| Le temple de Mercure du puy de Dôme en Auvergne | |
| |
| Une splendeur vénérée dans toute la GauleLe sommet du puy de Dôme porte les ruines d’un grand temple gallo-romain dédié à Mercure, édifié au cours des deux premiers siècles de notre ère. Au temps de sa splendeur, ce temple fut un sanctuaire vénéré, centre d’un pèlerinage fameux dont le rayonnement s’étendait dans toute la Gaule, bien au-delà des frontières de l’Arvernie, jusqu’au fond de la Bretagne et sur les bords du Rhin où plusieurs autels dédiés au dieu topique gaulois Dumias, dieu des voyageurs et des marchands, le Mercure des Arvernes, ont été retrouvés. Le début de la construction du temple remonte à la première moitié du IIe siècle après JC, sur les lieux d’un sanctuaire gaulois plus ancien. Ce premier temple datait du Ier siècle après JC, sans que l’on connaisse ni le dieu honoré, ni même l’importance de l’édifice. La découverte d’objets gaulois (poteries, fibules et monnaies) le prouve, comme la mise au jour en 1874 de la dédicace en langue latine à la divinité Dumias (pourvue de caractéristiques proches de celles du dieu Mercure), vénérée en ces lieux avant l’arrivée des Romains et qui donna son nom au puy de Dôme. Aucun texte ancien ne mentionne véritablement le second temple de Mercure. Si Pline l’Ancien note que, vers 60 après JC, le sculpteur grec Zénodore a conçu une fabuleuse statue colossale en l’honneur du dieu Mercure, haute d’environ 18 mètres, il ne précise pas qu’elle fût érigée au sommet du puy de Dôme. De même, rien ne permet d’affirmer que le temple de Mercure visité par Grégoire de Tours fut celui-là. Aucun vestige n’a été retrouvé. Ce grand temple, dit de « Mercure », n’était pas dédié au seul dieu du commerce et des voyageurs qu’était Mercure. Selon un schéma très classique, on honorait plusieurs divinités au sein d’un même temple. Les inscriptions retrouvées font mention à plusieurs reprises, outre Mercure, d’un « culte à la puissance divine de l’Auguste », c’est-à-dire à l’Empereur, ainsi qu’à Jupiter, le père des dieux. ç Tablette de bronze – de 6,3 cm par 3,4 cm – découverte au Temple de Mercure, datée du IIe siècle après JC. Dédicace à la puissance divine (numen) de l’Auguste et au dieu Mercure Dumias, dédicace de Matutinius Victorinus. (Num[ini] Aug[usti] et Deo Mercuri Dumiati Matutinius Victorinus Dedicavit). |
|
|
| Le dieu MercureLe dieu Mercure honoré au sommet du puy de Dôme est connu par une documentation épigraphique découverte à proximité du site même et en Rhénanie. Le Mercure gaulois est un dieu souverain. Le Mercure Dumias (attesté par une inscription du temple de Mercure) ou Arvernus (six attestations en Germanie inférieure, peut-être une au sommet du Puy de Dôme) ou Arvernorix (« roi des Arvernes », une attestation en Germanie supérieure) illustre bien cette omnipotence du dieu et son caractère éminemment politique. ç Copie d’une tête de Mercure en marbre découverte au puy de Dôme (29 cm de hauteur). Statuette de bronze de Mercure, de 18 cm de hauteur, découverte au puy de Dôme en 1906. è Le Mercure du puy de Dôme possède un rayonnement qui dépasse les frontières de la cité des Arvernes ; les pèlerins qui offraient des dédicaces pouvaient être étrangers à la cité : ainsi fut découverte une inscription de Lucius Milonius Aprilis, originaire de la cité des Leuques : les Leuques étaient un peuple de la Gaule belgique (région de Toul). L’importance de la documentation archéologique et historique témoigne de la place privilégiée que Mercure occupait dans le panthéon des provinces gauloises de l’Empire romain. César l’avait déjà remarqué en son temps ; dans « La Guerre des Gaules », il note : « le dieu qu’ils honorent le plus est Mercure … ». La statue colossale en bronze, commandée au célèbre sculpteur Zénodore par les Arvernes, à l’époque de Néron, en est un autre signe qui n’échappa pas à la sagacité de Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXXIV, 18, 45-47) ; elle avait demandé dix ans de travail et 40 millions de sesterces. Il n’est pas aisé de caractériser le Mercure gaulois tant la documentation est délicate à interpréter. Il est souvent difficile de distinguer entre les éléments du substrat celtique, les caractères du Mercure romain et ceux qui relèvent des évolutions d’époque impériale. Les attributions du dieu ne peuvent pas se limiter à la seule protection des déplacements, en particulier ceux des commerçants. César avait aussi retenu que le Mercure gaulois était « l’inventeur de tous les arts ». |
|
|
| La construction du templeLe plan du temple de Mercure est celui des temples gaulois traditionnels avec cella (A) de 225 m², déambulatoire et ouverture à l’est. Le sanctuaire occupait l’intérieur d’une enceinte de près de soixante mètres de côté et s’étageait en une série de terrasses. Les Romains ont construit le temple sur une terrasse de 4 000 m² à laquelle on accède par un escalier du sud-ouest, sept volées de marches (E) séparées par sept paliers (D) permettent l’accès progressif aux terrasses (C) est et nord, renforçant l’aspect grandiose du monument. Sur ces terrasses se déroulaient les cérémonies religieuses. Seuls les prêtres entraient par une porte, côté soleil levant, comprenant une petite chapelle avec une statue de Mercure, entourée d’une galerie à colonnades sur trois côtés (pronaos situé en avant de la cella). Sur le quatrième côté, il devait y avoir des salles annexes du culte qui surmontaient une salle souterraine (on voit la trace de cinq contreforts (B) en demi-cercles). Le temple de Mercure et l’agglomération gallo-romaine du col de Ceyssat ont été construits pour l’essentiel avec une roche volcanique : le trachyte. Cette roche a été extraite des carrières situées dans le cratère Kilian, au pied du puy de Dôme. Facile à tailler, elle est aussi légère et relativement résistante. Découvertes en 2008, les carrières ont exploité un dôme volcanique éventré par une explosion finale il y a 9 450 ans. L’extraction s’est faite à grande échelle comme le révèlent l’abondance des tas de déblais et l’aspect très retravaillé du cratère. Outre son utilisation sur place en blocs monumentaux et moellons, cette roche a servi à réaliser des statues, stèles et coffres cinéraires retrouvés dans la région clermontoise. Pendant le haut Moyen Âge ces carrières fourniront aussi des sarcophages distribués à plus de 100 km alentours. D’autres volcans, tels le Clerziou ou le Sarcoui, ont pu également fournir du trachyte, mais les analyses détaillées de celui utilisé ici ne désignent que le Kilian. | Les fouilles de 1872 à 1877, de 1901-1902 et de 1906 ont montré la richesse de la construction (plusieurs fois incendiée et réparée à l’époque romaine) : L’aspect extérieur était caractérisé par la couleur du trachyte gris clair, mais l’intérieur était revêtu de somptueuses marqueteries de marbres aux couleurs chatoyantes, pour la salle dite de la « Dédicace » par exemple, ou encore de marbre blanc pour l’intérieur de la « cella ». Les parements intérieurs des murs de la cella du temple, de son pronaos et des trois ailes de sa galerie étaient revêtus de placage de marbres blanc, gris et de couleur. Ces plaques n’avaient que 2 à 4 cm d’épaisseur et étaient fixées au mur grâce à des pattes à scellement en fer. Les marbres blancs et gris provenaient des formations métamorphiques du Massif central et, en particulier, des carrières de Châtel-Perron (Allier) dont l’activité dans l’Antiquité est connue depuis 1764. Les marbres colorés, plus fins, rares et chers correspondent à des importations des autres provinces de l’Empire. L’abondant mobilier retrouvé signale la grande vénération de Dumias par toutes les catégories de la population : une trentaine de dédicaces sur pierre ou bronze ; statues et statuettes en pierre, bronze ou terre cuite ; phallus, monnaies, céramiques, bijoux offerts en ex-voto. | |
|
|
| Une route de Mercure entre Augustonemetum et le mont DumiasL’origine de Clermont-Ferrand (Augustonemetum) doit être recherchée dans le voisinage du sanctuaire romain qui occupait le marécage de Jaude (actuel mur des Sarrasins, rue Rameau). C’est là que devait se situer le grand sanctuaire de Mercure vu par Grégoire de Tours au VIe siècle. Avant de gravir les pentes des volcans, la route de pèlerinage passait à proximité des thermes guérisseurs dits de Royat, à Chamalières, et non loin de la source des Roches, où l’on a trouvé, en 1971, 8 500 fragments en bois de 3 000 ex-voto anthropomorphes du Ier siècle et une incantation druidique sur une lame de plomb. Ensuite, en arrivant sur le plateau, à Enval (au carrefour des routes D941 - D68), on pouvait voir un deuxième sanctuaire de Mercure où l’on a rencontré, en 1865, au moins trois inscriptions et deux statues du dieu. Enfin, en arrivant sur le puy de Dôme par le sentier qui vient du col de Ceyssat, on rencontrait un autel à Mercure qui signalait l’entrée sur le site du grand sanctuaire. Cette route de pèlerinage consacrée à Mercure, entre Clermont et le col de Ceyssat, est devenue à l’époque romaine une portion de la voie d’Agrippa reliant Lyon à l’océan Atlantique au-delà de Saintes. À partir de la voie d’Agrippa, on accédait au Temple de Mercure par un chemin de pèlerinage (sans doute l’actuel sentier de Besassa ou d’Allagnat). Le chemin muletier qui chemine à travers les noisetiers et les alisiers blancs témoigne de l’ancien tracé gallo-romain pour accéder au temple. | L’accès au temple, situé sur la terrasse la plus haute, se faisait, pour les pèlerins venant du col de Ceyssat, après ce long cheminement. La seule entrée connue est située à l’angle sud-est du sanctuaire. En l’absence de textes qui nous renseigneraient sur le déroutement des rituels religieux, l’étude de ce cheminement permet d’en restituer les principales étapes. Les espaces qui ponctuent le cheminement processionnel des pèlerins dans le sanctuaire correspondent à des étapes d’un rituel qui malheureusement nous échappe. Toutefois leur composition architecturale permet d’en esquisser la nature. Ainsi la grande terrasse à gradins (4) dont les traces au sol suggèrent qu’elle était équipée de mobilier : bases, autels – devait permettre de suivre des manifestations de piété. La salle dite « à la dédicace » (3) avec ses grandes fenêtres ouvertes sur le palier et son décor architectural soigné constituait un précieux écrin pour présenter les richesses du sanctuaire. Quant à la porte donnant sur la dernière volée d’escalier d’accès à la terrasse du temple (1), elle offrait un ultime contrôle avant l’entrée dans le domaine sacré. Dédicace à Mercure sur bloc de trachyte. è | La cité arverne occupait une position stratégique dans le réseau routier antique de la Gaule centrale. Elle était traversée par la voie d’Agrippa, créée dès les années 20 avant JC par l’administration impériale, pour relier Lugdunum (Lyon), la capitale des Gaules, à Mediolanum Santonum (Saintes) et à l’océan Atlantique par Augustonemetum (Clermont-Ferrand) et Augustoritum (Limoges). Cet axe majeur avait avant tout une fonction politique et administrative (transmission du courrier entre Rome et ses provinces, transport des hauts fonctionnaires) et stratégique (acheminement rapide des troupes militaires). De nombreux autres axes permettaient de relier les différentes localités du territoire (agglomérations, grands sanctuaires, centres économiques) et dynamisaient le développement des échanges et la diffusion des marchandises. Plusieurs sections de ces routes ont fait l’objet de fouilles archéologiques. Leur mode de construction se révèle très différent d’un tronçon à l’autre, de l’épaisse chaussée construite en dur au sommaire chemin de terre, écartant ainsi l’image d’une voie romaine type. Aux bords des routes, des bornes étaient placées tous les milles romains (1 mille romain = 1 481,50 m) ou toutes les lieues gauloises (1 lieue gauloise = 2 222 m) pour guider les voyageurs vers les principales directions. Un mille romain était la distance parcourue en mille pas (milia passuum), chaque pas, soit deux enjambées, ayant une longueur de 1,481 m. ç Découverte à Sermentizon (Puy-de-Dôme), cette borne milliaire, gravée en l’an 45 ou 46 après JC, jalonnait la voie d’Agrippa de Lyon à Saintes. La distance jusqu’à Clermont-Ferrand est donnée par l’inscription : 21 000 pas, soit 31 km. |
|
|
| Le déclin du temple de MercureOn ignore tout de la chute du sanctuaire aux IIIe et IVe siècles ou plus tard. Fut-il abandonné lors de l’avènement du christianisme ou ravagé lors des Grandes Invasions barbares ? L’ensemble a-t-il été détruit à la fin du Ve siècle, selon la date des monnaies trouvées sur le site ? Les objets découverts autour des ruines, antérieurs au Ve siècle, n’apportent aucun renseignement. Nulle trace de présence sur le site n’est relevée pendant les sept siècles suivants, nulle évocation, dans les documents de l’époque, d’un quelconque lieu sacré ! Un petit établissement religieux s’est installé à l’intérieur de la cella probablement aux alentours du IXe siècle. Contrairement à la chapelle Saint-Barnabé, construite au point culminant du puy, ce petit établissement a totalement disparu de la mémoire populaire. Ses vestiges, dégagés au XIXe et aujourd’hui ré-enfouis, ont été remis au jour entre 2000 et 2004 et ont permis d’identifier un petit prieuré composé d’une chapelle accompagnée d’espaces de vie. Entièrement niché dans l’espace de la cella pour protéger ses occupants des terribles vents d’ouest, ce petit établissement religieux est composé de trois ensembles. Au centre une chapelle composée à l’est d’un chœur fermé par une abside et à l’ouest d’une nef et deux bas-côtés délimités par des colonnes dont deux exemplaires étaient encore en place. À l’ouest de l’église un vestibule permettait d’accéder aux pièces du nord, deux espaces en enfilade probablement découverts, et, au sud, à un ensemble de petites pièces à vivre. Trois sépultures de moines mises au jour à proximité de l’abside, ont confirmé la destination de l’ensemble monumental et la chronologie de son occupation. La chapelle Saint-Barnabé fut construite au XIIe siècle, à l’emplacement de l’antenne actuelle. À la vénération de Mercure succéda, après une longue interruption, celle de saint Barnabé connu pour faire « éclater les idoles ». Une chapelle fut construite au sommet et donnée en 1167 à Guillaume VII, prieur de l’abbaye d’Orcival, avec l’obligation d’y faire célébrer la messe le jour de la Saint-Barnabé. Au XIIIe siècle, on retrouve l’existence de cette chapelle romane habitée par un moine ermite. Le jour de la Saint-Barnabé, une grande foule venait célébrer les Saints Mystères. Cette coutume fut conservée jusqu’au début du XVIIIe siècle. Abandonné et exposé aux intempéries, le monument ne tarda pas à tomber en ruines. En 1745, la voûte n’existait déjà plus. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, quelques récits de voyageurs font allusion aux ruines existant au sommet du Puy de Dôme. | |
|
|
| La redécouverte du templeEn 1872, les travaux de construction du premier observatoire permanent de montagne de France conduisirent à la découverte des premiers vestiges par Émile Alluard, professeur de physique à l’Université de Clermont-Ferrand. En 1875, le temple de Mercure fut classé Monument Historique. Les travaux de dégagement se poursuivirent jusqu’en 1878. Les fouilles furent confiées à Louis-Clémentin Bruyerre, Architecte en Chef des Monuments Historiques. Il réalisa de nombreuses aquarelles qui témoignent de l’état des vestiges au XIXe siècle. Aquarelle réalisée par l’architecte Bruyerre montrant les vestiges exhumés à la fin du XIXe siècle (1876). è La construction, en 1956, d’un relais hertzien, entraîna la destruction de l’ensemble des vestiges gallo-romains et médiévaux situés sur la partie sommitale du puy. |
|
| Un essai de reconstitution du temple de MercureDe tous les bâtiments, seule la terrasse principale supportant le temple est visible. Les autres éléments sont restés enfouis ou ont été engloutis par les différentes installations radioélectriques du sommet. Réparer l’escalier monumental serait peu coûteux mais permettrait de bien comprendre l’accès au sanctuaire. En 2013-2014, furent entrepris des travaux de restauration des murs d’enceinte et des structures de soutènement ; l’angle sud-est du monument fut reconstruit sur toute sa hauteur d’origine, soit 9 mètres. Son emplacement, son ampleur, la richesse de ses décors et les techniques employées pour sa construction lui ont donné un caractère tout à fait exceptionnel parmi les sanctuaires gallo-romains. Les murs principaux et les escaliers monumentaux furent construits en gros blocs de dômite (trachyte) provenant de la carrière du Clerziou ; il s’agit d’une roche blanche incrustée de minéraux brillants et noirs, biotites ou micas noirs. Cet édifice a été un chef-d’œuvre de magnificence comme le montrent les chapiteaux corinthiens, les bases de colonnes et la profusion de marbres blancs ou polychromes trouvés sur les lieux. Les sols étaient ornés de mosaïques, les pilastres et les plinthes décorés de placages munis de motifs floraux ou animaliers (1). Ces découvertes sont le résultat des fouilles réalisées à la fin du XIXe siècle. Depuis, de nombreux travaux ont été conduits d’année en année afin de consolider les vestiges endommagés par les intempéries et les visiteurs indélicats. Les dernières restaurations importantes remontent à 1978. (1) De nombreux vestiges retrouvés sur le site : éléments de chapiteaux, d’ex-voto, de statues, d’autels, de céramiques … ainsi que des dessins et une maquette du temple sont exposés au Musée Bargoin. |
|
| La vue actuelle des ruines | Généralités | Une exposition située au rez-de-chaussée du chalet de l’Observatoire du puy de Dôme présente les résultats des fouilles conduites au Temple de Mercure. Tarif d’entrée : 0 sesterces. |
| Heures de visite |
|
|
| |
|