| L’île, la forteresse et la léproserie de Spinalonga (Spinalónka) en Crète | |
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| Présentation générale | L’île fortifiée de Spinalonga est une île située près de la côte occidentale du golfe de Mirabello, sur la côte nord de la Crète ; l’île est presqu’entièrement occupée par une forteresse vénitienne qui resta en possession de la République de Venise près de cinquante ans après que le reste de la Crète était tombé aux mains des Ottomans. |
| Étymologie et toponymie | Historiquement le nom Spinalonga se réfère à l’îlot plutôt qu’à la presqu’île de Kolokytha car c’est l’îlot qui avait une importance stratégique. De nos jours le nom officiel de l’îlot est Calydon (Νήσος Καλυδών / Nísos Kalydón) ; ce nom lui a été donné en 1954 ; il s’agit du nom d’une ancienne cité grecque d’Étolie. En pratique tout le monde nomme l’îlot de son nom vénitien Spinalonga (Σπιναλόγκα), de même que la presqu’île qui est devenue une île elle aussi … En français l’île-forteresse était nommée « Spine Longue ». |
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| L’îlot de Spinalonga se trouve à environ 160 m au nord de la pointe nord de la presqu’île de Spinalonga et à 750 m de la côte occidentale du golfe de Mirabello. Le moine franciscain et cartographe vénitien Vincenzo Coronelli (1650-1718) affirme que cette colline rocheuse faisait anciennement partie de la presqu’île et que ce sont les ingénieurs militaires vénitiens qui l’ont séparée du reste de la presqu’île en 1526, afin de renforcer la défense de la forteresse qu’ils voulaient construire sur cette colline. Il est plus vraisemblable que cette colline, déjà fortifiée dans l’Antiquité, ait pu devenir un îlot suite au basculement de l’île de Crète du sud-ouest vers le nord-est, basculement qui abaisserait le nord-est de la Crète d’environ 80 cm par siècle. L’îlot mesure environ 440 m de longueur nord-sud par 250 m de largeur ouest-est, dans le sud de l’îlot, avec une superficie de 8,5 ha ; le point culminant de la colline est à 53 m d’altitude. Il contrôle l’entrée de la rade d’Élounda (Κόλπου της Ελούντας). |
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| La forteresse vénitienne de Spinalonga (Ενετικό φρούριο της Σπιναλόγκας / Enetikó froúrio tis Spinalónkas) | Légende du plan de la forteresse de Spinalonga : Constructions en rouge : époque vénitienne. Constructions en rose : époque ottomane. Constructions en jaune : époque de la léproserie. 1 : Entrée - Porte du sud (Είσοδος προς νότια πυλίδα). 2 : Bastion de Tiepolo (Πρόμαχώνας Tiepolo). 3 : Bastion de Donato (Προμαχώνας Donato) - Cimetière de la léproserie (Νεκροταφείο Λεπροκομείου). 4 : Partie du mur du sud. 5 : Orillon de Scaramelli (Προμαχώνας Scaramella). 6 : Porte secondaire de l’est. 7 : Saillant de Rangone (Αιχμή Rangone). 8 : Porte de Molin (Πυλίδα Molina). 9 : Place du Pont de bois. 10 : Demi-lune de Michiel (Ημισέληνος Michiel). 11 : Fronts du mur du nord - Partie de l’ancienne fortification. 12 : Flanc de Perino (Πλευρό Perino). 13 : Flanc de Genese (Πλευρό Genese). 14 : Porte principale (Κεντρική Πύλη, Porta Maestra). 15 : Saillant de Bembo (Αιχμή Bembo). 16 : Coin de Carbonano (Γωνία Carbonana). 17 : Place de Moretto (Πλατεία Moretta). 18 : Place de Mosto (Πλατεία Mosta). 19 : Demi-lune de Mocenigo (Ημισέλινος Moceniga) ou de Barbarigo (Ημισέλινος Barbariga). 20 : Place de Mocenigo (Πλατεία Moceniga). 21 : Place d’artillerie de Miani (Πλατεία πυροβολικού Miani). 22 : Saillant de Venier (Αιχμή Veniera). 23 : Place d’artillerie d’Orsini (Πλατεία πυροβολικού Orsini). 24 : Coin de Contarini (Γωνία Contarini). 25 : Courtine de Venier (Τείχος Veniera). 26 : Courtine de Grimani (Τείχος Grimana). 27 : Courtine de Memo (Τείχος Mema). 29 : Courtine de Falier (Τείχος Faliera). 29 : Porte de Carbonano (Πύλη Carbonana). 30 : Porte de la Montagne (Πύλη του Βουνού, Portello del Monte). 31 : Aile nord-est transverse de Molin (Βορειοανατολική Πτέρυγα Traversa Molina). 32 : Bâtiment de la garnison - Bâtiment de la léproserie. 33 : Bâtiment vénitien tripartite (Ενετικό Τρίδυμό Κτίριο). 34 : Citernes de l’époque vénitienne (Θολωτές δεξαμενές Ενετικής Περιόδου). 35 : Poudrière vénitienne (Ενετική Πυριτιδαποθήκη). 38 : Bâtiments auxiliaires. 37 : Église Saint-Nicolas (Ναός Αγίου Νικολάου). 39 : Église Saint-Georges (Ναός Αγίου Γεωργίου). 39 : Église Saint-Pantaléon (Ναός Αγίου Παντελεήμονα). 40 : Habitations de l’époque ottomane. 41 : Marché de l’époque ottomane. 42 : Cimetière de l’époque ottomane. 43 : Mosquée du village ottoman - Hôpital de la léproserie (Νοσοκομείο Λεπροκομείου). 44 : Citernes de l’époque ottomane. 45 : Dortoirs de la léproserie (Κοιτώνες Λεπροκομείου). 46 : Bar - Toilettes. 47 : Information - Billets. À noter que sur la carte de Francesco Basilicata, ci-dessous, le bastion Tiepolo, au sud-est, et le bastion Donato, au sud-ouest, sont intervertis. | En août 1571 l’Empire ottoman s’empara de l’île de Chypre, alors possession de la République de Venise, et de ses marais salants ; la Crète devint la dernière possession vénitienne en Méditerranée orientale et les Vénitiens savaient qu’elle serait la prochaine cible des Ottomans. Dès cette année 1571 le Sénat de Venise prit la décision de renforcer les défenses de l’île de Candie, notamment de fortifier l’île de Spinalonga afin de protéger le port du même nom, ainsi que les salines situées au fond de la rade. De 1574 à 1578 Giacomo Foscarini (1523-1603) fut Provéditeur Général de Candie chargé de mener à bien ces fortifications et aussi de pacifier la population crétoise en résolvant la crise alimentaire. Sept années s’écoulèrent en discussions approfondies sur la conception de la forteresse selon le système de la fortification bastionnée ; en 1578 le projet de l’ingénieur et architecte militaire Genesio Bresciani ou Genese Bressani (1525-1610) fut retenu et la construction de la forteresse lui fut confiée ; le projet de Bresciani comprenait une enceinte faisant le tour du rivage de l’île et une grande plate-forme d’artillerie au sommet de l’île ; la seconde partie du projet fut initialement écartée pour des raisons financières. La conception de la forteresse, suivant les caractéristiques topographiques de l’île, la rendait invulnérable : de hauts murs érigés directement sur la mer, ne laissant aucune place pour un débarquement. Les travaux de construction de la forteresse de Spinalonga commencèrent en 1579 ; les ingénieurs vénitiens découvrirent des vestiges des anciennes fortifications qui avaient été bâties par les Olounites pour défendre l’entrée du port de l’antique cité d’Olous à l’époque minoenne et d’Olonte à l’époque hellénistique. | | L’enceinte maritime de Bressani fut construite, entre 1579 et 1583, par des ouvriers locaux rémunérés aux frais de l’État vénitien. Les fortifications de la façade sud comprenaient deux bastions (baluardi), le bastion Tiepolo, du nom du duc Almorò Tiepolo, (n° 2 sur le plan) et le bastion Donato, ou bastion de Donà, du nom du Provéditeur général Nicolò Donà, (n° 3 sur le plan), ainsi que le demi-bastion (mezzo baluardo) Scaramella, avec un orillon (orecchione Scaramella) sur son côté sud, (n° 5 sur le plan), du nom du secrétaire Giancarlo Scaramelli ; les bastions Tiepolo et Donà protégeaient l’entrée sud de la forteresse (n° 1 sur le plan). Le bastion oriental, Donato, est carré et ressemble beaucoup plus à un cavalier carré qu’à un véritable bastion avec ses spécificités. | | | Cette Porte du Sud ouvrait sur un long tunnel ; à l’époque de la léproserie, la Porte du Sud fut surnommée la « Porte de Dante » par les lépreux déportés sur Spinalonga, qui la considéraient comme la porte de l’Enfer, l’Enfer de Dante Alighieri, porte qui portait l’inscription « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ! ». La porte principale (Porta maestra) se trouvait au milieu de la côte ouest de l’îlot, face à la côte de la Crète, (n° 14 sur le plan) ; cette Porte de l’Ouest était une porte monumentale, en pierre bossagée et avec deux piliers supportant une métope portant une inscription latine. Le casernement de la garnison se trouvait à côté de cette Porte de l’Ouest (n° 32 sur le plan) ; la salle des gardes était située au nord de la porte ; à l’arrière de la porte, sur le flanc de la colline, se trouvaient les bâtiments de l’administration de la forteresse (gouverneur, provéditeur et cetera). L’ouest de l’îlot était protégé par le flanc de Perino (n° 12 sur le plan), également nommé ouvrage Bona, et le flanc de Genese (n° 13 sur le plan), le coin Bembo (n° 15 sur le plan), du nom du capitaine de la garde Giovanni Bembo, et le coin Carbonana (n° 16 sur le plan), du nom du gouverneur de la forteresse Raffaele Carbonano. Le bastion Tiepolo présente un orillon (orecchione) sur son flanc oriental ; il y a aussi une petite poterne sur le flanc du bastion, qui s’ouvre depuis la courtine intérieure. | | Luca Michiel, Provéditeur général de Crète (Provveditore Generale di Creta), succéda à Bressani ; il commença les travaux de construction du château principal. La façade sud fut renforcée par trois rangées de canons : au-dessus des remparts du sud, entre les deux bastions, fut construite l’imposante demi-lune (mezzaluna) Moceniga (n° 19 sur le plan) ; la demi-lune Moceniga, du nom du capitaine général Giovanni Mocenigo, ou demi-lune Barbariga, du nom du premier provéditeur de la forteresse Agostino Barbarigo, était protégée par un robuste revêtement en pierre et une épaisse couche de terrassement percée de cinq casemates voûtées. La demi-lune de Mocenigo est une structure circulaire massive avec plusieurs robustes embrasures à canons ; cette fortification apparaît de dimensions disproportionnées ; elle est ornée du Lion de Saint-Marc et d’une inscription altérée par les intempéries où se devine la date de 1581. | | Au-dessus de la demi-lune Moceniga se trouve le cavalier, ou plate-forme d’artillerie, Moceniga (n° 20 sur le plan) ; également au-dessus de la demi-lune, sur le côté est, se trouve le cavalier Miani, du nom du capitaine général Antonio Miani (n° 21 sur le plan). | | Au cours de cette première phase de construction fut aussi édifiée, du côté nord, la puissante demi-lune de Michiel (n° 10 sur le plan), qui défendait l’entrée du port de Spinalonga ; la mezzaluna Michiela, du nom du Provéditeur Général Luca Michiel, porte la date de 1579 ; elle comporte sept casemates voûtées et un étroit chemin de ronde. La demi-lune Michiela fut renforcée par le cavalier, ou plate-forme d’artillerie, Mosta, du nom de Francesco da Mosto, (n° 18 sur le plan) et par le cavalier Moretta, du nom du gouverneur Moretto Calabrese, (n° 17 sur le plan). | | | | Des courtines jalonnées de saillants furent ajoutées au périmètre de l’enceinte, mais l’enceinte resta incomplète au cours de cette première phase. | | En 1584, lors d’une visite d’inspection, l’ingénieur et commandant militaire de Candie, Latino Orsini, se rendit compte que l’île pouvait facilement être attaquée par l’artillerie depuis la pointe nord de la presqu’île de Spinalonga ; en 1585-1586 Orsini fit construire à faible coût un mur sur la crête rocheuse de l’îlot, comprenant la courtine Veniera (n° 25 sur le plan), du nom du provéditeur de la forteresse Dolfino Venier, et la courtine Grimana, du nom du provéditeur général Alvise Grimani, (n° 26 sur le plan) ; ces courtines étaient défendues par le saillant Veniera (n° 22 sur le plan) et par le cavalier Orsini (n° 23 sur le plan). | | Orsini acheva l’enceinte existante en construisant deux murs transversaux qui formaient une enceinte secondaire : un mur au sud-ouest, rejoignant le bastion de Tiepolo, comprenant la courtine Mema (n° 27 sur le plan), du nom du duc Lodovico Memo, et la courtine Faliera (n° 28 sur le plan), du nom du conseiller Lodovico Falier ; un mur au nord-est, face au golfe de Mirabello, la courtine transverse Molina (n° 31 sur le plan), du nom du provéditeur de la forteresse Francesco da Molin, défendue par le coin Contarini, du nom du provéditeur de la forteresse Gerolamo Contarini, (n° 24 sur le plan). Une porte, ouverte dans la courtine de Falier, permettait d’accéder à la partie supérieure de la forteresse, la Porte de la Colline (Portello del Monte) (n° 30 sur le plan). Une autre porte s’ouvrait dans la courtine de Memo, la Porte de Carbonano (Portello Carbonano) (n° 29 sur le plan). D’autres renforcements furent réalisés jusqu’en 1590. | | Au début du XVIIe siècle Candie ne connut pas de menaces ottomanes importantes ; les menaces se précisèrent vers 1640 et la guerre de Candie éclata ouvertement en 1645. De 1640 à 1659 d’importants travaux de défense furent effectués sur la forteresse de Spinalonga, notamment des travaux de terrassement, l’achèvement du périmètre de l’enceinte et l’ajout d’embrasures aux fortifications ; les remparts du nord-est furent achevés, renforcés par le saillant de Rangone, du nom du gouverneur Baldissera Rangone, (n° 7 sur le plan), ou bastion Molino. Une fois achevée, la forteresse était dotée de 35 canons. | | L’enceinte littorale était de forme triangulaire ; les côtés du triangle étaient entrecoupés d’angles saillants plus petits, reliés par de simples courtines. L’enceinte avait un périmètre mesurant environ 1200 mètres. À l’intérieur de l’enceinte, il y avait un camp militaire organisé, avec des résidences pour le provéditeur et pour le commandant de la garnison, des casernes, des magasins de poudre à canon, des entrepôts de nourriture et d’armes, des églises et des citernes à eau. À l’époque vénitienne il y avait trois églises dans l’enceinte de la forteresse ; l’église la plus ancienne est Saint-Nicolas qui date de la fin de l’époque byzantine et qui comporte des peintures murales (n° 37 sur le plan) ; les églises Saint-Pantaléon (n° 39 sur le plan) et Saint-Georges (n° 38 sur le plan) furent bâties plus tard. | En 1647 les Turcs contrôlaient la totalité de l’île de Candie à l’exception de la ville de Candie et de quelques forteresses, dont Spinalonga. La forteresse de Spinalonga cessa d’être une place purement militaire et devint un refuge pour des centaines de résistants (Χαΐνηδες / Chaïnides) de la Crète orientale sous domination ottomane ; ces réfugiés établirent un village sur le côté sud-sud-ouest de l’îlot ; depuis l’île-forteresse ils harcelaient les Turcs. « Chanaïde » était le mot péjoratif par lequel les Turcs désignaient ces rebelles ; le mot, d’origine arabe, signifie « traître, perfide ». Les rebelles se nommaient eux-mêmes « Kalispéridés » (Καλησπέριδες) (« ceux qui disent bonsoir »), car ils faisaient souvent leurs attaques le soir et saluaient l’ennemi par « bonne nuit » avant de le tuer. Après la prise de Candie par les Ottomans en 1669, Spinalonga fut l’une des trois places-fortes que les Vénitiens purent conserver, avec celle de Souda, près de La Canée, et celle de Gramvoussa, dans le nord-ouest de la Crète, près de Kissamos, ainsi que l’île cycladique de Tinos. | En 1714 l’Empire ottoman déclencha la VIIe guerre vénéto-ottomane dans le but de reconquérir la Morée, c’est-à-dire le Péloponnèse, rendue à Venise lors du traité de Karlowitz qui avait mis fin à la VIe guerre vénéto-ottomane en 1699. La République de Venise dut concentrer ses forces navales sur la défense de la Morée et n’eut plus les moyens de ravitailler les lointaines places fortes de l’île de Candie. Les Ottomans mirent le siège devant la forteresse de Spinalonga en juin 1715 ; l’île-forteresse fut canonnée par une flotte turque d’une dizaine de navires, ainsi que par des batteries de canons installées sur la côte, dans la région de Plaka, et sur la pointe nord de la presqu’île de Spinalonga. Sous le commandement de Francesco Giustiniani, la petite garnison vénitienne, renforcée par des chanaïdes crétois, se défendit héroïquement pendant trois mois ; un assaut turc échoua, mais, le 4 octobre 1715, par manque de ravitaillement, Spinalonga dut faire sa reddition au Kapudan Pacha (Kaptan Paşa, Καπουδάν Πασά), le Grand Amiral ottoman. Comme les autres forteresses de Candie, Spinalonga s’était révélée imprenable par les armes ; la forteresse avait résisté 68 ans après l’occupation de l’île de Candie par les Ottomans et 46 ans après la prise de la ville de Candie. Aux termes du traité de Passarowitz en 1718, les forteresses de Souda et de Spinalonga, ainsi que l’île de Tinos, furent finalement cédées aux Ottomans. Le traité de Passarowitz stipulait que tous les habitants de l’île de Spinalonga, Vénitiens et Crétois, pourraient partir librement avec leurs biens, ou rester sur l’île et devenir sujets du sultan, mais en conservant une église orthodoxe. Si le traité fut respecté en ce qui concernait les Vénitiens, il ne le fut pas pour les Crétois : plus de 600 habitants furent mis en esclavage, les hommes les plus robustes, aptes à ramer, étant envoyés aux galères, les autres vendus comme esclaves, quelques-uns ou quelques-unes donnés au pacha de La Canée. Quelques chaïnides purent s’échapper et se cacher dans les montagnes de Crète. | La forteresse de Spinalonga est dans un état de conservation convenable, même si des parties du nord-est de l’enceinte maritime ont été démolies vers 1939 pour créer une route circulaire autour de l’île. Le bastion en demi-lune Moceniga est particulièrement bien conservé ; de l’époque vénitienne il subsiste également un cellier voûté, des citernes voûtées, la caserne de la garnison, la poudrière et un bâtiment tripartite, mais la plupart de ces bâtiments ont été modifiés pendant l’occupation ottomane et l’époque de la léproserie. |
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| Le village turc d’İspirlonga | Après la reddition de la forteresse vénitienne de Spinalonga, la mer Égée étant presque devenue une « mer ottomane », la forteresse de Spinalonga n’avait plus une grande importance stratégique ; les Ottomans y maintinrent une petite garnison d’environ 200 soldats. Après la déportation en esclavage des habitants crétois de l’île, les Ottomans créèrent une colonie turque sur l’île ; des Turcs et des Crétois convertis à l’Islam s’installèrent dans le village créé autrefois par les réfugiés crétois dans le sud-ouest de l’île. Les bâtiments résidentiels vénitiens, sur les côtés ouest et sud de l’île, furent remplacés par des bâtiments dans le style ottoman, avec deux planchers et de hauts murs. Avec l’accroissement des conflits entre les Crétois et les colons turcs, de plus en plus de familles turques recherchèrent la sécurité des remparts de Spinalonga : en 1821 l’île comptait une population d’environ 20 familles ; en 1834 il y avait 80 familles ; pendant le soulèvement crétois de 1878, Spinalonga fut l’un des rares endroits qui resta encore sous contrôle ottoman ; en 1881 l’île comptait 227 familles et plus de 1 000 habitants ; elle était le principal centre de commerce du golfe de Mirabello ; l’île-forteresse servit de plus en plus de refuge pour les colons turcs comme elle avait servi de refuge pour les résistants crétois après l’occupation de la Crète par les Ottomans. En 1897 des insurgés crétois attaquèrent l’île en la bombardant. Après la création d’un État crétois autonome, mais faisant toujours formellement partie de l’Empire ottoman, des troupes de marine françaises furent stationnées dans la forteresse. Avec le départ de Crète des troupes turques de plus en plus de colons turcs retournèrent en Asie mineure ; en 1903, la création d’une léproserie sur l’île de Spinalonga décida les derniers Turcs à partir. De cette époque il reste des maisons à étage, entourées de hauts murs, (n° 40 sur le plan) et les boutiques d’un marché (n° 41 sur le plan), qui s’étendent sur la pente sud-ouest de la colline ; le cimetière musulman se trouve sur le côté oriental de l’île (n° 42 sur le plan). | |
| La léproserie de Spinalonga (Λεπροκομείο στη Σπιναλόγκα / Leprokomeío sti Spinalónka) | Pendant l’occupation ottomane de la Crète, les malades de la lèpre étaient isolés dans un quartier situé à l’ouest d’Héraklion, Meskinia (Μεσκινιά) ; cette situation faisait craindre une infection du reste de la population. En 1903 le nouvel État autonome crétois, créé en 1898, décida d’isoler les lépreux dans l’île-forteresse de Spinalonga qui venait d’être abandonnée par les Ottomans. En 1904 environ 250 malades furent installés à Spinalonga. Après l’union de la Crète au Royaume de Grèce en 1913 (Énosis), ce furent tous les lépreux de la Grèce qui furent déportés dans l’île ; chaque lépreux percevait une petite pension de l’État. Les malades furent logés dans les maisons abandonnées par les colons turcs qui avaient dû quitter l’île de Spinalonga. Les premières années furent épouvantables mais peu à peu les lépreux s’organisèrent et créèrent une communauté villageoise comprenant les corps de métiers habituels : cultivateurs, pêcheurs, maçons, boulangers, épiciers, cafetiers, barbiers et même un pope. Dans les années 1930 un nouvel hôpital fut créé dans le bâtiment de l’ancienne mosquée du village turc. Vers 1948 les premiers traitements contre la lèpre, ou maladie de Hansen, à base d’antibiotiques, firent leur apparition ; la léproserie commença à se vider, mais ce n’est qu’en 1957 que la léproserie ferma ses portes ; les trente derniers malades furent transférés à Athènes. Pendant un demi-siècle environ 1 000 malades de la lèpre avaient été relégués à Spinalonga, qui avait compté jusqu’à 400 habitants ; malgré l’interdiction des mariages, des couples s’étaient formés et avaient donné naissance à quelques dizaines d’enfants ; ces enfants en bonne santé étaient retirés à leur parents et emmenés dans des orphelinats pour les préserver de la contamination. Les défunts étaient enterrés dans des sarcophages dans un cimetière situé sur le bastion de Donà (n° 3 sur le plan).
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