C’est, paraît-il, un plat de champignons qui fit périr la femme et les trois enfants d’Euripide, le poète grec (Ve siècle avant JC). Quelques victimes historiques d’empoisonnement par les champignons : l’empereur Claude qui mourut en 54, d’un plat d’Oronges auxquelles Agrippine aurait mêlé quelques champignons vénéneux, nous raconte Tacite ; Britannicus (55) ; le pape Clément VII (1534) ; Charles VI, empereur germanique (1740). De nombreuses légendes populaires, presque toutes originaires d’Europe Centrale, sont consacrées aux champignons. La mythologie scandinave les voit naître de gouttes d’écume tombées de la bouche du cheval d’Odin, le créateur d’Ask, le premier homme, et d’Embla, la première femme, l’inventeur des runes et surtout de la magie. Déformées, remaniées au cours des temps, christianisées par la suite, ces légendes naïves font éclore les champignons des miettes de pain tombées de la bouche d’un saint (habituellement vénéré dans la région d’où provient la légende). Si les miettes venaient de pain blanc, elles engendraient de bons champignons, s’il s’agissait de pain bis, les champignons étaient vénéneux. Ainsi, expliquait-t-on, les uns et les autres sont régulièrement mélangés puisque le saint recevait tantôt un accueil généreux et du pain blanc, tantôt du pain bis seulement. Au début du XIXe siècle, Nelson écrit de Toulon : « Ma flotte est formidable sur le papier, mais en fait, Victory, Bellisle, Donegal sont les seuls navires capables de prendre la mer. » Et le célèbre amiral de s’apitoyer sur sa « crazy fleet », sa flotte infirme. C’est qu’une large part de la puissante flotte britannique avait été construite hâtivement, avec des bois insuffisamment secs : de nombreuses unités s’effondrent, peu de temps après leur mise à l’eau. Le « Formidable », navire de 110 canons, est envahi par la mérule et tombe en poussières en quelques semaines. Après Waterloo, 550 unités sur 1.140 que comptait la Marine britannique doivent être vendues ou détruites, suite à l’action des champignons. Ainsi, le célèbre « Victory », dont les restes sont précieusement conservés aujourd’hui à Portsmouth, commencé en 1759 et lancé en 1765, coûtait 65.000 livres Très vite, son état exige des réparations : coût, 13.000 livres. Il participe à Trafalgar et revient alors à 252.000 livres. Les nouvelles réparations qu’il doit subir en 1787, en 1800 et en 1814 le remettent presque complètement à neuf. Son prix de revient est, des lors, de 372.000 livres. Un siècle plus tard, on découvre que le coniophora est à l’origine du mal qui rongea le célèbre vaisseau pendant toute sa vie. Bien qu’il existe des textes traitant des champignons comestibles et vénéneux remontant à la Rome antique, ce n’est que récemment que la science a su aborder ce domaine. On a longtemps cru que les champignons étaient des émanations de la terre humide. Soudain ils étaient là, sans que l’on ait pu les voir pousser. N’ayant ni fruits ni graines, ils ne ressemblaient à aucun phénomène connu des savants de l’époque. Il n’est donc guère étonnant qu’on les ait pris pour des créatures diaboliques. C’est seulement lorsque le savant italien Pierre Anton Micheli découvrit les spores en 1710, et élucida ainsi le mystère de la reproduction des champignons, que l’on commença à accorder de l’attention à ces végétaux. Cependant, le grand naturaliste suédois Carl von Linné lui-même, qui élabora vers 1750 une classification de toutes les espèces animales et végétales connues alors, et leur donna la plupart des noms latins encore en vigueur, n’a pas obtenu de résultats probants avec les champignons. C’est son compatriote Elias Fries qui parvint à comprendre leurs secrets. Son Systema mycologica, paru en 1821, est encore aujourd’hui la base de la nomenclature en matière de mycologie. Depuis, de très nombreuses espèces ont été découvertes et nommées, tandis que de nouvelles méthodes étaient mises au point pour les décrire. On sait maintenant que l’identification d’un champignon nécessite parfois non seulement l’usage d’un microscope, mais aussi dans certains cas délicats le recours à des tests chimiques, voire à des réactifs colorés. Cela fixe donc des limites au débutant qui souhaite reconnaître des champignons le plus simplement possible, à l’aide d’illustrations et de fiches descriptives. De nombreuses espèces restent cependant identifiables par une étude minutieuse et critique des caractères visibles. |