. Parmi les objets les plus intéressants de l’époque romaine, on remarque deux bas-reliefs d’Hercule, une divinité vénérée pour sa force, surtout chez les tailleurs de pierre et les soldats romains. Une partie d’un bas-relief paléochrétien, représentant un agneau sous la croix, servait à clôturer une cour. Au rez-de-chaussée du musée, en haut des marches de bois, se trouve le mausolée romain au-dessus duquel fut érigée la tour défensive du palais. | | Le musée ethnographique occupe une partie du rez-de-chaussée et l’étage supérieur ; il est consacré à la vie dans l’île de Brač. Dans un angle, on note les machines à polir et à étirer l’or en fil pour le travail en filigrane, typique de la joaillerie croate. On remarque aussi le coffre de jeune mariée (XIXe siècle) : en y apportant sa dot, elle signifiait son renoncement à tout autre héritage familial. Près de l’entrée du musée se trouve la figure de proue de l’un des navires de l’ermitage de Blaca qui remporta une bataille inégale contre une corvette anglaise dans le port de Split. | Le Musée de Brač à Škrip est quand même un peu un bric-à-brac fait de bric et de broc. | | Musée de l’île de Brač : Škrip HR-21423 Nerežišća Horaires d’ouverture : le musée est ouvert en été, de 9 à 19 heures, et à la demande le reste de l’année (en cas de fermeture, s’adresser à la maison mitoyenne). Téléphone : 00 385 (0) 21 637 092. Tarif d’entrée : 12 kunas. |
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| Économie | Les villageois de Škrip mènent une vie tranquille rythmée par les saisons. Leurs vignobles et leurs oliviers, leurs ânes et leurs moutons sont leurs premiers soucis. |
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