Vers 1290, Jaume II assigna aux juifs un ghetto entouré de murailles, fermé par des portes pour leur propre protection. Ce ghetto était situé dans le quartier de la Calatrava dans la paroisse de Sainte-Eulalie ; il comprenait la Carrer de Monti-Sion et la rue aux Juifs. Le Call Major occupait le quart nord-est de la cité médiévale où les Hébreux avaient l’obligation de passer la nuit et de vivre, mais pas de travailler. De fait, beaucoup de juifs avaient leurs magasins ou leurs entreprises en dehors du quartier juif. Au début du XIVe siècle, le Call fut entouré d’un mur ; on y accédait par quatre portes réparties le long du périmètre. Le quartier était constitué de six grands pâtés de maisons qui communiquaient entre eux par deux voies principales : la Carrer del Sol et les rues actuelles de Monti-Sion et du Seminari Vell. Dans ces pâtés de maisons, les maisons étaient souvent organisées autour d’un jardin ou d’un patio, assurant une protection et une intimité accrue à ses habitants. Dans ce tissu urbain, il faut ajouter une série d’impasses qui permettaient un lien plus intime entre les différents patios ou jardins qui ouvraient sur l’arrière de l’habitation. Na Dragona et Can Conrado sont deux exemples de ces ruelles qui ont survécu jusqu’à ce jour. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, l’accroissement de la population juive nécessita l’acquisition de maisons situées au-delà des murs du Call. Ainsi furent occupées des rues périphériques (el Temple, Salom, Torre de l’Amor …). Le fait de vivre à l’extérieur des murs, qui protégeaient le Call, affaiblissait la communauté juive, et, dans une certaine mesure, facilita l’assaut par la foule en 1391. Dans ce quartier juif (barri jueu) vécurent quelques personnages célèbres : le rabbin Shimon ben Tsemah Duran (1361-1444) qui émigra à Alger et y devint l’un des plus importants rabbins, le médecin Judah Mosconi (milieu du XIVe siècle), le talmudiste Jonah Desmaestre (fin du XIVe siècle), l’astronome Isaac Nifoci, le cartographe Abraham Cresces ( ? - vers 1381). Après les épidémies de peste de 1370 et de 1380, des émeutiers demandèrent l’expulsion des juifs de l’île en 1391 ; à partir de 1413, des prédications furent menées – notamment par le futur saint Vincent Ferrer – pour la conversion des juifs. Bien que la communauté juive ait – officiellement – disparu en 1434, quand elle fut finalement contrainte de se convertir au christianisme, le judaïsme ne disparut pas de Majorque, grâce à ceux qui persistèrent. Ces descendants furent connus sous le nom de « Xuetes / Chuetas », et, soupçonnés de pratiquer en secret leur ancienne religion, furent souvent persécutés (et parfois condamnés à mort) par l’Inquisition, et souffrirent de l’exclusion sociale jusque bien avant dans le XXe siècle. La Grande Porte de la Juiverie (Porta Major del Call) était la porte principale du quartier juif, située à la jonction de la rue de Monti-Sion et de la rue del Sol. Cette porte permettait la communication entre la juiverie et le centre-ville. Juste derrière cette porte, sur la droite de la rue Monti-Sion, se trouvait la boucherie du Call. En 1304, c’était le boucher Isaac Nafussí qui était agréé par l’Aljama pour abattre le bétail selon le rituel juif (shehita), pour que la viande fut apte (cachère) à la consommation par la communauté juive. La Rue du Soleil (Carrer del Sol) était aussi connue comme Rue aux Juifs (Carrer dels Jueus). Dans cette rue sont conservés des maisons médiévales remarquables ayant appartenu à des juifs. L’actuelle école du tourisme, avec ses boiseries artistiques, en est l’un des meilleurs exemples. Le nombre et la taille de ces anciennes maisons médiévales nous apprennent qu’ont dû vivre dans cette rue les familles les plus riches. La Rue de l’Enfance (Carrer de la Criança) pourrait être la vieille rue des Tavernes (Carrer de les Tavernes), qui apparaît dans des documents anciens. Il y est mentionné, de 1339 à 1350, le nom de l’aubergiste juif Atlel, qui vendait du vin juif (vin juevesch), c’est-à-dire du vin casher. Cette rue étroite relie les deux rues les plus importantes du Call : la Carrer del Sol et la Carrer de Monti-Sion. Cette ruelle conserve aussi des maisons médiévales, dans l’une desquelles ont été découvertes des peintures murales avec des inscriptions en hébreu. La Porte de l’Abreuvoir du Temple (Porta de l’Abeurador del Temple) se trouve à la confluence des rues del Sol, de la Pelleteria et dels Botons ; c’était la porte orientale du Call, débouchant à côté de l’abreuvoir situé en face de la forteresse des Templiers. Aujourd’hui se dresse à cet endroit une statue du juif et fils illustre de Majorque, Jafudà Cresques (vers 1350-vers 1427), cartographe naval de renom, qui vécut tout près de là. La Rue des Boutons (Carrer dels Botons) délimite la partie orientale du Call d’origine avant son extension au-delà de ses murs. Elle conserve une maison médiévale de l’époque. Cette rue se termine à l’intersection de la rue de l’Ancien Séminaire (Seminari Vell), de la place Saint-Jérôme et de la rue de Can Calders. Cette dernière a sans doute pris le nom d’une famille juive majorquine, celle d’Isaac et d’Abraham de Caldes, mentionnée dans la juiverie dans la seconde moitié du XIVe siècle. La Rue de la Pelleterie (Carrer de la Pelleteria) était connue comme la rue de la Nouvelle Synagogue, parce que s’y trouvait la dernière synagogue du Call. Celle-ci avait été édifiée grâce au legs d’Aaron Mani en 1370. Elle subit des dommages importants lors de l’assaut de 1391 et fut reconstruite peu après par des juifs venus du Portugal. Son emplacement peut être situé là où se trouvait le four de Can Miquel. La synagogue était également accessible par l’impasse de Can Conrado, qui communique avec la Carrer del Sol. Aujourd’hui la Carrer de la Pelleteria est amputée, mais à l’époque médiévale cette rue allait jusqu’à l’actuelle rue de la Posada de Montserrat. À la fin du XVIe siècle elle fut occupée par l’école de Monti-Sion, et, à sa place, fut ouverte, en parallèle, une nouvelle rue, la rue des Écoles (Carrer de les Escoles). Dans la Rue du Mont-Sion (Carrer de Monti-Sion), également connue sous le nom de la rue du Call Major, se trouvait la première synagogue, à l’emplacement de l’actuelle église de Monti-Sion. Ce fut la plus grande et la plus somptueuse synagogue de la juiverie. Jaume III, la désignait comme « curiosam et valde formosam ». La synagogue à peine achevée, le roi Sanç Ier la confisqua, à titre de punition, et la convertit en église, l’église du Mont-Sion. La rue du Mont-Sion traversait le quartier d’est en ouest avec, à ses deux extrémités, la Porta de les Torres Llevaneres et la Porta Major. La première porte devait être située à l’intersection des rues dels Botons, de Can Calders et de Seminari Vell. Dans un premier temps, la Rue de l’Auberge de Montserrat (Carrer de la Posada de Montserrat) se trouvait en dehors du Call. C’était la porte de Calatrava, par laquelle on accédait à la juiverie. Après l’extension du quartier juif au-delà des murs, dans la seconde moitié du XIVe siècle, cette rue fut intégrée au Call. En fait, c’est ici que fut édifiée la grande synagogue après la fermeture de la première, celle de Monti-Sion, en 1313. Cette synagogue se trouvait à la hauteur de l’ancien séminaire. Au fil du temps cette rue devint connue comme la rue de la Vieille Synagogue (Carrer de la Sinagoga Vella), par opposition à la nouvelle synagogue qui avait été construite rue de la Pelleteria. La Rue du Vent (Carrer del Vent) flanque un côté de l’église de Monti-Sion, à l’emplacement de la première synagogue, et fut connue, pour cette raison, comme la ruelle de la synagogue. Parmi les plus anciens pavés de la rue, on trouve des restes identifiables de l’ancienne synagogue. La rue de Can Dusai fut tracée dans la seconde moitié du XIVe siècle, dans le but de relier deux quartiers juifs importants : celui de Monti-Sion et celui de Sant Alonso (autrefois Born de Santa Clara). La rue porte le nom de la famille Dusai, dont certains membres sont mentionnés dans le Call en 1350. Dans cette rue vivait à la fin du XIVe siècle, le juif Meir Duzay, dont les descendants convertis conservèrent la maison jusqu’au XVIIe siècle. |